Ben Bernanke a finalement
joué carte sur table. Confirmant ce que je ne cesse de
répéter depuis maintenant de nombreuses années, il
s’est encore une fois contenté de ses paroles en l’air et
remèdes de charlatan habituels. Plus que jamais auparavant, il a
clairement affirmé qu’il continuerait d’appliquer à
l’économie des Etats-Unis une stratégie de perdants. En
conséquence, le 13 septembre pourrait un jour apparaître comme
étant le jour où l’Amérique a finalement
jeté l’éponge.
Voici en quoi consiste le plan de la Fed: acheter
chaque année des centaines de milliards de prêts immobiliers
afin de diminuer les taux de ces prêts et faire grimper les prix
immobiliers, afin d’encourager les gens à construire et acheter
des maisons et à dépenser leurs capitaux propres ainsi
libérés sur le marché des biens de consommation. En plus
de cela, la Fed espère qu’une monnaie peu chère poussera
les prix des actions à la hausse, et que Wall Street et les
actionnaires se sentent plus riches et commencent à dépenser
plus. Bien entendu, Bernanke n’admettrait
jamais tout cela directement, mais plutôt que de vouloir fonder une
économie sur l’augmentation de la production, de la
productivité et de l’accumulation de richesse, il favorise la
reprise de confiance, l’effet de levier et la hausse des prix. En
d’autres termes, la Fed préfère l’illusion de
croissance à la restructuration nécessaire à une
croissance réelle.
Le problème que les médias n’ont pas
su décrypter lors de la conférence de la Fed est que tout cela
a déjà été essayé, et n’a jamais su
fonctionner. Des politiques monétaires laxistes ont été
à l’origine des bulles sur les actions et sur l’immobilier
de ces dix dernières années, dont l’éclatement a
déjà failli effondrer l’économie toute
entière. Il faut croire qu’aux yeux de Bernanke
et de ses acolytes, faillir n’est pas suffisant. Ils sont
désormais de retour pour finir le travail. Mais cette fois-ci, ils
disposent d’armes aux calibres bien plus gros. Ils tentent non
seulement de maintenir les taux sur prêts immobilier très bas,
ce sont également eux qui achètent tous les prêts
disponibles !
L'année dernière, la Fed lançait sa
fameuse ‘Operation Twist’,
sensée réduire les taux d’intérêts sur le
long terme et aplanir la courbe de rendements. Sans pour autant apporter de
bénéfices à l’économie, cette
opération a exposé les contribuables Américains et les
détenteurs d’actifs en dollars aux dangers que présente
la diminution de la maturité de la dette de 16 trillions de dollars du
gouvernement des Etats-Unis. De telles politiques exposeraient le
Trésor à des conséquences bien plus pénibles si
les taux d’intérêts étaient réhaussés.
Il n’en est pas moins que les nouvelles politiques annoncées
hier causeront bien plus de damage encore qu’Operation
Twist. Nous devrions surnommer cette nouvelle opération
l’Opération Fiasco. Ne vous y trompez pas, toute personne
possédant des dollars, des obligations du Trésor, ou vivant
d’un salaire fixe en trouvera son pouvoir d’achat amoindri.
Les politiques passées de quantitative easing n’ont rien fait pour raviver notre
économie ou pour nous mener vers le chemin de la reprise. Nous
souffrons d’une dette plus importante, encore plus de nos concitoyens
sont au chômage, et nous avons des problèmes bien plus graves
que lorsque la Fed commençait seulement à mettre en place ses
solutions. Ceux qui la supportent peuvent bien dire que les choses auraient
été bien pires sans politique de stimulus. Bien que leurs
arguments soient difficiles à prouver, je ne doute aucunement que les
choses auraient été pires sur le court terme si nous avions
laissé les déséquilibres économiques se
régler d’eux-mêmes. Mais après cette courte
période de difficulté, nous aurions pu connaître un
recouvrement économique réel. Malheureusement, nous avons
préféré un modèle d’emprunts et de dépenses
artificiels qui nous a transportés encore plus loin de la terre ferme.
Parce que les initiales de quantitative easing – QE – ont rappelé à
certains les navires de croisière Queen
Elizabeth, les décisions de la Fed sont parfois décrites comme
étant de très grands navires chargés à ras bord et
en partance pour le grand large. En revanche, au vu des nouveaux plans de la
Fed, cette analogie ne tient plus la route. Un quantitative easing est désormais sur le point de nous
être livré par convois continuels qui injectent de la monnaie
peu chère dans l’économie. La seule variable sera la
vitesse à laquelle ce convoi se déplacera.
Fort heureusement, les limites du seul outil de
régulation dont semble disposer la Fed est
devenu apparent aux yeux des marchés. Pour rester dans le lexique
nautique, disons que QE3 a coulé avant même d’avoir
quitté le port. Bien que son objectif ait explicitement
été de diminuer les taux d’intérêts sur le
long terme, les taux d’intérêts ont augmenté
significativement juste après l’annonce de QE3. Les traders
savent très bien qu’un engagement d’acheter des
obligations sur une durée indéterminée signifie que
l’inflation et la faiblesse du dollar finiront par annuler les gains
nominaux sur ces mêmes obligations. Pour souligner ce point,
l’annonce de la Fed a également entraîné de
nombreuses ventes d’obligations et de dollars ainsi qu’une
ruée vers les matières premières et
particulièrement vers les métaux précieux.
Etant donné que les prêts immobiliers
à taux fixe sur 30 ans ont déjà atteint leur record
historique à la baisse, le nouveau plan de la Fed pourrait encore les
faire diminuer, tout particulièrement du fait de la fluctuation
à la hausse que nous avons pu apercevoir juste après sa
récente annonce. Bernanke tente de pousser
les propriétaires à échanger leur prêt immobilier
à taux fixe contre un prêt à taux plus faible et
ajustable – ce qui libérerait plus de capital pouvant ensuite
être dépensé sur le marché des biens de
consommation. Il attend des propriétaires à ce qu’ils s’embobinent
eux-mêmes. Si son plan fonctionnait, plus de propriétaires
seraient vulnérables à la hausse des taux, ce qui limiterait
encore plus la possibilité pour la Fed d’augmenter les taux
d’intérêt pour combattre la hausse des prix.
L’objectif de ce plan est de créer du pouvoir
d’achat en augmentant le prix de l’immobilier et des actions.
Personne ne semble prendre en considération le fait qu’une
politique illimitée de QE pourrait échouer à faire
grimper les prix des obligations, des actions et de l’immobilier, et
entraîner une hausse des prix des produits alimentaires, de
l’énergie et des autres biens de consommation. Si cela venait
à se produire, les consommateurs verraient encore une fois leur
pouvoir d’achat diminuer.
L’annonce de la Fed apparaît alors que
l’Europe s’extirpe enfin du mode ‘situation d’urgence’.
Bien que je ne pense pas que la décision de la BCE de garantir les
dettes des membres de l’Union Européenne en difficulté
puisse fonctionner sur le long terme, il est bon de noter que
l’Allemagne a toutefois imposé quelques conditions à
cette garantie [pour en savoir plus, lire cet
article de John Browne]. Je pense
que l’attention des traders se tournera bientôt vers la faiblesse
du dollar plutôt que vers l’éclatement potentiel de la
zone Euro.
Il est nécessaire que vous compreniez ce que cela
implique pour les investisseurs Américains. La Fed tente encore une
fois de relancer l’économie en dévaluant sa devise. Elle
ne changera jamais son mode d’action. Si l’économie manque
de réagir à ce nouvel apport de drogues, Bernanke
se contentera d’en augmenter la dose. Il est tant convaincu
d’avoir raison de lancer des vagues illimitées de QE qu’il
est allé jusqu’à dire qu’il n’y mettrait pas
fin même si la situation venait à s’améliorer. En
d’autres termes, le dollar est foutu.
Peter Schiff
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