Après le scandale du LIBOR, celui de l’ISDAfix ? Il ne s’agit plus cette fois du taux interbancaire, mais du taux de référence pour les swaps de taux d’intérêt. On estime que l’ISDAfix intervient dans un marché de 380.000 milliards de dollars, soit un montant comparable à celui du LIBOR. Et lui aussi serait manipulé ! La Commodity Futures Trading Commission (CFTC) vient de lancer une enquête.
Il faut dire que le mode de fixation de ces taux est identique : quelques banques, les plus grandes, disent ce qu’elles veulent bien dire, et le taux est fixé pour tout le monde ! Ces banques disposent donc d’un avantage indéniable, d’une avance sur le marché, de la possibilité de s’entendre, ou de masquer leurs difficultés en sous-estimant les chiffres.
Cependant, ne l’oublions pas, le plus grand manipulateur du taux d’intérêt… ce sont les banques centrales ! Avec leur "politique monétaire", elles fixent toujours au plus bas leurs taux directeurs, soi-disant pour soutenir l’économie et encourager le crédit, avec les résultats que l’on sait, c'est-à-dire nuls. Si les banques centrales s’abstenaient de toute intervention, les taux d’intérêt seraient nettement plus élevés.
Quoi qu’il en soit, ces taux ne traduisent pas la réalité du marché, l’état réel du secteur financier et de l’économie. Le "prix du temps", ou le coût du capital, constitue pourtant une variable fondamentale pour l’ensemble des acteurs économiques, en conséquence toutes leurs décisions sont affectées d’un biais.
Et ce qui disparaît ainsi dans ces taux manipulés, c’est la prime de risque. Le banquier central ne doit surtout pas reconnaitre que son Etat a du mal à financer son déficit budgétaire, ou que son système bancaire est mal en point. Le trader ne doit surtout pas avouer que sa banque a du mal à se refinancer, il communiquera alors un taux interbancaire plus bas que la réalité, contribuant ainsi à un LIBOR inférieur à ce qu’il devrait être.
Mais éliminer la prime de risque ne fait pas disparaître le risque comme par enchantement, bien sûr. Il se diffuse ailleurs (dans le bilan de la banque centrale, dans la bulle obligataire, et Dieu sait où). Il se répand sans être clairement identifié, tandis que les emprunteurs et les investisseurs croient qu’il a disparu. Un tragique malentendu qui débouche sur des bulles, et plus tard sur une crise plus grave.
Cette manipulation des taux va de pair avec la planche à billets, il s’agit de travestir la réalité, de faire croire que tout va bien, de former de bonnes anticipations chez les décideurs, d’avoir un marché boursier haussier en espérant finalement que la croissance réapparaisse. Mais ce mensonge ne dure qu’un temps, avant que la crise revienne, plus violente.