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L'INSEE estime
à 10,2 % en moyenne le taux de chômage au sens du BIT en France
métropolitaine au dernier trimestre 2012. Cela représente une
hausse de 0,8 % sur un an. Des chiffres plus optimistes qu'il n'en ont l'air,
puisqu'ils ne tiennent compte que des chômeurs de catégorie A,
à savoir les personnes sans emploi tenues de faire des
« actes positifs de recherche d'emploi ». Si on
comptabilise les 4 autres catégories comme le fait Pôle Emploi,
à savoir les stages, contrats aidés et autres formations (pour
ne citer que ces trois exemples), le taux de chômage atteindrait 19 %
au mois de mars 2013.
L'heure n'est
donc pas à l'optimisme. Les lieux communs sur le chômage
volontaire ont, en revanche, de beaux jours devant eux. C'est le sujet de
cette série d'articles sur la perception des chômeurs dans notre
société et l'idée que les Français se font de
leur modèle social.
Qu'appelle-t-on
« chômage volontaire » ?
Avant d'être
un lieu commun, l'idée du chômage volontaire est une
théorie. Pour les tenants du libéralisme, le chômeur
volontaire est la personne qui, pour certaines raisons, juge plus avantageux
de rester sans emploi que d'accepter l'offre qui lui est faite. Sur un
marché du travail où le niveau général des
salaires est déterminé par la libre confrontation de l'offre et
de la demande – et non fixé par l'État – la
théorie du chômage volontaire permet d'expliquer pourquoi
l'ordre spontané du marché échoue à
réaliser le plein emploi, le chômage involontaire étant
quant à lui regardé comme une exception plutôt que comme
la règle.
En d'autres
termes, le chômeur est présumé responsable de sa
situation. Le salaire qu'on lui propose étant « trop
bas », la mission « trop
dégradante », les horaires « trop
contraignants », il préfère rester au chômage,
estimant à tort ou à raison que prendre un emploi serait pour
lui plus coûteux qu'avantageux. Et il faut le rappeler :
l'école libérale ne condamne pas plus ce type d'arbitrage
qu'elle ne montre du doigt le refus d'embaucher un candidat en raison de ses
compétences ou de ses prétentions salariales.
L'État-providence
à l'épreuve du chômage
Naturellement,
le lieu commun est moins subtil que la théorie : quand on
évoque le chômage volontaire, c'est moins souvent pour saluer la
rationalité du demandeur d'emploi que pour dénoncer le
parasitisme. Car aujourd'hui, en France, le chômage a un coût.
Sécurité sociale oblige, un chômeur qui refuse un travail
représente une charge pour le reste de la société. Une
charge non négligeable, puisque selon les prévisions de l'Unédic, qui ne sont pas toujours fiables mais qui
ont le mérite de donner un ordre de grandeur, les dépenses
d'assurance chômage pourraient passer de 33,4 milliards d'euros en 2011
à plus de 38 milliards en 2013. La dette de l'Assurance chômage
atteindrait alors 18,6 milliards d'euros, contre 11 milliards en 2011. C’est
le prix à payer pour indemniser 2,3 millions de chômeurs.
Les
libéraux se sont longuement penchés sur ce problème du
chômage et de son indemnisation. Leur position est claire : le
chômage a pour causes principales, d'une part, le salaire minimum (en
France, le SMIC à 9,43 euros brut de l'heure), qui exclut du
marché les demandeurs d'emploi prêts à travailler pour un
salaire moindre ; d'autre part, les allocations chômage et les
minima sociaux, qui rendent le chômage moins coûteux par rapport
au travail et dissuadent donc les chômeurs de prendre ou même de
chercher un emploi.
Ainsi le
chômage volontaire n'est-il plus la cause du sous-emploi, mais le
symptôme d'une politique économique inefficace. C'est pourquoi
les critiques libérales visent en priorité non pas le
chômeur, mais les lois, les mesures, et les règlementations qui
font du chômage volontaire une stratégie rationnelle, et en fin
de compte légitime, pour l'individu.
Malheureusement,
la plupart des Français qui dénoncent le chômage
volontaire ne s'embarrassent pas de telles considérations. S'ils
condamnent l'assistanat et s'inquiètent du « trou de la
sécu » (13,3 milliards d'euros en 2012), ils
défendent l'État-providence et la République
« sociale » (article 1er de la Constitution).
Pareillement, l'hostilité des Français aux hausses
d'impôts (les prélèvements obligatoires
représentent 46,3 % cette année, contre 44,9 % en 2012) n'a
d'égal que leur attachement au « modèle
social » justifiant ces prélèvements.
La
société française déplore un mal dont elle
chérit les causes. En invoquant le travail comme valeur, elle exige
des chômeurs un degré de vertu et de responsabilité dont
les « honnêtes travailleurs » sont pour la
plupart incapables dans la vie quotidienne. Et comme nous le verrons dans les
prochains articles, cette vision du chômage traduit moins la candeur
d'un raisonnement que l'hypocrisie d'un système aux abois.
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