Le scenario se cachant derrière les convulsions
secouant les centres financiers de notre planète est un labyrinthe
désespéré de métaphysique mathématique, puisque
les abstractions à l’infini semblent être le refuge favori
de ceux qui cherchent encore à échapper à la
réalité. C’est pourquoi les individus – et
c’est également vrai pour les sociétés et les
nations - confrontés à des choix parfois difficiles peuvent
rapidement perdre la raison.
La réalité devient tellement concrète
qu’elle en est ennuyeuse. Les faits sont visibles tout autour de nous
tels des bornes kilométriques en bordure d’autoroute, attendant
patiemment que des objets en mouvement ne viennent se projeter contre elles.
Voici à quoi correspondent les faits auxquels je fais mention
ici :
Le monde est en ruines (par ‘monde’,
j’entends tous les endroits dans lesquels
l’électricité est disponible plus de 12 heures par jour).
Le monde a dépensé tout le capital dont il disposait pour
financer une véritable orgie de développement et de
technologie. Et maintenant que nous vivons dans le futur, il n’a plus
de monnaie pour gérer quoi que ce soit.
Pour compliquer les choses encore un peu plus, le
remboursement de toute cette monnaie mal dépensée doit se faire
avec intérêts. Le problème, c’est que personne
n’a assez d’argent pour pouvoir payer ces intérêts.
Le petit jeu qui se trame désormais ne ressemble à rien de plus
qu’à une olympiade de chaises musicales et de jeux de patates
chaudes. Cela signifie que 1) plus personne n’a de sous, et 2)
quelqu’un va finir par devoir payer la facture.
L’orgie citée plus haut fait
référence aux récentes années
d’énergie abondante et peu chère ayant permis de financer
le développement du monde. Cette époque est désormais
derrière nous, il ne nous sera plus jamais possible d’y
retourner, et ce malgré les efforts des bons penseurs, des
propagandistes de corne d’abondance et des racketteurs corporatistes
persuadés que la magie technologique pourra nous permettre
d’éviter une explosion du coût de l’énergie.
L’effet de tout cela sur les sociétés
modernes du monde se traduira par une contraction progressive de
l’activité et, chose plus inquiétante encore, du
progrès technologique. Le monde ne pourra pas faire face à une
contraction. Pour ne citer que l’une des raisons à cela, disons
qu’une contraction fera des ravages sur les mécanismes de
formation de capital. Le capital ne peut être formé que si les
intérêts peuvent être payés. Cela signifie que les
prêts sont uniquement viables s’ils sont remboursés avec
intérêts. Ainsi, la folie régnant actuellement sur les
marchés financiers et les banques du monde est due au fait que tout le
monde continue de prétendre que les plans de sauvetage accordés
aux nations qui ne peuvent aujourd’hui plus se permettre de rembourser
leurs intérêts feront l’objet de remboursements avec
intérêts.
L’idée que de telles loufoqueries puissent
durer indéfiniment et sans conséquence aucune se dissout maintenant
pour laisser la place au désespoir. Pour le moment, tous les yeux sont
tournés vers l’Europe, puisque c’est là que se
déroule actuellement le jeu des chaises musicales et des patates
chaudes. Les engagements mutuels impliquant monnaie et taux d’intérêts
y sont si complexes que le nombre de tours nécessaires à la
complétion du jeu semblent infinis. Mais la manipulation de
l’infini lui-même ne représente rien de plus que le jeu le
plus dangereux ayant jamais été entrepris – il se termine
invariablement par la mort de l’aventurier s’y étant
risqué. En plus de cela, en fin de partie, les choses tendent à
accélérer jusqu’à devenir incontrôlables.
Ainsi, attendez-vous à ce que la bombe à retardement
qu’est l’Europe finisse par exploser, ne laissant derrière
elle qu’une substance politique mortelle rendant des territoires
entiers du continent incapables de supporter l’organisation de la vie
humaine telle que nous la connaissons aujourd’hui –
c’est-à-dire la vie en société.
Je m’attends à assister à de nombreux
désordres en Europe au cours des dix années à venir, et ce avant même qu’un conflit ne puisse y faire
rage – et lorsque les nations Européennes entreront en guerre,
cette dernière sera menée à l’aide
d’épées et de boucliers forgés à partir des
détritus d’une époque depuis longtemps révolue.
La fantaisie se déroulant de l’autre coté de l’Atlantique a volé la
vedette à la noyade de la confédération colossale des
Etats Américains que l’on pourrait désormais qualifier de
quasi-souverains. La situation des Etats-Unis – déficit
monétaire, taux d’intérêts… - paraît
simplement moins désastreuse en comparaison. Ils jouent simplement un
autre jeu que celui des chaises musicales et des patates chaudes. Ils
s’adonnent plutôt au vieux jeu de cour d’école
New-Yorkais appelé salugi – ils jouent
à chat, si vous préférez. Les caïds (les 1%) tels
que Jamie Dimon, Jon Corzine,
Lloyd Blankfein et compagnie ont volé les
gants de baseball des enfants les plus faibles que sont les 99% autres de
sorte qu’une grande partie de citoyens du pays ne peut plus participer
à la vie nationale. Les caïds ont bien évidemment quelques
avantages. Mais tôt ou tard, ils finiront par être mis en
pièces par les foules en colère. Cela ne se passera bien
entendu pas avant que le jeu ne soit passé d’un simple jeu de
chats à une accusation de larcin – ‘ils ont volé nos gants !!’
Lorsque ce moment arrivera, tout deviendra possible sur la
scène politique de l’Amérique du Nord, depuis une prise
du pouvoir du gouvernement central par un parti de type fasciste jusqu’à une dissolution
complète de la république en de nombreuses régions
autonomes et hostiles. La même chose serait possible en Chine, en
Russie, et au Proche-Orient. A dire vrai, la tendance actuelle
d’accélération de la phase de contraction finira par
déboucher sur la destruction des entités politiques les plus
étendues. La question que nous devons nous poser est la
suivante : jusqu’à quel point la fission globale à
laquelle nous assistons pourra t’elle porter le monde à
ébullition ?
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