La Bundesbank annonçait la
semaine dernière qu’elle demanderait le rapatriement de 674 de ses 3391
tonnes d’or depuis les banques centrales de New York et Paris en vue de
restaurer la confiance du public envers la sécurité de l’or de l’Allemagne.
Le transfert d’or depuis la Réserve Fédérale devrait se faire sur une période
de sept ans et ne devrait être complété qu’en 2020.
La Bundesbank, la banque
centrale Allemande, prévoit de stocker la moitié de ses réserves d’or dans
ses propres coffres, à Frankfort.
D’ici à 2020, elle prévoit de
rapatrier 300 tonnes d’or depuis New York et 374 tonnes depuis Paris.
La banque possèdera donc en
2020 50% de ses réserves d’or à Frankfort, et en conservera 37% à New York et
13% à Londres.
La Bundesbank a déclaré se
concentrer sur les deux raisons principales pour lesquelles relocaliser son
or : restaurer la confiance du public tout en maintenant sa capacité
d’échanger rapidement de l’or contre des devises étrangères sur les
principaux marchés mondiaux.
L’Allemagne possède la
deuxième plus importante réserve d’or du monde après les Etats-Unis, avec
3391,3 tonnes d’or.
La banque centrale Allemande
rapatriera une partie de ses 200 milliards de dollars d’or stockés dans les
coffres de la Réserve Fédérale de New York et de la Banque de France à Paris.
Avant la réunification de
l’Allemagne en 1990, 98% des réserves d’or de l’Allemagne étaient stockés à
l’étranger. La Bundesbank a ensuite commencé à rapatrier son or jusqu’à
transférer 931 tonnes d’or en 2000 depuis la Banque d’Angleterre vers
Frankfort. Après 2020, 13% de l’or Allemand seront encore stockés à Londres.
En raison de l’introduction de
l’euro il y a 12 ans, la Bundesbank n’estime pas nécessaire de conserver une
partie de son or auprès de la Banque de France – puisque les deux pays
utilisent désormais la même devise.
‘C’est avant tout une anomalie
historique à laquelle nous remédions désormais’, a précisé David Marsh,
directeur d’OMFIF, qui publiait ce mois-ci un rapport traitant du rôle
grandissant de l’or face à la possibilité pour la devise Chinoise de faire
son apparition sur la scène internationale comme alternative au dollar.
Pourquoi ?
-Nous pouvons lire partout que
la Fed pourrait ne pas être capable de retourner son or à l’Allemagne parce
que l’or qu’elle est supposée stocker pour les autres gouvernements est généralement
non-alloué. Les réserves monétaires des banques centrales devraient être
allouées pour que leur propriétaire puisse être déterminé sans problèmes. De
l’or stocké de manière non allouée revient, pour expliquer les choses
simplement, à dire que si la Fed s’effondrait, les banques centrales qui y
ont stocké leur or ne seraient pas en sécurité. Cette inquiétude a fait son
chemin en Allemagne, notamment après l’annonce qu’aucun audit régulier de
l’or de l’Allemagne n’avait été établi depuis des années. La Cour Fédérale
Allemande des Auditeurs a indiqué aux législateurs que l’or de l’Allemagne
n’avait pas encore été physiquement audité et a demandé à la Bundesbank
d’organiser des visites de contrôle auprès des banques centrales auprès
desquelles son or est stocké. Elle a demandé le rapatriement d’un minimum de
150 tonnes d’or au cours de ces trois prochaines années pour que soient
vérifiés la qualité et le poids de chaque barre. Il est dit que Frankfort ne
disposerait pas de registre stipulant les numéros de séries de ses barres
d’or placées à l’étranger.
- Le rapatriement de l’or de
l’Allemagne devrait se faire sur 7 ans au rythme de 10 livraisons par an, ce
qui est étrange puisque cela pourrait être fait bien plus rapidement.
L’Allemagne permet-elle ainsi aux banques auprès desquelles est placé son or
de le récupérer d’entre les mains de ceux auxquels elles l’ont prêté ?
Si cela s’avérait être le cas, ces banques auraient-elles à acheter de l’or
avant de l’envoyer à l’Allemagne et à entrer dans le marché de l’or en tant
qu’acheteurs, ou la durée de sept ans a-t-elle été fixée parce qu’elle
correspond à la maturité de leurs prêts ?
- Le rôle des réserves d’or
est de s’assurer de ce que les échanges, si la devise d’une nation n’était
plus acceptable à l’étranger, puissent continuer. Comme l’a dit Greenspan,
l’or est la monnaie de dernier recours. Mais cela nécessite-t-il de conserver
l’intégralité des réserves d’or d’une nation en-dehors de ses
frontières ? La décision de l’Allemagne de ne rapatrier que la moitié de
ses réserves d’or vise à en conserver une partie auprès de centres financiers
en prévision d’une telle éventualité. L’or qu’elle conservera sera disponible
et pourra être utilisé à d’autres fins. Le problème avec le stockage
domestique de l’or est que s’il est utilisé pour rembourser un créditeur, il
se trouve toutefois dans la juridiction du débiteur, ce qui n’est pas chose
pratique.
- Comme je l’ai dit plus haut,
il est raisonnable de penser que puisque la France utilise la même devise que
l’Allemagne, il n’est pas utile pour la Bundesbank de conserver de l’or en
France. Puisque le Royaume-Uni utilise encore la livre sterling, il paraît
logique qu’elle y conserve une partie de son or. La même règle s’applique aux
Etats-Unis, qui demeurent encore aujourd’hui la plus grande puissance
économique de la planète.
- Mais l'or de la Bundesbank
est-il réellement stocké aux bons endroits ? Qu’en serait-il si ces pays
faisaient face à des crises ? La décision de la Bundesbank a-t-elle
quelque chose à voir avec l’éventualité de crise dans ces pays ? Toutes
les nations du monde semblent penser que la Chine devrait bientôt devenir la
première puissance mondiale et que le yuan puisse jouer le rôle de devise
internationale, mais stocker l’or de l’Allemagne auprès de la Banque
Populaire de Chine reviendrait à admettre que la concentration du pouvoir et
de la richesse s’est déplacée vers l’Est.
Comme nous l’avons vu plus
haut, le rapatriement de l’or Allemand vers Frankfort a été organisé de
manière à ce que les banques auprès desquelles il a été stocké puissent se
procurer de l’or si elles n’en ont plus de disponible pour le moment. L’idée
que les banques centrales du monde développé puissent aujourd’hui entrer en
compétition avec les banques centrales des nations émergentes pourrait
renforcer le marché haussier de l’or parce que leurs achats persistants ont
le pouvoir de porter le prix de l’or vers de nouveaux horizons. Nous n’avons
plus qu’à attendre de voir ce qu’il se passera. Si cela s’avérait être le
cas, alors le rôle de l’or dans le système monétaire changerait du tout au
tout avant même que son nouveau rôle ait été officiellement accepté. La Chine
pourrait alors entrer en scène et occuper une fonction centrale sur le
système monétaire, liant deux blocs de pouvoirs politiquement et
économiquement différents : le monde développé et le monde en
développement.
La dernière fois que le monde
se trouvait divisé ainsi remonte au début de la seconde guerre mondiale. Les
conséquences de cette division sur le monde monétaire étaient alors si
dévastatrices qu’elles ont conduit à la destruction des devises Européennes.
L'Histoire nous apprend de
nombreuses leçons. Avant la seconde guerre mondiale, lorsqu’il devint évident
que les extrémistes avaient pris le pouvoir en Allemagne et que la guerre
était imminente, l’or entra à nouveau sur le devant de la scène. Nous avons
tous entendu parler de la confiscation de l’or en 1933 aux Etats-Unis dans
l’objectif d’augmenter la masse monétaire au travers de la dévaluation du
dollar. Mais un détail n’a pas fait l’objet de l’examen du public…
Qu’est-il
arrivé à l’or Européen après 1935 ?
La crainte de l’apparition de
crises dans le futur est-elle à l’origine du rapatriement de son or par
l’Allemagne ? Ce fut certainement le cas pour le Venezuela, qui
craignait le pouvoir des Etats-Unis sur son or. Je ne m’attends pas à ce que
la Bundesbank en dévoile plus sur le sujet, parce que le manque de
transparence fait partie de la nature des banques centrales. Mais l’Histoire
nous dit qu’il existe d’autres raisons à sa décision, qui confirment le grand
retour de l’or au sein du système monétaire et qui expliquent pourquoi une
nouvelle confiscation serait probable dans le futur.
Lorsque le dollar fut dévalué
en 1935, il ne l’a été qu’en termes d’or. Il n’a pas été dévalué par rapport
aux autres devises. Les taux de change ont été fixés les uns par rapport aux
autres. Les autres gouvernements n’ont pas dévalué leur devise respective
contre l’or. La conséquence de tout cela ? Alors que l’or s’échangeait
contre 20 dollars en dehors des Etats-Unis, il valait 35 dollars aux
Etats-Unis.
Puisque les marchés de
l’époque étaient très peu sophistiqués, tout comme les moyens de
communication, les revendeurs d’or se sont rendu compte qu’ils pouvaient acheter
de l’or pour 20 dollars et le revendre pour 35 dollars aux Etats-Unis. Vous
êtes-vous déjà demandé pourquoi les réserves d’or des Etats-Unis ont gonflé
jusqu’à atteindre plus de 26.000 tonnes ?
S’agissait-il d’une erreur
financière d’un monde pas encore développé ? Certainement pas. Il
s’agissait d’un moyen très pratique de transférer l’or de l’Europe hors de la
zone de conflit vers la sécurité relative qu’offraient les Etats-Unis. Quatre
ans plus tard, la guerre éclatait en Europe.
Mais les gouvernements
étrangers n’étaient pas stupides. Les gouvernements Européens ont facilité ce
transfert, bien qu’il fût observé en tant que simple évènement de marché.
Souvenez-vous que l’or était la monnaie de base. Un tel transfert n’aurait pu
se produire sans l’accord des gouvernements.
C’est également un exemple de
la manière dont les banques travaillent avec les autorités monétaires pour
s’assurer un contrôle total sur le système monétaire. La même chose est vraie
aujourd’hui, avec les gouvernements qui s’acharnent désespérément à
rafistoler le système bancaire et les dépenses gouvernementales qui se
soucient peu des économies nationales en-dessous d’elles.
Dans la crainte de voir
éclater une guerre, l’Europe a donc transféré son or vers les Etats-Unis.
Vous pourriez vous demander si
c’est là la fin de l’histoire. Bien sûr que ça ne l’est pas !
En raison d’une importante
présence militaire Américaine en Europe après la guerre, le flux de dollars
depuis les Etats-Unis vers l’Europe s’est poursuivi tout au long des années
1940 et jusque dans les années 1960. Les nations Européennes, dont la France,
l’Italie, la Suisse et l’Allemagne, ont ensuite échangé leurs dollars contre
de l’or. Alors que s’achevait la reconstruction, l’Europe avait récupéré son
or. C’est alors que les Etats-Unis fermèrent le guichet de l’or, le faisant
sortir du système monétaire et dormir dans des coffres. Voilà 42 ans que dure
notre expérience de monnaie papier. Les banques centrales Européennes furent
récompensées de leur décision par la hausse du prix de l’or survenue tout au
long des années 1970 et 1980.
Ces
flux d’or depuis et vers les Etats-Unis n’ont été décelables qu’après coup.
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