Ils
nous racontent ce qui les arrange mais n’en pensent pas moins !
C’est ce que mettent en évidence deux notes de synthèse
confidentielles préparées par la Commission européenne
à l’intention des ministres des finances qui se
réunissaient en fin de semaine à Copenhague, dont le Financial
Times a dévoilé le contenu.
Les
ministres ont été avertis que les causes de la crise de la
dette souveraine et de la crise bancaire n’avaient toujours pas
été résolues. Selon les auteurs de la note, les 1.000
milliards d’euros de la BCE fournissent un répit devant
être mis à profit pour consolider les finances publiques et les
bilans bancaires. « La contagion peut réapparaître
à très court terme (…) et relancer le triangle
potentiellement pervers formé par la dette souveraine, le risque
bancaire et la croissance », est-il expliqué. « La crise
de l’euro n’est pas terminée. Bon nombre des
déséquilibres sous-jacents et de faiblesses de
l’économie, du secteur bancaire ou des emprunteurs souverains
restent à régler », est-il ajouté. Il est
préconisé d’augmenter le fonds de sauvetage
européen, de recapitaliser les banques, d’introduire de
nouvelles règles de discipline budgétaire et d’adopter
des politiques encourageant la croissance. « Si cette fenêtre
d’opportunité n’était pas efficacement
utilisée (…) nous pourrions avoir raté notre
dernière chance d’agir pour une longue période »,
est-il conclu.
Il
est aussi question des banques. Plus précisément de
l’éventualité qu’elles ne disposent plus
d’assez de collatéral de qualité à apporter en
garantie pour financer leurs opérations, celui-ci ayant
été déjà utilisé pour emprunter massivement
à la BCE, les conduisant à se tourner vers des produits
structurés associés à des risques peu identifiés.
Parallèlement, les exigences de renforcement par
l’Autorité bancaire européenne de leurs fonds propres
pourraient les inciter à se délester de plus d’actifs et
de diminuer l’en-cours de leurs prêts.
Les
banques ont-elles effectivement déprécié les actifs de
mauvaise qualité qu’elles détiennent, s’interroge
l’une des deux notes ? Se poser la question, c’est
déjà y répondre : au lieu de reconnaître leurs
pertes, les banques pourraient choisir de tergiverser, reconnaît
prudemment la note. Ce qui aurait des effets néfastes sur leur
politique de crédit, les conduisant à réserver aux
meilleurs clients leurs prêts, au détriment de la relance
économique.
Ces
analyses n’engagent que leurs auteurs, mais il est symptomatique
qu’elles figurent dans de tels documents officiels bien que
confidentiels, délivrant une vision très différente de
celle qui est publiquement affichée. Comme le remarque le Financial
Times, la Commission entend bien signifier que le pire de la crise de
l’Eurozone n’est pas
nécessairement passé.
Vitor Constancio,
vice-président de la BCE, a apporté de l’eau à son
moulin en rompant le silence à propos d’un éventuel
deuxième plan de sauvetage du Portugal. De toute
évidence un ballon d’essai. En faisant dépendre sa
nécessité « de l’évolution des
marchés et de la performance du pays », estimant que «
c’est une question qui est toujours en évaluation [mais] ne se
posera qu’en septembre de l’année prochaine ».
Ce
qui renvoie au grand succès de la réunion de Copenhague qui
s’est traduit par la décision de doter a minima le MES.
Permettant à Jörg Asmussen, membre du
directoire de la BCE, de proclamer que les Européens « avaient
accompli leur devoir » et de renvoyer la balle au FMI, qui tiendra les
20 et 21 avril prochains sa réunion de printemps. Ce dernier cherche
à accroître sa capacité de prêt à 500
milliards de dollars, pour lesquels les Européens ont annoncé
vouloir mettre au pot à hauteur de 150 milliards d’euros. La
question est de savoir qui d’autre va contribuer au sauvetage de
l’Europe, les États-Unis jouant les observateurs.
Pour
justifier la décision de Copenhague, Wolfgang Schäuble
n’y a pas été par quatre chemins, expliquant que ce qui
allait arrêter la spéculation, ce n’était pas la
taille du pare-feu – difficile à faire valoir il est
vrai, vu qu’elle est minimaliste – mais les mesures structurelles
engagées, car « il n’y a pas de montant avec lequel vous
pouvez convaincre les marchés financiers ».
Dans
une interview accordée à Der Spiegel, le ministre veut mettre
sous haute surveillance les budgets nationaux de la zone euro, sous
l’égide de commissions d’experts, afin de prévenir
des « développements anormaux ». Il serait
également question de renforcer les pouvoirs du commissaire aux
finances, chargé de faire appliquer les règles
européennes, sans que le président de la commission ou ses
collègues puissent intervenir…
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