Il existe très certainement un lien entre une
culture à bout de souffle et une populace dévouée
à tant d’arriération mentale qu’elle est incapable
de percevoir la situation fâcheuse dans laquelle elle est
plongée. Nous ne sommes pas capables de réaliser à quel
point la cadence de la production industrielle de ces 200 dernières
années nous a essoufflés, sans parler de l’écosystème
dans lequel nous, humains, étions destinés à vivre. De
mon humble avis, nous avons depuis ces dix dernières années
commencé à clore ce chapitre de l’Histoire pour entrer dans
quelque chose de plus simple et de plus restreint, que ce soit volontairement
ou traînés par les circonstances.
Je suis très intéressé par le fait
que beaucoup pensent que la manière dont les choses sont
organisées aujourd’hui est la norme et qu’elles
demeureront ainsi à jamais. Si vous vivez dans une grande ville telle
que New York, au sein de laquelle tant de patrimoine est concentré,
que vous êtes ébloui par les néons de lumière et
assourdis par le vrombissement des voitures, attendez-vous à ce que la
descente se fasse plus lentement.
Mais ici, dans la campagne, c’est une toute autre
histoire. La fatigue est palpable. Je me suis rendu au centre commercial
dimanche dernier en milieu de journée pour prendre la
température, alors que les achats rituels annonçant
l’arrivée de Thanksgiving auraient dû battre leur plein.
L’endroit ressemblait à une ville fantôme. Le peu de
consommateurs qui arpentaient les rayons avaient l’air fatigué
de ceux qui ont été poussés au-delà de la limite
du supportable, un peu comme des gens comme vous et moi qui se sont tout
à coup retrouvés au beau milieu d’une zone de conflit.
Le comportement semblait pourtant quelque peu
cérémoniel, ou peut-être faisaient-ils simplement
semblant. Aucun d’entre eux ne transportait des sacs pleins de courses.
Je n’ai vu quasiment personne acheter quoi que ce soit ni même
tripoter la marchandise présentée dans les magasins
alignés les uns derrière les autres dans la galerie marchande.
Il n’y avait pas non plus beaucoup de caissiers et la plupart des
magasins semblaient être en mode pilote automatique, tout simplement
parce que les marges ne sont plus achevables. Ils semblent pour l’instant
faire des affaires, mais passé Noël, ils ne seront
déjà plus là. Les Etats-Unis en ont assez, ils ne
supportent plus ces vidéos stupides de gens se battant pour des
morceaux de plastique sans aucune valeur à l’ouverture des WalMart le jour du Black Friday.
La condition physique de ce que nous appelons nos villes
(bon nombre d’entre elles n’étant rien de plus qu’un
amas de ‘services ‘dans le paysage) est quelque peu
différente. Nous ne prêtons plus attention à notre
propriété d’une part parce que nous n’avons plus
les moyens financiers pour et, d’autre part, parce qu’il ne sert
plus à rien d’y prêter attention et que plus rien ne
semble avoir été créé pour qu’on en prenne
soin. Et de toutes les manières, les écrans plats narcotiques
sont encore là pour distraire toute personne susceptible de
s’opposer à l’entropie de notre temps. Le
déshonneur de notre nation est aujourd’hui total, depuis nos
corps jusqu’à tout ce qui nous entoure. Nous incarnons la
définition parfaite d’une entropie devenue visible.
Différentes variations de ce
phénomène sont également visibles de toutes parts du
monde développé, en Europe comme au Japon, là où
les instruments monétaires de la machine de la modernité
gravitent et procèdent à leur autodestruction. La Chine en
arrivera bientôt au même point, malgré le fait que tout y
soit tout neuf – après tout, à quoi servent des chemins
de fer ultra-rapides si le prix du pétrole reste au-dessus de 110
dollars le baril ?
Pourquoi ne pas simplement accepter le fait que notre
aventure industrielle est terminée et qu’il nous faut passer
à autre chose ? Pourquoi n’abandonnons-nous pas ? Que
faisons-nous réellement de notre temps et de nos efforts ?
Il semblerait que la tendance soit à l’abandon
de l’Etat-nation gigantesque du moins, sous sa forme corporatiste
actuelle. Très récemment, en Espagne, les séparatistes
ont remporté les élections en Catalogne. Peut-être
l’Espagne finira-t-elle par rejoindre les entités
défuntes que sont la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et
l’URSS. En ce moment-même, nous entendons parler de
sécession en Amérique du Nord, où une cohorte
crétine supporte un retour à la guerre civile pour des raisons
sentimentales très largement nourries par la télévision.
Ce que les Etats-Unis ne semblent pas pouvoir avaler est le
dépérissement de la brillante économie de la Sunbelt qui n’était en réalité
rien de plus qu’une bulle sur le développement urbain et qui les
renverra tout droit au fond du trou, tout comme la famille de Jeeter Lester dans Tobacco
Road.
Voici certaines choses avec lesquelles il serait
préférable que nous nous familiarisions :
Le globalisme se tarit et disparaîtra dans un
souffle (désolé, Tom Friedman). L’économie
Nord-Américaine deviendra de plus en plus une économie interne
au cours des décennies à venir. Si vous êtes jeune,
pensez à vous lancer dans le développement des réseaux
fluviaux nationaux. Il n’existera bientôt plus de camions pour
transporter les marchandises et, au rythme où nous allons, les chemins
de fer ne seront jamais réparés.
Les chaînes de distribution nationales mourront
à mesure que disparaîtra l’économie de grande
échelle. WalMart et tout ce qui y ressemble
disparaîtra. Il n’y aura plus de bousculades le jour du Black
Friday. Si vous êtes jeunes, pensez à monter une entreprise
locale qui pourrait jouer un rôle dans la reconstruction du
réseau économique local. Vous aurez beaucoup de travail, et
bien moins d’objets inutiles en plastique desquels vous soucier. Il
existe beaucoup d’opportunités pour ceux qui ont l’esprit
d’entrepreneur.
L’agriculture reviendra au cœur de la vie
économique. Cela peut être difficile à croire pour ceux
qui vivent dans un monde d’iPhone, d’apps et de tweets. Oubliez tout
ça. Les réseaux électriques ne fonctionneront plus, ou
du moins ne seront plus assez fiables pour qu’on continue de s’en
servir. Au cours de ces prochaines décennies, nous, les Hommes, aurons
recours à la terre pour nous apporter ce dont nous avons besoin pour
vivre. Il existe là aussi de nombreuses opportunités pour ceux
qui aiment travailler au grand air. Il y a également de fortes chances
que se développe une révolution qui puissent déboucher
sur de nombreuses transformations en matière de tenure des terres.
Dîtes adieu à l’ère de
l’automobile et saluez le retour des communautés. Difficile
à croire, tout particulièrement pour ceux qui liront ceci sur
leur iPad, mais nos jours de navetteurs sont
comptés. L’industrie automobile semble toucher à sa fin
plutôt brutalement – bien que nous faisions actuellement tout ce
qui est en notre pouvoir pour la soutenir. Les gens font tout ce qu’ils
peuvent tant qu’ils le peuvent, et quand ils ne le peuvent plus, alors
ils arrêtent de le faire. Les implications de tout cela sur la
manière dont nous occupons la terre seront phénoménales.
Trouvez-vous une petite ville fluviale entourée de champs et
préparez-vous à y reconstruire votre vie.
En attendant, alors que tous ces changements se
préparent en arrière-plan, soyez certains que les gens qui
tiennent les rênes continueront de mener campagne pour que leur racket
reste d’actualité. Les conséquences en seront tristes et
possiblement effrayantes. Soyez courageux et cherchez les opportunités
que peuvent apporter ces transformations. La modernité nous a fait
perdre notre travail. Laissez vos entreprises fatiguées derrière
vous et recommencez à agir en tant qu’humain. Profitez de la vie
en-dehors de ce que les progrès technologiques ont à nous
offrir. Vous vous en remercierez un jour.
|