Introduction
Dans cet article, j’aborderai la question du récent
effondrement du prix de l’or, ce qui a généré une hausse substantielle de la
demande en or physique. Cela pourrait accélérer l’arrivée du désastre
financier et systémique - pour les banques centrales aussi bien que les
banques commerciales - qui décante maintenant depuis un moment. Pour
comprendre pourquoi, nous devons d’abord déterminer leur rôle sur le marché
des métaux précieux et déterminer les quantités d’or représentées par la
propriété d’or physique tout en remettant la psychologie des investisseurs
dans son contexte.
Dans l’Ouest (ce qui dans cet article signifie
majoritairement l’Amérique du Nord et l’Europe), la communauté financière
perçoit l’or comme un investissement. En revanche, la part du pool global de
l’or, que GoldMoney estime à environ 160.000 tonnes de métal, détenu par les
investisseurs Occidentaux est extrêmement limitée. La psychologie des
investisseurs, qui est responsable d’une partie de la demande Occidentale en
métal physique, est également très en marge des objectifs de ceux qui
accumulent des métaux précieux en raison de leur adhérence aux théories
économiques néoclassiques modernes.
Ces théories économiques, couplées aux analyses
d’investissement modernes, lorsqu’elles sont appliquées au prix de l’or
physique, ont toujours manqué de comprendre le désir qu’ont les Humains de se
protéger contre l’instabilité monétaire. En conséquence, le prix du métal
physique a pendant longtemps été supprimé sur les marchés des capitaux afin
qu’il soit toujours inférieur à son niveau naturel déterminé par l’offre et
la demande. Notez également que la valeur qu’accordent les accumulateurs de métal
Occidentaux n’est pas aussi importante que celle que lui accordent les
investisseurs en métal physique des autres régions du monde, notamment en
Asie.
Ces tensions, si elles venaient à persister,
pourraient éventuellement contribuer à la destruction des devises papier.
La possession
d’or
La quantité de métal physique qui soutient les
marchés, déterminée par les investisseurs, n’est statistiquement pas
enregistrée, mais nous pouvons illustrer son importance par rapport au stock
global en observant la crise pétrolière du milieu des années 1970. En 1974,
le stock d’or global était supposé être deux fois moins important
qu’aujourd’hui, avec environ 80.000 tonnes. L’or monétaire représentait alors
37.000 tonnes, nous laissant donc 43.000 tonnes de métal non-monétaire,
pièces et bijoux. Imaginons donc, en nous basant sur la distribution de
richesses globale, que deux tiers de cet or était alors détenu par une
minorité de la population Occidentale – soit 30.000 tonnes de métal.
Ce chiffre a probablement gonflé avant le début des
années 1980, alors que de nombreux investisseurs se tournaient vers les
pièces d’or et les actions minières en raison de l’apparition d’un marché
haussier de l’or et de la peur générale de l’inflation. La demande en barres
d’or a été alimentée par l’accumulation rapide de dollars par les nations
exportatrices de pétrole ainsi que certains investisseurs fortunés au travers
des marchés de Suisse et de Londres.
La forte hausse des taux d’intérêts sous l’ère
Volcker, le déclin subséquent de la menace d’inflation et l’apparition du
marché baissier de l’or ont immédiatement mené à une diminution de la
possession d’or par les investisseurs Occidentaux. La Suisse et les banques
privées, qui ont alors décidé d’employer une nouvelle génération de gestionnaires
de fonds et de conseillers en investissement adeptes des théories modernes de
constitution de portefeuille, ont commencé à vendre de l’or à leurs clients
en 1980, ce qui fait qu’il n’en restait que très peu de disponible quand vint
l’année 2000. Vers la fin du marché baissier de l’or, le secteur de la
bijouterie a remplacé les autres sources d’or physique en Occident, bien que
son offre se soit révélée insuffisante pour compenser la liquidation des plus
gros portefeuilles.
Avant 2000, la propriété d’or non-monétaire des
Occidentaux avait souffert de la sévère attrition d’un marché baissier long
de vingt ans et de la réduction des prévisions d’inflation. Les portefeuilles
d’investissement, qui étaient généralement exposés à l’or à hauteur de 10 à
14% il y a 40 ans, n’y sont quasiment plus exposés aujourd’hui. Puisque la
consommation de bijoux en Europe et en Amérique du Nord ne représentait à
l’époque que 400 à 750 tonnes de métal par an, en l’an 2000, la possession
d’or y était très certainement bien inférieure à son niveau de 1974, que nous
avons estimé à 30.000 tonnes. Bien que le stock d’or total ait été de 128.000
tonnes en 2000, l’élimination des placements en or des portefeuilles
d’investissement ont laissé les propriétaires d’or Occidentaux avec peut-être
un tout petit peu plus que leur accumulation de bijoux et de pièces. La
propriété de barres d’or était à l’époque très limitée.
Depuis 2000, la demande de pays tels que l’Inde, et
plus récemment la Chine, a fortement augmenté, supportant l’idée que l’or
continue d’être accumulé à un rythme accéléré entre des mains
non-Occidentales.
Les marchés physiques Occidentaux se trouvent depuis
un certain temps à l’orée d’une crise de disponibilité de métal physique.
Depuis 2000, une majeure partie de la demande Occidentale en or physique a pu
être satisfaite par le recyclage de débris d’or en provenance de l’Occident,
ce qui suggère que la propriété d’or dans cette région du monde n’a que très
peu augmenté avant la crise bancaire malgré une multiplication par trois du
prix du métal. La disparité entre la demande en or Occidentale et celle du
reste du monde continue de s’élargir à mesure que la communauté des
gestionnaires d’investissements des pays de l’Ouest découragent l’achat d’or.
En conséquence, la quasi-totalité de la production
minière et des réserves d’or des banques centrales Occidentales a été
absorbée par des acheteurs non-Occidentaux et leurs banques centrales. Bien
que la crise bancaire se soit avérée être une période de rattrapage pour
l’Occident en matière d’investissement sur l’or, comme le prouvent les ventes
d’ETF et de pièces ainsi que les décisions prises par certaines institutions,
la demande occidentale est toujours minime par rapport à celle du reste du
monde. Il est donc raisonnable de dire que seule une très petite part du
stock total d’or non-monétaire est aujourd’hui entre les mains d’occidentaux.
Tant que la migration de l’or d’Ouest en Est se poursuivra, les quantités
d’or disponibles diminueront, et les marchés à termes finiront par ne plus
pouvoir fonctionner correctement. Et c’est peut-être là que nous en sommes
aujourd’hui, à en juger par les récentes tentatives d’en faire s’effondrer le
prix.
Cette évaluation grossière a bien entendu des
implications importantes pour la stabilité de prix, élément essentiel pour
que les banques commerciales puissent opérer sur les marchés papiers ainsi que
pour les banques centrales qui doivent maintenir la confiance envers leurs
devises papier.
A suivre