Photo du pont aérien lors du blocus de Berlin !
Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
Ne me demandez pas pourquoi les marchés financiers montent
aujourd’hui alors que nous vivons la chronique d’une catastrophe
financière annoncée en direct… Sans doute parce que
lorsque tout va mal les banques centrales inondent la planète finance
de liquidités abondantes afin « d’absorber les chocs
exogènes et renforcer la résilience du système » comme
on dit pudiquement, alors que plus prosaïquement on permet juste aux
mêmes de se gaver davantage que d’habitude.
Je sais on parle beaucoup de Chypre, encore Chypre et toujours Chypre,
mais c’est comme ça avec les bons feuilletons. Il faut dire que
des choses à dire il y en a beaucoup.
Tout cela est très peu évoqué mais
l’affaire chypriote au-delà des enjeux économiques est
aussi pour ne pas dire surtout une affaire de géopolitique.
Un peu
d’histoire sur les origines de Chypre !
Des esprits forts sympathiques me feront sans doute remarquer que je
cite Wikipédia donc je prends les devants pour bien vous
préciser que je cite Wikipédia, le but de cet Edito
n’étant pas de réécrire ce qui l’est déjà
et fort bien par ailleurs pour se concentrer justement sur l’essentiel.
Chypre
c’est un problème greco-turc
Vous pouvez déjà retenir cette idée.
Chypre est en face de la Syrie (ce qui est très loin de
Bruxelles), tout en étant membre de l'Union européenne de facto
pour sa partie sud (environ 1 300 000 habitants, majoritairement grecs, avec
une minorité turque ainsi que britannique installée dans des
enclaves militaires sous souveraineté de la Couronne britannique).
Le territoire de l'île est aujourd'hui divisé entre trois
souverainetés de facto : Chypriote, Turc et Britannique.
Vous pouvez traduire que c’est un joyeux bazard
sur cette île et depuis longtemps.
La République de Chypre, qui est la seule internationalement
reconnue, dispose d'un siège à l'ONU et est membre de l'Union
européenne (UE). Elle est réputée exercer sa
souveraineté sur l'ensemble de l'île ; cependant elle ne
contrôle en pratique que la partie méridionale (environ 50 % du
territoire, 10 % étant contrôlés par la Grande-Bretagne)
celle de la partie nord (40 % du territoire occupés par l'armée
turque depuis 1974, y compris une partie de sa capitale Nicosie)
autoproclamée République turque de Chypre du Nord (RTCN) le 13
novembre 1983, qui n'est reconnue que par la Turquie.
La Ligne verte dite « ligne Attila », la sépare du
reste du pays.
Chypre est rentrée dans l’Union européenne en 2004
et l’Union se disait réticente à accepter une île
divisée (on la comprend).
Cette adhésion est due en grande partie aux pressions
diplomatiques de la Grèce, qui menaçait de bloquer les 9 autres
adhésions prévues en 2004 (Estonie, Hongrie, Lettonie,
Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et
Slovénie) si Chypre en était exclue.
Le statut de l'île est donc devenu un point de contentieux
majeur des relations entre la Turquie et l'Union européenne.
Néanmoins sur le terrain, des progrès ont été
faits vers un statut fédéral de l’île. Les deux
entités ayant ouvert des points de passage dans la Ligne Attila et
permis aux habitants de chaque côté de se rendre dans l'autre !
Voilà en quelques paragraphes la réalité de
l’organisation de l’île de Chypre. Avouez que c'est
déjà compliqué.
Ce
qu’il faut retenir
L’île de Chypre est prise dans un conflit
ethnico-religieux entre grecs et turcs. L’île de Chypre est
géographiquement située au Moyen-Orient et à une
centaine de kilomètres de la Syrie. Pendant les années de
guerre civile au Liban Chypre était d’ailleurs un
réceptacle de réfugiés et également une plaque
tournante pas uniquement financière mais aussi pour l’armement
et le trafic d’armes international, ou encore pour les agents secrets
du monde entier.
Pour l’Europe, Chypre est un véritable porte-avion en
méditerranée à portée de toute une région
stratégique (d’où aussi les bases britanniques sur
place).
Chypre dispose désormais de réserves de gaz prouvées
très importantes qui lui permettraient alors que le gouvernement
chypriote s’apprête à donner les permis
d’exploitation d’encaisser des ressources financières
importantes.
Alors comme vous le voyez l’affaitre
chypriote se complexifie grandement dès que l’on met tout cela
dans une perspective plus géopolitique, mais ce n’est pas tout.
Le gaz
chypriote un enjeu pour l’indépendance énergétique
européenne
Faisant partie de l’Union Européenne dépendante en
grande partie du gaz russe, l’Europe se verrait bien confier en
échange de son aide financière (forcément payante)
l’exploitation des ressources de gaz chypriote estimées à
plusieurs centaines de milliards de mètres cubes.
Evidemment en face, les russes voient cela comme une menace sur leur
capacité à négocier avec l’Europe puisque le gaz
chypriote permettrait à l’Europe d’éloigner les
« chantages » russes à l’approvisionnement. Moscou
perdrait sa capacité de « nuisances » donc de facto ses
capacités de négocier avec l’Europe.
Mais ce n’est pas tout. La seule base navale russe est
située dans un pays pour le moins instable et juste en face de
Chypre… la Syrie ! Le problème là encore, c’est que
la Russie qui soutient Bachar el Assad risque de se
voir sortir de Syrie en cas de défaite du régime actuel soutenu
par Moscou (ce qui explique en partie sa résistance depuis plus de
deux ans maintenant).
Si les russes devaient quitter la Syrie, Chypre située à
une centaine de kilomètres pourrait rendre le «
déménagement » beaucoup plus facile et permettre à
Moscou de conserver une base en Méditerranée.
Enfin, Chypre est devenue en 20 ans un refuge pour les fonds plus ou
moins opaques des oligarques russes et gère plusieurs dizaines de
milliards d’euros… russes !
Soyons honnêtes, si demain Chypre fait faillite, c’est les
russes qui perdront de l’argent, beaucoup, beaucoup d’argent.
Alors les russes comme nous venons de le voir ont quelques raisons
sérieuses de soutenir Chypre, pour ne pas dire de « racheter
» Chypre.
Mais évidemment l’Europe n’est pas d’accord,
mais alors pas du tout d’accord.
L’hypocrisie
hallucinante des dirigeants européens !
Côté face, tout le monde se renvoie la balle, personne ne
voulait être méchant avec le pauvre et gentil petit peuple
chypriote en allant lui voler ses dépôts. Hollande dit ce
n’est pas moi, j’étais contre, les allemands ce
n’étaient pas eux non plus, les espagnols n’ont pas eu non
plus cette idée… bref, c’est la faute à personne !
Pourtant cette décision n’est pas venue par
l’opération du Saint-Esprit !
Alors
pourquoi l’Europe n’est pas d’accord.
D’abord parce que l’Europe à
besoin du gaz chypriote, que les anglais veulent conserver leurs bases
à Chypre ce qui leur permet d’assurer une présence en
Méditerranée sans avoir à investir dans un porte-avion,
que les grecs et les chypriotes pour des raisons évidentes sont
très proches, les sytèmes finacniers grecs et chypriotes sont en plus fortement
imbriqués et c’est Chypre qui finance pour une part non
négligeable la Grèce. Or pourquoi le système chypriote vaicille ? Parce qu’il y a quelques mois,
l’Europe a imposé des pertes fortes sur les créances
grecs notamment au système bancaire chypriote qui devait être
soutenu… et enfin même si les russes sont nos « grands »
amis moins ils sont puissants mieux toute l’Europe se porte surtout les
anciens pays de l’Est qui n’ont qu’une peur… le
retour de l’Empire soviétique dont ils ne gardent pas un
souvenir impérissable.
Alors côté pile les européens mettent une pression
hallucinante sur Chypre même si pour jouer les gentils à la
télé et face à l’émotion suscitée
partout en Europe par cette décision de voler les comptes bancaires
des simples gens, on dit que personne n’est responsable de cette
catastrophe !
L'Europe
organise le blocus monétaire de Chypre
C’est le titre d’un excellent article du Figaro dont vous
trouverez le lien ci-dessous.
Pour le Figaro et c’est une très bonne analyse, la BCE a
sorti son arme de dissuasion massive: le blocus monétaire.
En effet la Banque centrale européenne (BCE) vient
d’indiquer qu'elle cessait d'alimenter en liquidités les banques
chypriotes tant que Nicosie n'accepte pas le plan de sauvetage alors que hier
soir la même BCE prenait acte du rejet par le Parlement chypriote de ce
plan et qu’elle ferait face en donnant les liquidités
nécessaires…
Il faut dire qu’entre temps, les chypriotes sont allés
négocier directement une aide éventuelle de Moscou et ont mis
en concurrence deux « fournisseurs » d’aides potentiels, la
Russie et l’Europe. Tout bonnement inacceptable pour les
européens.
Ainsi la BCE a prévenu qu'elle n'alimenterait plus les banques
chypriotes en liquidités, tant que le plan de sauvetage UE-FMI ne
serait pas accepté. «Les liquidités d'urgence de la BCE
ne sont disponibles que pour les banques solvables, or les banques chypriotes
ne sont pas solvables tant qu’elles ne seront pas recapitalisées
rapidement», a indiqué Jorg Asmussen,
l'un des membres du directoire de la BCE.
Alors pour le moment et cela risque de durer plus longtemps que
prévu, le ministre des Finances chypriote et le gouverneur de la
banque centrale de l'île (dont je rappelle le prénom est Panikos) n'ont pas d'autre choix que de laisser les
banques fermées jusqu'à nouvel ordre... Sans blague ! Il vaut
mieux car sinon nous pourrions voir en vrai ce qu’est la
matérialisation d’un risque systémique au sein de
l’euro !!
Le Figaro conclu son article en disant que « si la situation se
prolonge, le blocus monétaire peut très vite se transformer en
blocus économique. Du jamais vu dans l'Union européenne!
»
Et c’est vrai. L’Europe non seulement a organisé le
vol sur les comptes bancaires des chypriotes, mais les chypriotes opposant
une résistance aux braqueurs, l’Europe ne s’est pas
arrêtée contrairement à ce que l’on tente de nous
faire croire. Non. L’Europe organise le blocus économique de
l’un de ses membres.
Je laisse à chacun le soin de tirer les conclusions de tels
agissements de l’Europe, mais pour ma part, je constate que
l’Europe ne recule plus devant rien.
Il faut dire que les enjeux ne sont pas uniquement économiques.
Chypre représente un enjeu géostratégique, et vous avez
la preuve que l’économique n’a aucun poids lorsqu’il
s’agit de géostratégie. C’est toujours le politique
qui prime sur l’économique… et l’économie de
Chypre sera laminée si cela est nécessaire mais l’Europe
ne perdra pas Chypre ou alors au prix d’un combat de Titans.
L’Europe ne veut pas laisser Chypre sortir de l’Union pour
la voir aller se jeter dans les bras de Moscou.
Que feront les chypriotes ? Que feront les russes ?
Jusqu’où ira l’Union Européenne dans les rapports
de forces ? Si Chypre sort de l'euro, la Grèce pourtant
déjà sauvée plusieurs fois va s
'effondrer, et les élections allemandes qui sont en
septembre... loin beaucoup trop loin!
Enfin,
comment avoir confiance dans les institutions européennes alors que
ces dernières ont:
1/ demandé aux grecs d'annuler un référendum sur
l'euro ce qui est une violation de la liberté des peuples à
l'autodétermination.
2/ viré manu militari Berlusconi (élu) au profit de
Mario Monti (désigné d'office) ce qui est une violation des
choix démocratiques d'un peuple souverain fussent-ils mauvais (les
choix).
3/ demandé aux autorités chypriotes de faire mains
basses sur les comptes bancaires des gens au mépris le plus total du
principe de propriété privée ce qui constitue une
violation de ce droit.
4/ organisé le blocus économique et monétaire de
Chypre pour obtenir une obéissance totale... ce qui constitue un cas
grave d'oppression sur un peuple.
Mais c'est vrai que les gens n'ont pas de mémoire, nous oublions,
pourtant tout ce qu'il se passe désormais depuis 3 ans devrait nous
inciter à la plus grande prudence.
Je vous laisse méditer sur l'article II de la
déclaration des droits de l'Homme qui fait partie de la Constitution
française:
"Le but de toute association politique est
la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces
droits sont la liberté, la propriété, la
sûreté et la résistance à
l’oppression".
Vous constaterez que c'est l'exact inverse de ce que fait l'Europe.
L'Europe vient de signer son arrêt de mort... ou l'acte de naissance
d'une nouvelle dictature. L’histoire nous le dira.
En attendant... Vive la République et Vive la
France!
Charles SANNAT
Editorialiste et rédacteur du Contrarien
Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
http://www.lecontrarien.com/
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/03/20...e-de-chypre.php
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