Avant de commencer, je voulais vous réciter la prière du
Contrarien. Que nos amis catholiques se rassurent, il
s'agit d'une satire visant tous ces « investisseurs »
qui animent les « marchés » et qui voient dans
l'action des banques centrales une divinité dont ils sont
dépendants et dont ils attendent secours et miséricorde.
Prière
à Mario Draghi
Notre Gouverneur qui êtes à la
BCE,
Que votre monnaie soit créée
De façon illimitée imprimée
Que ta volonté soit faite sur les marchés
Pardonnez-nous notre épargne en or
Comme nous pardonnons à Or Postal
Ne nous soumets pas à la tentation de la récession
Mais délivrez-nous de la déflation
Délivrez-nous Gouverneur
Car c’est à Toi qu’appartiennent
Le règne, la puissance et la gloire monétaire
D'exercices comptables, en années fiscales.
Am€n
Hélas, il est difficile en quelques lignes de faire le tour
exhaustif d'un sujet. Je compte donc encore une fois sur votre bienveillance.
Le thème d'aujourd'hui ne va pas déroger à ce
défaut car, évidemment, le libéralisme est une notion
particulièrement complexe, évolutive et subjective, chacun
d'entre nous y mettant un peu ce qu'il veut.
Je voulais vous exprimer un sentiment d'hésitation. Je suis
schizophrène. Une partie de ma personnalité, notamment celle de
Contrarien, est viscéralement
attachée à l'idée de liberté. Une autre partie ne
peut se satisfaire de certaines dérives. Je pense qu'à des
degrés divers nous sommes tous confrontés à cette
dichotomie, ce qui explique à mon sens la difficulté du
débat économico-politique.
Nous sommes
« génétiquement » libéraux
Le libéralisme, c'est avant tout la liberté individuelle
de décider ce qui est bon pour moi. A partir de là, le
libéralisme dérive fatalement sur le droit à la
propriété.
Pour les libéraux, l'absolue supériorité de ce
système ne se pose même pas. Nous naissons
« génétiquement » libéraux. Si les
deux premiers mots d'un enfant seront « maman » et
« papa », la première expression est sans
conteste « c'est à moi ». Intuitivement,
l'enfant en bas âge qui sait à peine parler a déjà
naturellement l'instinct de propriété.
A la crèche, à peine âgé d'un ou deux ans,
le « petit d’homme » est prêt à se
battre pour défendre sa propriété.
Déjà, en collectivité, il se heurte très
rapidement à la justice des « grands » qui
inculque la discipline, qui lutte contre la loi du plus fort, qui enseigne le
partage. Si en crèche nos bambins ne sont pas soumis à
l'imposition, c'est bien la seule chose qui manque à cette
« société » en miniature.
« Génétiquement », nous voulons,
nous convoitons, et nous obtenons (surtout quand on est grand et fort). Nous
sommes tous des libéraux dans l'âme.
Imaginons un monde où nous ne pourrions rien posséder.
Je ne vous parle pas de l'URSS, même en URSS vous pouviez être
propriétaire de votre manteau ou de votre voiture même
s’il y avait quelques années d'attente. Il y avait une monnaie,
vous pouviez épargner, bref, le système communiste avait des
défauts insurmontables, mais ce n'était pas la négation
totale de la propriété. C'était une négation
partielle.
Un monde dans lequel le droit à la propriété
serait nié serait un monde invivable humainement parlant, car cela
irait totalement à l'encontre de ce qu'est l'être humain.
Je veux pouvoir acheter, je veux pouvoir posséder, je veux
pouvoir transmettre, je ne veux pas payer pour les autres – ce qui
n'empêche pas la solidarité, la vraie, celle qui est choisie,
pas celle qui est forcée.
Cela nous fait donc arriver à la définition suivante.
Le libéralisme, c'est le droit de faire ce que l'on veut sans
nuire à autrui.
On introduit alors une première limitation fondamentale
à notre liberté. L'expression populaire la plus connue qui
véhicule cette idée est « la liberté des uns
s'arrête là où commence celle des autres ».
C'est à partir de là qu'évidemment tout devient
beaucoup plus compliqué.
Pour ne pas nuire à autrui, on introduit des lois,
censées protéger le faible des excès du fort. La
richesse s'accumulant naturellement dans des mains de moins en moins
nombreuses au fil du temps, nous introduisons des législations
anti-monopole, puis il faut prendre un peu aux riches pour redonner aux
pauvres et l'impôt apparaît logiquement.
A force de vouloir « encadrer » le
libéralisme pour ne pas nuire à autrui – ce qui est
plutôt une bonne idée –, on se retrouve plus dans un
système socialiste que dans un système libéral. C'est
à ce niveau qu'apparaissent nos schizophrénies respectives.
Nous sommes
aussi tous socialistes
Avouez, nous sommes tous des assistés. Le médecin
spécialiste « qui paie beaucoup de charges et d'ailleurs
à la fin, il ne lui reste presque rien » oublie très
vite que ses patients viennent en masse parce qu'ils sont remboursés
par la sécurité sociale et bénéficient en plus de
mutuelles. Si nous devions tous payer vraiment le vrai coût de notre
santé, nous serions tous beaucoup moins malades.
Les médecins libéraux (l'expression
est importante) sont donc tous des quasi-fonctionnaires, assistés par
la collectivité. Choquant, mais à la réflexion pas
totalement faux.
Le cadre supérieur, qui achète pour
« préparer sa retraite » un deux pièces
à Montauban ou Agen – les deux villes où on fait les plus
mauvaises affaires – en « de Robien », est un
assisté lui aussi puisqu'il bénéficie d'une
exonération d'impôt lui permettant de rendre rentable
l'opération.
Vous me ferez remarquer que si l'État le fait, c'est qu'il y
gagne plus qu'il n'y perd. Pas faux. Mais partiel. Car en intervenant dans le
mécanisme de la formation des prix immobiliers en donnant des aides et
en « sponsorisant » l'achat immobilier, l'État
introduit des déformations dans ce marché... Ce qui conduit
à une mauvaise allocation du capital et donc à la formation de
« bulles » dévastatrices. D'ailleurs, la bulle
immobilière française est en cours d'explosion, et croyez-moi,
nous allons être très nombreux à la sentir passer.
Les familles sont largement assistées à travers le
mécanisme du quotient familial. Certes, élever un enfant
coûte cher me direz-vous, mais les familles sont assistées.
TOUTES. Les riches comme les pauvres, celles de couleur comme les bien blanches. Places en crèches
subventionnées, écoles gratuites, cantines scolaires
sous-facturées aux parents... La liste est interminable (je sais de
quoi je parle !!). Lorsque nous en bénéficions, nous sommes
bien contents !
Et les séniors, ne me parlez pas des séniors !! Une
vraie rente pour la collectivité. D'abord, ils sont séniors
donc ils ont mal partout, d'où un coût important en terme de
médecine. Ils ne travaillent plus, il faut leur payer une retraite...
de plus en plus longtemps !! Puis après arrive le financement de la dépendance.
Alors, vous me direz : « Oui mais on y a droit, on a
cotisé toute notre vie. » Je ne le conteste pas, bien que
tout ce que nos pauvres seniors ont cotisé toute leur vie a
été dépensé depuis bien longtemps et que les
caisses sont vides depuis des années... Parce que l'État a
introduit, là encore, une distorsion dans la formation des pensions de
retraites. Eternel débat entre la
« capitalisation » individuelle et la
répartition « sociale », le tout dans notre pays
mâtiné d'une belle hypocrisie, puisque la retraite du
régime général est une « non »
pension, qui n'est viable qu'à l'aide des retraites
complémentaires, mais c'est encore un autre débat. Bref, les
seniors, qui pourtant votent dans une proportion majoritaire à droite,
sont l'une des catégories les plus assistées... (Ce n'est pas
un jugement.)
Vous avez dit schizophrènes ?
Bref, ces quelques exemples pour nous faire toucher du doigt notre
tiraillement permanent, entre une volonté de liberté
très forte et « génétique », et
notre envie d'être rassurés, d'être pris en charge,
d'être aidés lorsque nous sommes dans une position de faiblesse.
Lorsque tout va bien, nous sommes fondamentalement libéraux,
laissons faire, celui qui est riche l'est parce qu'il est fort, le pauvre l'a
bien cherché...
Lorsque tout va mal, nous nous découvrons bien vite une
âme très solidaire, surtout pour se servir dans le portefeuille
du voisin.
La société française balance depuis des
décennies entre le vieux rêve d'égalitarisme
hérité de la révolution française et un
désir de liberté.
L'économie
du bon sens !
C'est à mon sens cette réalité qui explique
l'impossibilité de réformer notre pays sur la base du bon sens.
Pour illustrer ce que j'appelle « bon sens »
dans ce cas, prenons l'exemple de l'assurance maladie.
On s'assure, par définition, contre un risque que l'on
n’est pas capable d'assumer seul. D'ailleurs, en France, les
mécanismes assurantiels privés fonctionnent parfaitement, comme
c'est le cas pour les assurances habitations ou automobiles qui sont les plus
connues et les plus pratiquées par chacun d'entres
nous.
Si je suis victime d'un accident, et que je dois passer quinze jours
dans un service de réanimation... je ne pourrais tout simplement pas
payer la note. C'est donc un risque majeur. Nous le
« collectivisons ».
Lorsque j'ai un rhume, je peux parfaitement payer une consultation
à 35 € et 30 € de médicaments. Même les plus
modestes d'entre nous. Il suffit, je ne sais pas, disons par exemple de ne
pas acheter le dernier iPhone 5.
Là aussi, Apple, la société qui vaut une fortune
est en fait in fine sponsorisée par la collectivité. Comme
l'État prend en charge indistinctement ou presque toutes mes
dépenses de santé, mêmes celle que je pourrais
« autofinancer », cela me libère du faux pouvoir
d'achat pour acheter un iPhone que, normalement, je ne devrais pas avoir les
moyens de m'offrir. Ce faisant, Apple vend beaucoup plus qu'il ne le
devrait... Là aussi, l'État déforme le marché,
bien qu'indirectement.
Le
libéralisme théorique doit être extrême
On reproche souvent à notre société d'être
trop libérale. En France, il n'y a rien de plus faux. C'est même
l'inverse. Comme nous venons de le voir, en chacun d'entre nous sommeille un
véritable assisté.
La théorie libérale défendue par un
économiste comme Von Mises dont nous reparlons encore dans notre
édition d'aujourd'hui, doit être totale. L'État ne doit
pas intervenir dans les mécanismes économiques car son
intervention est toujours pire non pas dans l'intention, mais dans le
résultat qui est forcément une mauvaise allocation
financière et donc in fine de mauvais choix économiques.
De la même manière que le communisme n'a pas
été total, le libéralisme ne l'a jamais
été.
C'est pour cela que d'un point de vue libéral, les seuls
rôles de l'État doivent être les tâches
régaliennes comme la sécurité et la justice.
Ce point de vue se défend largement économiquement, sans
être remis en cause par la crise actuelle, qui est essentiellement
liée à une « mauvaise » intervention de
l'ensemble des états (y compris américain).
Une
troisième voie
Un autre chemin est possible. Celui dans lequel nous devrons choisir
ce que l'on pourra faire croître et ce qui devra
décroître. A l'arrivée, il y a une limite : celle de
la richesse disponible et « redistribuable ». On ne
peut imaginer « spolier » les gens sans que cela n'ait
un effet délétère sur l'ensemble car nous voulons avoir
toujours plus ou mieux que le voisin. C'est le moteur de l'espèce
humaine, depuis nos origines. Nous sommes comme cela. Le nier serait une
erreur fondamentale.
Alors êtes-vous libéral, ou socialiste ?
Un peu des deux ? C'est normal !
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