Il est
nécessaire pour les individus de prendre de bonnes décisions en
matière d’investissement. Mécaniciens, jardiniers,
charpentiers et programmeurs informatiques doivent non seulement être
doués à ce qu’ils font, ils doivent également
savoir gérer leur monnaie. Les retraités, quant à eux,
doivent à la fois savoir gérer leur épargne à la
perfection et être des spéculateurs avertis.
Selon
Terry Burnham, les marchés seraient ‘méchants’, et
forceraient les gens à traverser leurs terres hostiles avec ‘une
habilité de lézards’. Lors du Socionomics Summit 2012 tenu à Atlanta, le
professeur d’économie expliquait aux congressistes de Social Mood qu’il est tout à fait normal pour les
gens que de d’accumuler des actifs, tout particulièrement sur
les marchés financiers. Pour citer ses propres mots, bien qu’il
soit vrai que l’apprentissage et le perfectionnisme rendent nos vies
plus aisées, ils n’ont encore jamais permis de faciliter
l’investissement sur les marchés financiers.
Du
point de vue de Burnham, les chiens de Pavlov, les pigeons de Skinner, les
investisseurs et les singes sont tous identiques :
l’enrichissement entraîne une persistance accrue de leur comportement.
La
partie de notre cerveau que Burnham aime à appeler
‘lézard’ laisse de côté toute fonction
cognitive lorsqu’il en vient à prendre des décisions
relatives à l’investissement. La partie
‘lézard’ de notre cerveau nous était très
utile lorsque nous avions encore à chasser pour nous nourrir ou
à fuir pour notre survie. Malheureusement, elle nous est parfaitement
inutile dans notre monde d’aujourd’hui qui, comme
l’explique Burnham, ‘demande à ce que nous nous fixions
des objectifs abstraits’.
Comme le dit Brunham dans son livre Mean Markets and Lizard Brains, publié en 2005, ‘les
marchés sont irrationnels du fait même du caractère
imprévisible de la nature humaine’.
Dans
cet ouvrage pour le moins intéressant, Burnham explique que la
fonction 'lézard' de notre cerveau fonctionne en recherchant des
schémas répétitifs et se concentrant sur les
évènements passés. Encore une fois, tout ceci
était très utile lorsque nous vivions dans des cavernes, mais
ne l’est absolument pas lorsqu’il en vient à devoir
gérer un demi-million de dollars d’investissements.
Le fait
est que, sans l’inflation constante de la monnaie fiduciaire, les gens
n’auraient quasiment pas à se soucier de leur épargne ou
de leur argent. Placer un peu de sous de côté chaque mois leur
suffirait à se préparer à l’approche de leur
retraite.
Mais
notre monde moderne, fait de lancements incessants de plans de sauvetages et
de vagues d’impression monétaire par les banques centrales, a
rendu tout cela impossible. Dans son livre The Ethics of Money Production, Guido Hülsmann explique qu’il est possible de
protéger son épargne de l’inflation créée
par le gouvernement, mais jamais entièrement, et ce même si
l’épargnant passe le plus clair de son temps à
étudier les marchés. La protection de son épargne
‘nécessite une connaissance parfaite du monde des finances, une
disponibilité suffisante à gérer ses investissements, et
une bonne dose de chance. Les gens qui manquent d’un ou plusieurs de
ces ingrédients clés ont de fortes chances de perdre une part
substantielle de leurs actifs’.
Hülsmann va jusqu’à indiquer que même
ceux qui remplissent ces critères clés ne pourront pas
échapper à l’impact de l’inflation qu’est
celui de la perte de temps passé à se soucier de sa monnaie et
de son investissement plutôt qu’à goûter aux
plaisirs de la vie. Une telle dévotion au monde des finances
nécessite de longues heures passées à étudier et
comparer différents problèmes, et condamne le sujet à
s’inquiéter de sa monnaie pour le restant de ses jours. Elle
nécessite en effet de suivre les informations financières de
très près, et de prêter attention à de très
nombreuses cotations de prix.
L’idée
de profit enflamme le niveau de dopamine de n’importe qui. Comme les
gens (les plus fous) tendent à accumuler des actifs, les investisseurs
n’ont rien d’autre à faire que de les suivre en misant en
même temps qu’eux sur les mêmes investissements –
investissements qui se sont généralement déjà
bien comportés par le passé. En d’autres termes, les
investisseurs gravitent en masse autour des investissements
surévalués. La simple apparition d’une flèche
verte sur la chaîne CNBC stimulerait la dopamine de tout un chacun.
Lorsque
la Fed commença à mettre les gaz monétaires en 2001, les
taux d’intérêts chutèrent, et la communauté
des investisseurs se rua sur le marché immobilier, simplement pour se
faire massacrer en masse à peine une décennie plus tard. Avant
cela, la Fed de Greenspan lubrifiait le système financier,
persuadée que tout finirait par sauter avec le bogue de l’an
2000. La monnaie fut alors dirigée vers les actions internet, et les
investisseurs joignirent le mouvement juste à temps pour perdre
jusqu’à leur chemise.
Notre
dopamine n’est stimulée que si notre récompense
excède nos espérances. Si nos investissements se comportent
comme prévu, et même si le résultat en est positif, alors
nous ne ressentons rien de spécial. Lorsqu’ils se comportent moins
bien que prévu, nous nous sentons déprimés – et ressentons
un immense regret.
Au
début des années 2000, un promoteur immobilier m’a dit
ceci : ‘les taux d’intérêt sont si bas, il faut
que je fasse quelque chose’. Son cerveau ressentait déjà
l’afflux de dopamine causée par l’anticipation de profits
phénoménaux. De la même manière que les chiens de
Pavlov se mettent à saliver lorsqu’ils entendent sonner la
cloche annonçant l’arrivée de leur nourriture, les
faibles taux d’intérêts ont peu à peu
transformé les investisseurs en chiens de Greenspan, puis de Bernanke.
La
politique de taux d’intérêts zéro menée par Bernanke attire les investisseurs assoiffés de
rendements, et les pousse à acheter maisons et obligations sans
réelle valeur. ‘L’afflux d’investissement sur les
obligations ayant débuté en 2009 est très largement
lié à la politique menée par la Réserve
Fédérale en termes de taux
d’intérêts’, écrivait récemment Matt Wirz, journaliste pour le Wall Street Journal. ‘Une
industrie immobilière robuste a vu le jour et absorbe le marché
des domiciles familiaux à un rythme incroyablement
élevé’, déclarait Richard Smith, directeur de Realogy Corp, lors d’un
entretien avec le Wall Street Journal.
Pour
ajouter l'insulte à l’injure, Burnham explique que les gens sont
‘systématiquement trop confiants. Ils n’ont pas les connaissances
nécessaires à l’analyse de l’investissement, et
n’ont pas non plus conscience des situations de défaut’.
Comme si cela ne suffisait pas, Burnham cite de nombreuses études pour
soutenir son idée que ‘les gens sont prêts à perdre
de la monnaie afin de soutenir l’estime qu’ils ont
d’eux-mêmes’.
Tout
cela va bien entendu à l’encontre de l’hypothèse
d’efficacité des marchés, qui veut que tous les
participants aux marchés soient des individus rationnels, et
qu’il n’existe rien de tel qu’une bulle spéculative.
Lors de
son discours à Atlanta, Burnham nous a fait part de ses pensées
les plus sombres : ‘Les marchés financiers sont les
abreuvoirs de la société’. Tels les animaux
assoiffés de la savane Africaine, les humains sont attirés par
les gains spéculatifs promis par les marchés financiers. Il
semblerait cependant que s’arrêter pour s’abreuver soit
légèrement dangereux pour notre santé financière.
Le
gourou de l’investissement sur les ressources naturelles Rick Rule a pour habitude de dire que l’unique moyen
d’investir avec succès se situe à la droite de
l’oreille gauche, et à la gauche de l’oreille droite. Nous
pourrions également dire que, comme le dit Pogo,
‘Nous avons rencontré notre ennemi, et cet ennemi, c’est
nous-même’.
Selon
Burnham, ‘les investisseurs peuvent avoir soit de l’argent, soit de
la dopamine, mais pas les deux’.
Le
contrôle des ateliers de presse monétaire par le gouvernement et
l’idée que les plans d’épargne retraite soient la
clé de la sécurité sociale ont contribué à
la création d’une génération qui deviendra
entièrement dépendante du gouvernement d’ici à la
fin de sa vie. Aussi méchants que soient les marchés, il
semblerait que le gouvernement soit bien pire.
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