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Made in
France ! Si Arnaud Montebourg veut que le « Made in France »
survive, il faut que l’entreprise française survive. Les incantations patriotiques, les
envolées lyriques ou les attitudes de Don Quichotte ne peuvent cacher
la réalité entrepreneuriale française : le
désinvestissement. En voici la preuve par l’exemple.
« Ma
croissance, je vais la chercher à l’étranger »,
témoigne
Philip Husson, directeur de Labofill,
entreprise installée dans la banlieue lyonnaise et qui produit des
contenants pour Clarins, Azzaro et d’autres.
« Ici, chaque euro investi est synonyme de charges
supplémentaires. » Alors naturellement il pose la question
fatidique : « Investir en France ? Aujourd’hui nos
capacités d’investissement sont en grande partie grevées
par les remises aux normes exigées par
l’administration » s’insurge-t-il en précisant
que « pour obtenir la certification ISO 22716, obligatoire au 1er
juillet, il nous en a coûté 8 000 euros au Portugal contre 110 000
euros en France, alors que notre usine en France est beaucoup plus
récente ! »
L’embauche
fait partie de l’investissement, mais beaucoup de chefs
d’entreprise hésitent. « Je dois investir dans
l’export et le e-commerce pour gagner des marchés. Mais si
j’embauche une personne en CDI et que le projet échoue, je dois
assumer une charge supplémentaire » affirme le dirigeant de
Pauporté, entreprise de vêtement
féminin, ajoutant qu’ « il n’y aucune
flexibilité. On reste sur des modèles datant du 19ème
siècle. »
Autre point
noir : l’augmentation de la taxe sur les plus-values de cession
effectuée en octobre 2012. Elle a été très mal
accueillie par les dirigeants de PME. Vécue comme une agression
fiscale, un expert témoigne que ces chefs d’entreprises
« l’ont ressentie comme une vraie rupture et disent aujourd’hui
préférer que leurs enfants partent à
l’étranger », ajoutant que « si on veut
qu’ils retrouvent l’envie de faire en France, d’investir,
il faudra que le gouvernement reconnaisse son erreur et capitule sur la
fiscalité des plus-values de cession. »
Alors pour
échapper à la lourdeur fiscale française, certains
n’y vont pas par quatre chemins. Charles Edelstenne,
président de Dassault Systèmes, a posé la question sans
détour à son directeur général, Bernard Charlès : « où voulez-vous
vous installer ? » La question concerne l’ensemble des
cadres de l’entreprise Dassault, fleuron français, qui ont
chacun une part au capital de la société.
« Ma
préoccupation concerne l’alourdissement de la fiscalité
sur le capital, les stock-options et les actions gratuites », explique
Bernard Charlès. « Permettre
aux cadres d’être actionnaires de leur société,
c’est leur offrir une part de rêves. » Un rêve
qui, en France, tourne au cauchemar : « pour obtenir…
une part de capital… l’entreprise et son salarié vont
devoir payer en taxes et en impôts jusqu’à 80% de sa
valeur, ce n’est pas tenable. »
Puis il
explique ce qui relève de la compétitivité fiscale entre
les États : « Il est normal que les cessions de
capital soit taxées, mais au-delà de 60%, vous êtes hors
course au niveau mondial. Il en résulte que bénéficient
de ces plans de fidélisation les managers à
l’étranger et non plus ceux situés en France. »
Il lance alors : « Résider en France devient
lourdement handicapant. » En conséquence des dirigeants et
des cadres de Dassault Système sont déjà partis.
Mais au lieu
de lever la pression pour que les entrepreneurs et les cadres
supérieurs investissent et restent, ce qui semblerait la solution de
bon sens, le gouvernement fait le contraire. Non content d’augmenter la
pression fiscale à l’intérieur, il cherche à
l’augmenter à l’extérieur. Ainsi, Yann Galut, député socialiste du Cher,
président de la Commission contre l’exil fiscal
créée à l’Assemblée nationale,
explique que l’objectif est de légiférer sur les bases
d’un impôt lié à la nationalité : « Belgique,
Russie, Suisse ou Royaume-Uni… quel que soit la destination des
exilés fiscaux, des pistes de réflexion existent à
l’instar de ce qui se pratique en Allemagne, en Espagne, au Portugal,
en Italie : les contribuables de ces États qui s’expatrient
continuent en effet à payer leurs impôts pendant quelques
années dans leurs pays d’origine. » Voulant se
justifier, il ajoute qu’il
s’agit de « demander à chaque citoyen français
– les exilés fiscaux y compris –une juste contribution
à l’effort national de redressement de nos comptes
publics. » Le projet de loi est prévu pour le mois de mai
prochain.
Alors la
prochaine étape sera-t-elle le changement de nationalité des
cadres français ? Peut-être que Malte aura une soudaine
poussée démographique… En attendant, entre refus
d’investir et départs, le désinvestissement est devenu
une réalité entrepreneuriale française que le
gouvernement ne veut pas avouer. Si cela continue, Arnaud Montebourg risque
d’être le dernier à croire au « Made in
France ».
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