Le gouvernement socialiste se prépare à replonger dans
les poches des fumeurs. En effet, il a confirmé l’augmentation, dès
le mois de septembre prochain, de 6% du prix du tabac, tel que
décidé par le gouvernement précédent. Cette
décision réjouit sans doute déjà les trafiquants qui
verront ainsi leur commerce illicite, déjà fort dynamique,
dopé.
Comment ne le serait-il pas quand de nombreux États abusent
depuis des décennies de la fiscalité sur les cigarettes ?
Par exemple, en France, les taxes et droits sur le tabac
représentent déjà environ 80% du prix de détail,
c'est-à-dire que le prix de vente est environ 5 fois plus
élevé que ce qu’il devrait être. Or, obliger la
filière légale à vendre le tabac à de tels
niveaux de prix – déconnectés de toute
réalité économique – revient ni plus ni moins à
« garantir » une marge commerciale et un profit
assuré aux trafiquants. Pas étonnant que le marché illicite
prospère dans de telles conditions !
Les trafiquants ne manquent pas, d’ailleurs, de dynamisme, en développant
notamment toutes sortes de moyens de commercialisation. Ils sont ainsi capables
de fournir des cigarettes aussi bien par conteneurs entiers qu’en
petites quantités, via Internet ou par voie postale. Le trafic
illicite est ainsi estimé à 11% du marché mondial, soit
plus de 600 milliards de cigarettes par an. Le « manque à
gagner » en termes de recettes fiscales non-collectées pour
les seuls États européens se monterait annuellement à
environ 10 milliards d’euros.
En France, la contrebande, la contrefaçon et les ventes sur
Internet représentent, selon un rapport officiel de 2011, 5% du
marché. Cependant, ce même rapport avait estimé que pas
moins de 20% des cigarettes fumées en France n’étaient
pas achetées dans le réseau légal, échappant ainsi
à la fiscalité et à la
réglementation françaises.
De plus, ces chiffres ne tiennent pas compte de l’impact de la
hausse précédente des prix, pratiquée à
l’automne 2011 (une hausse de 6% identique à celle
annoncée pour septembre prochain). Or, des baisses dans les volumes de
ventes officielles de –4% à –5% (et même de –10%
dans les zones frontalières) ont été rapportées, suite
à cette hausse des prix et à l’accélération
des achats sur le marché parallèle qu’elle a
causée.
Le gouvernement actuel compte sans doute « presser »
un peu plus le « citron » en ces temps de crise, tout
en pensant éviter que « trop d’impôt tue
l’impôt ». Et s’il se trompait ? Et si
cette nouvelle hausse était la hausse de « trop »
et poussait un nombre croissant de fumeurs à déserter
l’offre légale pour s’approvisionner sur le marché
noir ?
Les estimations en la matière ne relèvent pas
d’une science exacte et dépendent de nombreux facteurs. Or, les
contraintes budgétaires des consommateurs de tabac sont de plus en
plus serrées du fait de la crise actuelle et rien ne peut garantir que
la hausse –de plus de 12% en deux ans – ne fasse pas décliner
substantiellement les volumes d’achats officiels de tabac.
Or, ce serait évidemment une mauvaise nouvelle pour les
finances publiques mais davantage encore pour la santé. Car les lobbys
anti-tabac oublient bien souvent les effets pervers sur le plan de la
santé d’une fiscalité visant in fine une prohibition de facto du tabac en rendant ce dernier
hors de prix. La hausse du trafic illicite que de telles politiques
nourrissent se caractérise en effet par des cigarettes plus nocives
pour les fumeurs qu’ils soient jeunes ou adultes.
De même, au lieu d’engranger des recettes
supplémentaires, la nouvelle hausse des prix pourraient causer leur stagnation,
voire leur recul, si les consommateurs de tabac se « rebellaient »
et la contrebande s’accélérait. Sans compter les sommes qu’il
faudrait allouer à la
lutte contre le trafic illégal, ni les coûts indirects
liés à la violence du crime organisé et à la
corruption subis par l’ensemble de la société. Pas facile
de les quantifier mais dangereux
de les ignorer.
L’exemple de l’Irlande illustre bien ces risques. Malgré
de fortes hausses des droits et taxes sur le tabac au cours de la
décennie 2000-2009 (+68%), les recettes de l’État n’ont
pas augmenté. C’est la contrebande qui a explosé passant
– entre 2005 et 2009 – de 8% à 25% de la consommation de
tabac. Le Ministre des finances a finalement dû reconnaître que
« le prix élevé est lié à une contrebande
de cigarettes massive », refusant à la fin de 2009 de
nouvelles augmentations.
Le gouvernement socialiste qui semble à la recherche de moyens
de se démarquer du gouvernement précédent, vient de
manquer une belle occasion. Plutôt que suivre l’exemple irlandais
et subir son lot d’effets pervers, il aurait dû chercher à
redresser les finances de l’État en coupant davantage dans les
dépenses publiques.
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