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Cours Or & Argent

L’impôt économiquement correct : Le problème du calcul économique

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Publié le 21 janvier 2013
956 mots - Temps de lecture : 2 - 3 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

La fourniture de biens et services par l’État est-elle économiquement supérieure à leur production privée,  donnant ainsi une justification économique à la fiscalité ? Pour cela, il faut démontrer que l’État est capable de mieux gérer des ressources rares que le secteur privé de l’économie. Autrement dit, il faut analyser la capacité de l’État à utiliser le calcul économique.


Le calcul économique ne se limite pas au calcul des profits monétaires, c’est-à-dire, à la différence entre recettes et dépenses. En fait, ce calcul monétaire n’est qu’un outil permettant l’utilisation du calcul économique. Le calcul économique consiste plus largement à comparer les profits de divers projets, car un même capital peut être utilisé de différentes façons. Le tout est d’en déterminer le meilleur usage. Celui qui l’emporte sur toutes les autres utilisations possibles de ce capital.


Faire un profit monétaire est fondamental, car ce profit est l’évidence que le projet réalisé a permis de recouvrir les ressources utilisées dans l’activité concernée tout en créant un capital supplémentaire qui pourra être utilisé dans d’autres projets. La notion de profit économique va plus loin car elle comprend aussi cette idée que l’usage des ressources choisi a été productif étant donné les alternatives existantes. Faire un profit monétaire qui est aussi un profit économique implique que l’investissement choisi a permis de créer le plus de capital supplémentaire possible à partir du capital initial.  


Une perte monétaire indique, au contraire, un transfert des ressources. Le capital est consommé par les dépenses et sa capacité productive diminue proportionnellement jusqu’à disparaître entièrement en fonction des pertes réalisées. La notion de perte économique n’implique pas nécessairement une perte monétaire. En effet, il est toujours possible de  choisir une utilisation rentable des ressources sans pour autant qu’elle soit la plus rentable. De ce fait, il existe un manque à gagner en termes de capacité à créer un capital additionnel et d’une certaine façon cela constitue un gaspillage économique. Il aurait été possible de faire mieux et ainsi de créer davantage de capital.


Evidemment, pour être mené à bien, l’utilisateur du calcul économique doit être incité à l’utiliser de façon à éviter des pertes économiques (en évitant notamment des pertes monétaires). Dans le secteur privé, cette incitation se manifeste par le biais de la propriété privée et les liens contractuels qui en découlent.


Un entrepreneur est incité à utiliser efficacement le calcul économique car il veut au moins maintenir la capacité productive de son capital – cependant, cette incitation si elle est nécessaire, ne suffit pas au succès. Si les pertes sont inévitables dans les  usages alternatifs envisagés de son capital, il sera alors incité à choisir l’usage le moins pénalisant. La propriété du capital implique la responsabilité de pertes. L’incitation n’est pas seulement fondée sur l’envie de réaliser les gains potentiels, mais aussi sur la crainte de faire des pertes potentielles.


Un salarié à qui est délégué une partie ou la totalité du capital d’un entrepreneur se trouve également incité à utiliser le calcul économique du fait de l’institution de la propriété privée. Certes, le salarié ne possède pas le capital de l’entrepreneur, mais il dispose d’un patrimoine personnel qui dépend intimement des revenus issus de ce capital. Si le salarié veut au moins maintenir ce patrimoine, il lui faut d’être économiquement efficient dans l’usage des ressources qui lui sont déléguées.


Ces incitations ne sont pas présentes au sein de l’État. Tandis que dans le secteur privé, le maintien ou la croissance d’un capital est directement lié à sa gestion économique, ceci n’est pas vrai dans le secteur public. Certes, les politiciens et fonctionnaires ont une incitation à maintenir ou faire croitre leur patrimoine personnel, mais ceci n’est pas lié à une gestion économique des ressources de l’État.


Les revenus légaux des politiciens dépendent de leur maintien au pouvoir. Or, celui-ci dépend des élections et pas nécessairement des résultats économiques. Par conséquent, leurs revenus dépendent  de tout ce qui peut leur faire emporter des élections. Le politicien est ainsi incité à utiliser un calcul politique qui vise les élections et non un calcul économique pour gérer le capital de l’État.


A ceci s’ajoute le problème de la formation du capital public. Contrairement au capital privé qui se forme par l’incitation de l’institution de la propriété privée, le capital public est formé par l’expropriation légale du patrimoine et des revenus des citoyens. Ceci donne aux politiciens la capacité d’effacer leurs pertes par décret, ce qui n’est pas possible pour les agents du secteur privé. Tandis que dans ce dernier, l’individu est responsable de ses décisions et donc des pertes, dans le secteur public, le politicien n’est pas responsable des pertes et peut même les couvrir en décidant de créer des impôts supplémentaires.


Les salariés de l’État, les fonctionnaires, sont encadrés par les lois et les organismes créés par les politiciens. Si ces lois et organismes n’intègrent pas le calcul économique, il est tout à fait naturel que les fonctionnaires ne l’utilisent pas. Il ne s’agit donc pas d’un problème d’incompétence ou de corruption mais d’incitation – même si ces problèmes peuvent exister indépendamment de toute incitation.


Les politiciens et par conséquent les fonctionnaires sont incités à faire usage du calcul économique dans des situations rares où une augmentation de la fiscalité se traduit par une révolte électorale, voire par une révolte violente de la population. Mais dans de tels cas, il faudra que la responsabilité des pertes soit bien établie entre les pertes de l’État sous forme de déficits et de dette publique et les politiciens et fonctionnaires en place. Sinon, le problème sera tout simplement laissé au prochain gouvernement.


Dans le prochain billet, nous analyserons une autre justification de l’impôt, celle du transfert des ressources par l’État. Nous aborderons ainsi la question de l’illusion fiscale.


 

 

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Gabriel A. Giménez-Roche est professeur et responsable du département économie du Groupe ESC Troyes et maître de conférences à Sciences Po Paris. Son domaine de recherche est l'analyse économique de l'entrepreneuriat et son contexte socio-institutionnel. Il est également chercheur associé de l’Institut économique Molinari.
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