Le
billet précédent a mis en évidence les
conséquences environnementales de l’orpaillage, ainsi que les
contradictions des politiques menées contre l’orpaillage
illégal. Ces dernières oscillent entre le renforcement des contrôles
policiers et l’augmentation des frais de fonctionnement de
l’industrie aurifère. A ces solutions politiques, mises en place
sous la pression de considérations médiatiques et
électoralistes, s’ajoutent des propositions plus volontaristes
s’attachant à responsabiliser les consommateurs et plus
généralement tous les acheteurs d’or, qui sont
incités à boycotter la filière illégale.
Depuis
plusieurs années, l’orpaillage clandestin en Guyane est devenu l’un
des sujets de prédilection du bureau français du World Wide Fund (WWF). Ce dernier a lancé en 2011 une pétition
pour dénoncer l’impact environnemental des exploitations
aurifères illégales, sous le titre « Non à l’or illégal »,
qui recueillait déjà 8065 signatures le 29 mars 2012. Sur la base de plusieurs études
menés dans la région et en s’appuyant sur un
réseau institutionnel important, le WWF invite à mettre en place
un observatoire des pratiques aurifères, qui surveillerait la
distribution des permis pour les exploitations minières attribués
par les gouvernements dans la région des trois Guyanes.
Plus spécifiquement,
le WWF considère qu’une solution aux problèmes
environnementaux décrits consisterait à établir une
traçabilité de l’or légal en incitant les
orfèvres et les marchands d’or à exiger une preuve
d’extraction légale de l’or, gage de pratiques
respectueuses de l’environnement, suivant le raisonnement de
l’ONG. Cette campagne souligne qu’il n’est
aujourd’hui possible d’identifier l’origine que
d’environ 5% de l’or extrait chaque année dans le monde.
Le consommateur n’a donc pratiquement aucune information sur la manière
dont l’or est extrait et transformé. Selon le WWF, dans beaucoup
de pays et notamment en Guyane, l’or illégal est facilement
« blanchi » en intégrant la filière
légale dès la première transaction.
En bref, le
système envisagé par le WWF dans cette campagne
s’apparente aux initiatives du type commerce équitable
concernant des biens comme le café, le cacao, le coton etc. qui
reçoivent différents labels garantissant qu’ils ont
été produits en conformité avec un cahier des charges
préalablement défini et généralement
considéré comme acceptable d’un point de vue social et
environnemental.
Sans aller
dans les détails de la faisabilité d’un tel cahier des
charges, il est important de comprendre la spécificité de
l’or par rapport aux produits du commerce équitable afin de
mieux saisir les limites de l’initiative du WWF.
Nous pouvons
d’ores et déjà observer que l’or est un produit
entièrement malléable et homogène : une once
d’or d’une même qualité est parfaitement
interchangeable avec autre once d’or de la même qualité,
indépendamment de son lieu d’extraction. Mais surtout,
l’or est facilement et indéfiniment recyclable :
n’importe quel produit en or, lorsqu’il est fondu, retrouve la
même qualité qu’avant sa transformation et peut reprendre
n’importe quelle autre forme. C’est d’ailleurs notamment en
raison de ces caractéristiques que l’or a été
sélectionné comme moyen d’échange pendant
plusieurs siècles et garde encore aujourd’hui la réputation
d’une valeur-refuge inégalable.
Ainsi, on
comprend mieux pourquoi il est impossible d’exiger un certificat de
provenance lorsque l’on achète une quantité d’or.
Il serait naïf de croire qu’un morceau d’or donné
serait précisément celui qui correspond au certificat qui
l’accompagne. En ce qui concerne un produit en or, le seul certificat susceptible
de faire sens est celui de sa qualité, qui spécifie la
proportion d’or pur du bien en question. La traçabilité des
produits est possible dans le commerce équitable, parce que le bien est
détruit après avoir été consommé. Mais
contrairement au café par exemple, la vie d’une certaine
quantité l’or ne s’arrête pas au premier objet qu’elle
permet de façonner. Dès lors qu’il est fondu, un
poinçon ne vaut plus rien car il peut être mélangé
à d’autres alliages en différentes proportions et employé
pour produire d’autres objets.
Un suivi tel
que celui que recommande le WWF serait donc non seulement inefficace pour
distinguer l’or produit légalement de l’or produit
illégalement, mais la campagne contre l’or illégal pourrait
avoir des effets secondaires importants sur les plans éthique et
économique. Ces conséquences seront mises en évidences
dans le prochain billet.
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