L’audition ces jours-ci des producteurs ivoiriens réunis au sein de l'Association
Ivoirienne des Producteurs de Palmiers à Huile (AIPP) par le Tribunal de commerce de Paris
pourrait peut-être permettre de lancer un débat au sujet
d’une huile aujourd’hui accusée de tous les maux.
Ces
producteurs se révoltent, en effet, contre une publicité des
Magasins U qui nuit à l’image de l’huile
végétale et donc à leur emploi. Les principaux
producteurs de palmiers à huile se trouvent dans les pays en
développement, Afrique mais aussi et surtout en Asie du Sud-est et en
Amérique du Sud.
Or,
depuis un certain nombre d’années, l’huile de palme subit
le dénigrement systématique de divers Organisations non
gouvernementales (ONG) comme Greenpeace, Les Amis de la Terre, etc. Certaines
de leurs campagnes ont eu un tel retentissement auprès de
l’opinion publique qu’elles ont conduit à infléchir
la politique d’entreprises comme Nestlé ou de chaînes de
distribution comme Carrefour, Casino ou encore les Magasins U.
Ces
décisions radicales ont été prises dans le feu de
l’action et de l’émotion et en l’absence d’un
réel débat en la matière. Car une analyse plus
approfondie du cas de l’huile de palme indique qu’elle est loin
d’être ce dont on l’accuse.
En
effet, sans être la panacée absolue (aucune huile
végétale ne l’est), elle présente des avantages
qu’il est risqué de négliger si l’objectif est
réellement d’obtenir des améliorations aussi bien sur les
plans sanitaires, environnementaux ou économiques.
Sur
le plan nutritionnel, il faut rappeler que deux types d’acides gras
sont sous le feu des projecteurs. Les acides gras saturés et les acides
gras trans. Ces derniers sont liés à
des maladies cardiaques, à l’augmentation du mauvais
cholestérol et la baisse du bon. Or, ce type d’acides gras
apparait lors du processus d’hydrogénation partielle qui transforme
les huiles liquides en huiles solides. L’huile de palme à cette
particularité d’être semi-solide à
température ambiante et ne contient donc pas d’acides gras trans.
Elle contient aussi des acides gras saturés qui sont
liés à une augmentation du mauvais cholestérol.
C’est vrai mais il faut souligner, par ailleurs que la teneur en acides
gras saturés offre une meilleure stabilité à
l’oxydation, un plus grand moelleux, une saveur plus agréable, et
une meilleure maniabilité.
Elle présente également une teneur élevée
en antioxydants, carotènes (vitamine A) et vitamine E. Cela la rend
idéale pour frire les aliments, allonger la conservation des aliments
et augmenter la valeur nutritionnelle et sanitaire des aliments, en
particulier dans les pays en développement.
Ces avantages signifient qu’il faut soupeser les avantages et
les inconvénients des divers huiles et non imposer un décret en
la matière.
Ensuite, l’huile de
palme n’est pas cet aliment « pollueur »
qu’on décrie tant. En effet, si les superficies sur lesquelles
le palmier à huile est cultivé ont, en effet, augmenté,
il faut néanmoins mettre les choses en perspective.
En Malaisie, par exemple, la surface cultivée a
été multipliée par 5 depuis 1975 et atteignait 5
millions d’hectares en 2011. Sur ces nouvelles surfaces, 1,39 millions
d’hectares résultent de la conversion d’autres productions
arboricoles comme le caoutchouc, le cacao ou la noix de coco.
D’autre part, la production sur ces surfaces a, elle,
été multipliée par 16. Ceci est entièrement
dû à la très forte productivité du palmier qui
selon le rapport Oil world de 2007 produit en
moyenne 3,72 tonnes par hectare quand le colza en produit 0,67 et le soja
0,40 tonnes. Cette productivité supérieure a ainsi permis
d’économiser des terres en Malaisie et dans les autres pays
producteurs.
Un analyste s’est d’ailleurs projeté en 2050 et
selon son scénario moyen (une population de 9,2 milliards et une
consommation d’huile végétale qui progresse au rythme
actuel), il faudrait consacrer pour satisfaire à ce surcroît de
demande 12 à 19 millions d’hectares à la production
d’huile de palme ou 95 millions d’hectares à la production
de soja.
Enfin, le palmier à huile nécessite moins
d’engrais, de pesticides ou de carburant par unité produite que
le colza ou le soja. Il fournit ainsi trois fois plus d’huile par
unité d’intrant.
Par conséquent, l’huile de palme est un moyen efficace de
répondre à une demande en hausse. Elle est aussi un moyen
économique car comparativement aux autres huiles, elle reste
très accessible. Pourquoi ? Parce qu’elle est produite dans
des pays où les conditions agricoles sont favorables et les
coûts de production faibles. Le prix de l’huile de palme brute
est ainsi inférieur de 10 à 30 % à ceux de l’huile
de soja et de l’huile de colza.
Pour conclure, il convient donc de réexaminer le cas de
l’huile de palme en reconnaissant qu’elle présente des
atouts. Plutôt que de mener des campagnes agressives contre elle, il
conviendrait sans doute de tenter d’améliorer la gouvernance des
pays producteurs et s’assurer qu’elle se fait dans le respect des
droits de propriété des natifs et petits agriculteurs.
Hiroko Shimuzu
et Cécile Philippe, Institut économique Molinari
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