Un nouvel « haircut » en Grèce avant la fin
de l’année serait à l’étude. La Banque
centrale européenne (BCE) fait pression sur la Cour constitutionnelle
allemande pour que cette dernière ne déclare pas
illégaux ses achats d’obligations souveraines. Un ministre
français déclare que le président sortant de la
Commission européenne fait le jeu du fascisme.
Toutes ces questions tournent autour de celle des dettes publiques
européennes.
Je pourrais évoquer les
complications politiques de la future décote grecque, les
détails complexes du droit constitutionnel allemand ou la santé
du ministre français.
Mais pas aujourd’hui.
Car quand le problème est
complexe, quand les solutions sont insaisissables, il est bon de prendre du
recul et de jeter un regard détaché sur l’ensemble de la
situation.
Or que constate-t-on au sujet de
ces trois questions du jour ? Qu’elles ont bel et bien un
dénominateur commun, à savoir celui de répondre aux problèmes
économiques structurels par
des politiques monétaires. Or, force est de constater que la potion
semble inefficace.
Les trois faiblesses structurelles du Japon
Prenons un exemple : le Japon
et l’Abenomics. La stratégie mise en
place par le Premier ministre japonais Shinzo Abe vise
à inonder les marchés avec de la monnaie fraîchement créée
par la banque centrale. L’idée est de créer de
l’inflation, de déprécier le yen et de donner ainsi un coup de fouet aux
exportations nippones. L’Abenomics est sans
doute la manifestation la plus extrême de cette foi en la politique monétaire.
Malgré le succès de
court terme que représente une croissance économique améliorée
au premier trimestre 2013, cette politique est condamnée à échouer.
Pourquoi ?
Parce que l’Abenomics essaie de guérir l’économie
japonaise de ses faiblesses structurelles en employant un outil
inadapté : la politique monétaire.
Le Japon possède au moins
trois problèmes structurels.
Le premier est l'héritage écrasant
de plus de deux décennies de programmes de relance budgétaire. En
tentant artificiellement de relancer l'économie après
l'éclatement de la bulle immobilière et boursière de
1991, les gouvernements japonais successifs ont mis en place des politiques
de relance. Elles laissent derrière elles des infrastructures
publiques grotesquement surdimensionnées et une dette publique
gigantesque.
Le deuxième problème
est son choc démographique imminent. Le Japon a déjà la population
la plus âgée du monde mais en raison de l’allongement de
la longévité, de la fécondité
modérée et de son immigration minimale, la population japonaise
va diminuer. Elle devrait passer de 128 millions d’habitants aujourd'hui
à 87 millions en 2060. Sur la même période, la population
en âge de travailler va diminuer de moitié.
Le troisième
problème structurel japonais est son marché du travail
très réglementé, ce qui a entraîné une
hausse des coûts salariaux unitaires. Il est difficile pour les
entreprises du pays de se restructurer car licencier est très coûteux.
La dette publique, la
démographie et l'économie inflexible : ces trois
problèmes sont structurels. Les résoudre supposerait des réformes
sérieuses, des sacrifices et un certain courage politique. Au lieu de cela, l’Abenomics part du
principe que la politique monétaire est le remède miracle
à la crise.
La politique monétaire ne
peut apporter qu’un soulagement temporaire. Elle s'apparente au
traitement d’un cancer avec des analgésiques. Bien que le
patient puisse se sentir mieux, le médicament ne fait rien pour
s'attaquer à la maladie elle-même.
La crise des dettes publiques de la zone euro révèle aussi
les faiblesses structurelles du continent
Même chose en Europe. À
la racine de la crise européenne, on trouve des problèmes
structurels, dont un grand nombre sont comparables à ceux du Japon.
L’État est devenu trop écrasant et trop endetté. La
transition démographique de la société européenne
est déjà enclenchée. La surrèglementation de
l'économie handicape la compétitivité globale du
continent.
L'euro, une sorte de
système de taux de change fixes, a cruellement mis en évidence
ces faiblesses européennes. La réponse des autorités a ici
aussi été monétaire. Grâce à des plans
ingénieux, la BCE a tenté de mettre les États membres de
la zone euro sous respiration artificielle en les aidants à refinancer
leur dette. Ce faisant, la résolution des vrais problèmes structurels
européens n’a pas commencé.
La planche à billets ne peut pas se substituer aux
réformes structurelles
En prenant du recul, il est
aisé de voir qu’une grande partie de la crise actuelle est
causée par des problèmes économiques structurels. Mais
le principal moyen de les traiter a été de jouer sur la
politique monétaire. Et on peut se demander si les politiques
monétaires laxistes du passé ne sont pas devenues à leur
tour l'une des causes profondes des nombreux problèmes que nous
observons aujourd'hui.
Les décideurs politiques finiront-ils
par se rendre compte que la planche à billets n'est pas un substitut
pour une politique de réformes
structurelles ? Dans quel
état vont-ils laisser l’économie mondiale ? Et quel
sera l’ordre monétaire de demain ?
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