Le
gouvernement affiche avec fierté ses 895 000 auto-entrepreneurs. Dans
le même temps, il est pourtant question de raboter le statut qui leur
est dédié. En raisonnant sur des chiffres peu significatifs, le
gouvernement actuel s’apprête à tuer l’initiative
individuelle dans l’œuf.
Car le chiffre
de 895 000 est un peu comme le village Potemkine. Il n’y a pas
grand-chose derrière le décor. Sous l’analyse des
chiffres, l’ampleur de l’auto-entrepreneuriat se
révèle bien plus modeste.
Car le vrai
nombre des auto-entrepreneurs est en fait de 51 164. C’est 94% de moins
que le chiffre affiché par le gouvernement. Il s’agit de ceux
qui, sous ce statut, gagnent au moins un smic, une fois les taxes payées
à l’État.
Comment
arrive-t-on à un tel chiffre ? Il suffit de poser la bonne question,
celle qui importe quand on se
lance de l’entrepreneuriat : vais-je faire de l’argent ?
N’en déplaise aux collectivistes, si l’on se lance dans
une affaire, c’est bien pour faire de l’argent, pas pour payer
des taxes, ni pour financer le modèle social français.
La question
est donc de savoir si les auto-entrepreneurs font de l’argent. Annoncer, comme le fait le
gouvernement, que les auto-entrepreneurs dans leur ensemble ont
généré 1 460 milliards d’euros en 2012 ne veut pas
dire grand-chose. Il faut regarder le détail.
Tout
d’abord, 51,2% des auto-entrepreneurs ne font tout simplement pas
d’argent, à savoir pas même un centime d’euro. Le
chiffre de 895 000 auto-entrepreneurs ne signifie donc rien
économiquement.
Plus
significatifs sont les 48,8%, c’est-à-dire les 409 764
auto-entrepreneurs supposés faire un chiffre d’affaires. Selon
l’Agence centrale des
organismes de Sécurité sociale (Acoss)
qui délivre ces statistiques, les auto-entrepreneurs génèrent
en moyenne 3 500 euros par trimestre. Cela ferait environ 14 000 euros par an
de chiffre d’affaires. Après impôt, il ne resterait que 8 200
euros dans les mains de l’auto-entrepreneur, soit 700 euros par mois.
C’est certes un complément de salaire, mais pas un moyen de
subsistance. Il faut donc à ce stade affiner l’analyse pour
savoir qui peut réellement vivre du statut d’auto-entrepreneur.
Seuls 51 164
auto-entrepreneurs, soit 6,1% du nombre initialement affiché, ont fait
un chiffre d’affaire supérieur à 7 500 euros au
4ème trimestre 2012. Après impôt, ils dégagent un
revenu à peine supérieur au smic. Les meilleurs arrivent sans
doute à atteindre les 2 000 euros par mois. Il n’y a pas de quoi
faire rêver ni crier victoire. Reste qu’il est possible de vivre
avec un tel revenu et que s’ils ne sont pas nombreux à
l’obtenir, c’est mieux que rien.
Or, tout en
claironnant des chiffres enflés qui ne signifient pas grand-chose, les
auto-entrepreneurs sont dans la ligne de mire du gouvernement, et plus
particulièrement de Sylvia Pinel, la ministre de l’artisanat.
Celle qui ne connaît rien au monde difficile de
l’entrepreneuriat, a décidé de présider à
la destruction du seul statut qui permet à des individus de se lancer
et de tester leur idée. Même si le statut n’est pas
parfait, loin s’en faut, il a quand même tenté pas loin de
1 million de français. Il a permis à 50 000 d’entre eux de
créer une activité viable. Ce n’est pas rien.
Mais la
réforme du statut d’auto-entrepreneur est en marche. Sylvia
Pinel l’a annoncé : un auto-entrepreneur qui fait 19 000 euros
de chiffre d’affaires deux années de suite devra passer en
statut entreprise. En langage clair, il devra payer plus de taxes. Mais 19 000
euros de chiffres d’affaire, c’est en réalité
à peine le smic après impôts. Aussi surprenant que cela
puisse paraître pour Sylvia Pinel, on ne devient pas entrepreneur pour limiter
son chiffre d’affaire à 19 000 euros ou pour payer plus
d’impôts sous le statut d’entreprise.
Ce qui risque
de se produire est simple. Tout entrepreneur qui aura un vrai business ne se
lancera pas en auto-entrepreneur. Soit il rangera son idée business
aux oubliettes, soit, plus probablement, il ira faire son business ailleurs.
Mais au final, nous assistons à la destruction du peu d’esprit
d’entreprise qui restait en France. C’est ainsi que les poussins sont
tués dans l’œuf…
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