J’ai déjà commis quelques billets relatifs à l’affaire Cahuzac
et à ses à-côtés pathétiques, comme les déclarations des uns et des autres par exemple. Mais
si cette (finalement classique) histoire de corruption et de gros sous est
l’occasion de montrer un peu mieux la dose massive d’hypocrisie qu’il faut
pour être politicien en général et socialiste en particulier, elle est aussi
l’occasion funeste des États de faire un vigoureux tour de vis fiscal.
Et je ne parle même pas spécifiquement de la France qui a pris quelques
longueurs d’avance en matière de tortures fiscales diverses : tous les pays
occidentaux sociaux-démocrates, ou peu s’en faut, se sont lancés dans une
course à l’échalote dont le but officiel est bel et bien de traquer l’évadé
fiscal où qu’il se cache. Petit à petit, à la faveur de fuites internationales, grâce aux subtiles rumeurs distillées par la fine fleur de
la presse française, grâce à l’implication de frétillants anus du showbizz,
on en arrive à faire comprendre à la population que les élus, les riches et
les puissants ont trop de facilité pour s’évader des prisons fiscales que nos
États nous concoctent avec amour. On réalise des sondages dont le résultat ne laisse aucun doute
: la populace veut des noms, des adresses, des numéros de comptes et
peut-être, allez savoir, des têtes à couper…
Pas difficile de convaincre ensuite des élus de se la jouer
transparente : eux, au moins, n’en croquent pas et patati, patata, c’est
super ! L’opération Mains Propres est lancée dans une fanfare dont le bruit
camoufle à peine la vaste fumisterie : nos élus ne montreront que ce qu’ils
veulent vraiment montrer. Un compte caché, par définition, doit l’être
suffisamment pour résister à cette auto-distribution de diplôme moraliné. On est ici dans le happening fiscal joyeux, que
seuls quelques naïfs considéreront à leur valeur faciale, les autres
comprenant que ces manœuvres ont un but bien moins louable ; d’ailleurs, ces
déclarations (ou celles de revenus) ne feront qu’attiser une certaine
jalousie (ou un sain retour à la lucidité) de ces Français qui cotisent,
abondent au système, sont taxés et ponctionnés à qui mieux-mieux et
n’arrivent pas à ramasser plus d’un quart ou d’un cinquième des sommes que
ces élus nous étalent si généreusement dans la presse.
Le jeu, on le comprend, doit en valoir la chandelle pour que nos parangons
de vertu auto-déclarés prennent ainsi le risque de dévoiler ce qu’ils sont
vraiment (des parvenus du premier centile) et risquer d’encourir la colère de
la foule. À bien y réfléchir, oui, cette opération est aussi médiatique que
fiscale !
En effet, le socialisme et le collectivisme se nourrissent de cette
jalousie qu’ils vont ainsi attiser. Le fisc est le bras armé (pas de la
justice, ça se saurait depuis le temps) de cette jalousie puisqu’il permet
d’aller piocher dans la poche de ceux qu’on aura désignés comme riches pour
distribuer dans la poche d’autres qu’on aura désignés comme pauvres. Que les
riches soient vraiment riches ou pas, peu importe. Que les pauvres
nécessitent la distribution, peu importe aussi. Ici, on parle bien
d’apaiser une pulsion, rien d’autre.
Or, un évadé de l’enfer fiscal, c’est un type qui se soustrait à cette
vengeance collectiviste, qui montre qu’il place sa propriété, son bien, son
travail, sa famille, avant la collectivité et refuse le jeu imposé
par ces jaloux. Et qu’y a-t-il de pire qu’un jaloux trompé ? Les réactions
des socialauds scandalisées, les larmes presque
sanguines d’un pathétique Filoche, les interjections outrées d’un Torreton ou d’un Désir illustrent parfaitement cette
colère du jaloux trompé (ou, plus exactement, miment et surjouent
cette colère pour mieux plaire à leur public, le peuple des jaloux).
Un individu qui s’évade de l’enfer fiscal, c’est aussi une proie de moins
pour l’État, et, par voie de conséquence, un chemin emprunté une fois de trop
pour saper la souveraineté de cet État. Sans fisc, un État n’existe pas. Sans
redistribution, le socialisme n’est qu’un air de flutiau. Et la dernière a un
besoin impérieux du premier pour exister. Un évadé fiscal, c’est un coup de
chignole dans les murs porteurs de l’État. Vu l’attachement gluant des
socialistes à l’État, on comprend pourquoi ils ne peuvent surtout pas laisser
faire.
Enfin, et plus pragmatiquement encore, un évadé fiscal, c’est – soyons
clair – du pognon qu’on ne peut plus ponctionner. C’est une ressource qui
s’en va. Dans ces temps de disette catastrophique où chaque million d’euro
est important pour calmer les bons clients de la République, on ne peut pas
se permettre de laisser les riches partir.
Pas étonnant, dès lors, que les initiatives pour lutter contre l’évasion
fiscale se multiplient, tant au niveau français qu’au niveau européen. Pas
étonnant qu’on trouve des initiatives aussi farfelues que contre-productives mais
terriblement dans l’air du temps, de déclarations volontaristes idiotes tant en France que
dans les pays qui, enfers fiscaux n’arrivant pas à s’assumer, tentent de
trouver un moyen de fermer discrètement leurs frontières bancaires.
Seulement voilà : les agitations cosmétiques de nos politiciens ne
changeront rien à l’affaire. Sur le long terme, les paradis fiscaux et
l’évasion fiscale perdureront, pour trois raisons.
D’une part, économiquement, les paradis fiscaux sont nécessaires, et apparaissent
logiquement dans le paysage fiscal mondial : ils se posent en véritable
alternative, en concurrents fiscaux des enfers socialistes qui tentent de
tout récupérer pour une société égalitaire chimérique basée sur une
redistribution que tout le monde finit par trouver odieuse d’une façon ou
d’une autre. Mieux : la concurrence fiscale est un véritable moteur de croissance pour une économie.
D’autre part, et ça, ils ne vous le diront pas, les politiciens ont un
besoin impérieux de ces paradis fiscaux. Si tant existent, c’est bien parce
que nos politiciens ont besoin d’un endroit pour stocker leurs avoirs. Et la
démonstration ridicule de blancheur à laquelle se livrent quelques gogos ou
la poignée d’hypocrites actuelle n’y changera donc absolument rien.
Mais surtout, sur le plan technique, il y aura toujours mille et une
façons d’échapper à l’impôt, et ce d’autant plus facilement que les
technologies modernes évoluent bien plus vite que les pesants mammouths
fiscaux qui entendent piocher dans votre portefeuille. Sans même évoquer la
praticité de l’or, qui permet de déplacer physiquement de grandes quantités
de valeurs dans un minimum d’espace, les récentes avancées en matières de cryptographie que j’ai évoquées dans quelques
précédents billets montrent que, petit à petit, le peuple lui-même
s’empare des transferts monétaires en s’affranchissant des contraintes
construites par les États. J’entends bien les critiques de ce système
particulier, mais n’oubliez pas la forêt pour l’arbre : l’idée même
qu’une monnaie puisse s’affranchir du système bancaire est maintenant sortie
du sac et a prouvé qu’il était possible de réaliser, effectivement, des
transferts inter-individuels sans passer par des
banques. Peut-être Bitcoin n’est-il qu’une
bulle. Peut-être n’offrira-t-il pas suffisamment d’avantages pour durer. Mais
en attendant, concrètement, des Chypriotes
ou des Argentins contournent par ce système les restrictions qui leurs
sont imposées par leurs États…
L’avenir nous dira si Bitcoin se développera.
L’intérêt que portent de plus en plus les médias et les politiciens à ce
système semblent cependant lui donner, par réaction,
une certaine légitimité. En revanche, une chose est absolument certaine :
c’est toujours très mauvais signe quand les États sortent les muscles,
particulièrement fiscaux. Cela n’annonce jamais des lendemains qui chantent. La
répression fiscale n’a jamais, dans toute l’histoire de l’humanité, résolu de
problèmes, n’a jamais permis de sauver des États surendettés en putréfaction
avancée.
En revanche, cela a toujours accru le malheur des peuples et régulièrement
précipité les bouleversements de régimes.