Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
C’est bien les fins d’année. Les débuts
d’année aussi. Bon, c’est vrai que cette année,
c’est 2012 et qu’il ne nous reste plus beaucoup de temps pour en
profiter d’après nos amis les Mayas, mais c’est un autre
débat.
Non, ce qui est bien avec les fins d’année, ce sont les
fêtes du même nom, les fêtes de fin d’année,
quoi !
Quand on part en vacances à cette époque-là,
ça s’appelle même la trêve des confiseurs. Comme
c’est joli.
Pour les bourses du monde c’est aussi un bon moment. Une
espèce d’allégresse partagée à travers la
planète entière avec en ligne de mire d’alléchants
bonus pour le début d’année suivante.
Vous savez, sur les marchés, on a un vocabulaire très
précis, assez abscons pour le néophyte
(c’est-à-dire tout le reste de la population à qui on
fait croire que l’économie c’est très
compliqué).
Alors sur les marchés, c’est l’époque du
« window dressing », ou en
français du « nettoyage de fenêtre ». Moi
je dirais plutôt tripatouillage de bilan – tenez, demandez
à la Deutsch Bank, elle en sait quelque chose et Angela aussi vu
qu’elle ne veut pas trop d’union bancaire ; remarquez, avec
des trous de 12 milliards de dollars par-ci par-là on la comprend.
Donc il faut faire monter les marchés au cric pour
clôturer au mieux au 31/12/12. Il s’est passé exactement
la même chose l’année dernière. Souvenez-vous. On
se demandait si l’euro allait passer Noël… Eh bien
début janvier, tout s’est mis à monter encore et
encore… C’est comme ça.
Il y a d’autres petites choses rigolotes ces derniers temps. Ce
sont les médias qui nous expliquent le mieux ces choses-là, et
puis c’est drôle, tellement rafraîchissant. Petit
pot-pourri entre nous mes chers contrariens.
Pourquoi la Bourse monte ? Grâce à la croissance ?
Non, du tout, c’est la saison du rallye de fin d’année. Il
y a l’été, l’hiver, et puis la saison du rallye de
fin d’année. C’est sans doute une nouvelle loi
économique qui m’a échappé.
C’est la reprise aux États-Unis, c’est une
excellente nouvelle !! D’accord, mais si la croissance est
là, on devrait pouvoir commencer à faire moins de dettes
à défaut de les rembourser non ? Eh bien non, justement,
Obama, aimerait déplafonner définitivement la dette. En gros,
il veut supprimer l’idée même de plafond. C’est vrai
ça. Pourquoi s’emmerder avec des limites bassement
matérielles.
Je pense que vous serez d’accord avec moi pour conclure que nous
dire d’un côté qu’il y a de la croissance et de
l’autre qu’il faut pouvoir encore plus de dettes est
légèrement contradictoire.
En Europe, l’Espagne va demander de l’aide. Enfin.
Excellente nouvelle ! Et alors ? L’Espagne est en
croissance ? Ses banques vont bien ? Son économie
repart ? Non, rien de tout cela. C’est juste qu’ils vont demander de l’aide… Ah et c’est une
bonne nouvelle ça ? Pour eux oui…
Et maintenant, c’est la BCE qui s’y met sans les mauvaises
nouvelles.
La BCE
s'attend désormais à une contraction du PIB de la zone euro en
2013
Le titre n’est pas de moi, il est de l’AFP. Ce que
j’aime dans ce titre c’est le mot
« désormais » qui laisse sous-entendre un effort
de réflexion, d’analyse.
« La Banque centrale européenne (BCE) s'attend
à présent à un recul du Produit intérieur brut
(PIB) de la zone euro en 2013, prenant acte de l'accélération
de la dégradation de l'économie dans la région, qui est
entrée en récession au troisième trimestre.
La BCE prévoit désormais une contraction du PIB de la
zone euro de 0,3 % en 2013. En septembre, elle tablait encore sur une
croissance de 0,5 %.
La croissance devrait s'établir à 1,2 % en 2014, selon
une première estimation également annoncée jeudi par le
président de la BCE Mario Draghi lors de sa
conférence mensuelle à Francfort (ouest) suivant la
décision de l'institution sur ses taux directeurs, qu'elle a
laissé inchangés.
Et pour l’année 2012, la BCE a légèrement
révisé à la baisse sa prévision de contraction du
PIB, à - 0,5 % contre -0,4 %
précédemment. »
Ce qui est bien dans les prévisions de la BCE (et des autres),
c’est que l’on ne vous dit JAMAIS la vérité. Par
exemple, l’année qui vient sera sans doute mauvaise, MAIS
l’année d’après on prévoit toujours,
TOUJOURS un retour de la croissance. Comme personne ne vous le dit et que
tout le monde fait semblant d’y croire, ça marche. Enfin pas la
croissance, le mensonge.
Donc l’année prochaine on nous expliquera que
« désormais » la BCE s’attend à une
année 2014 en récession mais au retour de la croissance
dès 2015 !! Comme personne ne se replonge un an après dans
les prévisions de croissance de l’année dernière
à part quelques illuminés dont je fais partie, mais il ne faut
pas nous écouter, nous sommes fous. Nous sommes des pessimistes
(insulte suprême), des cassandres, des oiseaux de mauvais augure, ou
encore des « déclinologues ».
Enfin, heureusement, les marchés montent, montent, montent et
vont bientôt redescendre… Ce n’est qu’une question de
temps.
Alors soyons honnêtes. J’aurais bien vu un krach en
2012… rien, nada, les indices ont plutôt bien monté
malgré une situation qui se pourrit de mois en mois.
Donc je me suis trompé. Voilà, mea culpa, mea culpa,
c’est ma faute, l’économie va tellement mieux que bien que
les marchés montent sans clients avec de 60 à 80 % de robots
« traders » en fonction des indices, sans volumes et
sans nouveaux clients… Bref, tout est normal. Tout va bien.
Surtout, surtout, je ne dispose d’aucun agrément AMF pour
vous vendre des produits financiers et vous donner des conseils. Donc ne
m’écoutez pas. Ne faites pas attention à ce que je dis.
Videz votre Livret A, vendez votre maison, vendez tout et placez tout
en bourse. Achetez que des actions. Regardez ça monte. Vite, vite,
vous allez rater la hausse…
Je redoute le repas de Noël cette année. Mon oncle va
m’expliquer qu’il n’aurait pas dû
m’écouter et laisser ses sous en bourse. Je suis d’avance
fatigué.
Évidemment, gardez votre maison et achetez encore moins
d’actions.
Warren Buffet a toujours dit que quand il ne comprenait pas, il ne
faisait pas. Le comportement des marchés est incompréhensible
de façon « économique ».
Tenez-vous en éloignés. La tempête arrive. Je ne
sais pas quand, mais elle arrive. Un beau jour, tout ce château de
cartes va s’effondrer.
Mais pour le moment tout va bien, c’est le rallye de fin
d’année.
Vous prendrez bien un bonus ?
Charles
SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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