Ludwig von
Mises a mis le doigt sur quelque chose d’important en écrivant ceci :
‘Lorsque nous appelons une société capitaliste une démocratie des
consommateurs, nous affirmons que le pouvoir de disposer des moyens de
production, qui appartient aux entrepreneurs et aux capitalistes, ne peut
être acquis que par le biais du vote des consommateurs qui se tient chaque
jour sur le marché’.
William H.
Peterson, avec qui j’ai eu l’honneur de pouvoir communiquer, a développé
ce principe dans un certain nombre de ses articles.
Cette idée de démocratie des
consommateurs, ou encore de marché, est toutefois trop limitée. Elle a besoin
d’être extraite de la sphère économique et d’être appliquée à la sphère
socio-politico-légale. Afin de rendre cela possible, nous avons besoin d’en
extraire l’essence. La caractéristique première d’une démocratie de marché
est que chaque personne choisit chaque jour ce qu’elle consomme, ce qui
permet l’équilibre avec ce que produisent les entrepreneurs. Il nous faut
également prendre en compte les produits associés aux systèmes
socio-politico-légaux. Je ne les mentionnerai pas, parce que la démocratie
personnelle les perçoit comme les objets de choix susceptibles de varier en
fonction des individus. Certains peuvent les appréhender comme étant des
arrangement qui ont quelque chose à voir avec les règles et la loi ou encore
avec une adjudication couvrant une série de comportements interpersonnels, et
d’autres comme impliquant des produits spécifiques ayant un lien avec la
sécurité, la protection et la défense.
Tentez maintenant d’étendre ce
choix personnel à celui des systèmes légal, social et de gouvernement.
Imaginez qu’il soit possible pour un individu de choisir son système
socio-politico-légal. C’est ce pouvoir qui représente l’équilibrage ultime,
d’une magnitude plus importante encore que la machinerie gouvernementale
arrangée par les législateurs et qui, nous le savons aujourd’hui, est
sérieusement défective.
Si toute personne avait le
droit d’entrer et de sortir d’un système socio-politico-légal, alors un
système qui ne satisferait pas ceux qui y adhèrent finirait par les perdre.
Un système qui satisferait aux besoins de ses adhérents les pousserait à
rester et en attirerait peut-être plus. Le pouvoir et les limites
territoriales cesseraient d’être le critère par lequel ceux qui fournissent
des services à un système attirent de nouveaux adhérents. Les décisions
personnelles de chacun contribueraient à la formation du système. Chacun
pourrait choisir entre une série de systèmes socio-politico-légaux.
Notre pensée est contenue par les
termes liés aux gouvernements monopolistiques d’aujourd’hui. En raison de ce
vocabulaire limité, le terme qui se rapproche le plus de cette idée de
pouvoir entrer ou quitter un système socio-politico-légal est ‘sécession
personnelle’. Les Etats monopolistiques sont typiquement opposés à une
subdivision en de plus petites unités politiques, c’est pourquoi nous voyons
parfois éclater des guerres civiles, mais il existe des circonstances en
lesquelles de telles ruptures peuvent être opérées dans un climat de paix. Le
monde a reconnu, formellement ou non, le droit des gens de faire sécession
sous certaines conditions imposées par l’Etat.
Le principe de sécession
personnelle va aussi loin que le concept de sécession puisse aller. Il prend
en compte le droit de tout un chacun de sélectionner une société, un système
légal et un arrangement politique qui lui conviennent sans pour autant faire
partie d’un collectif que nous appelons le ‘peuple’, bien que ce soit une
possibilité.
La démocratie personnelle peut
être définie en reprenant les termes de Mises. ‘’Lorsque nous appelons une
société une démocratie personnelle, nous affirmons que le pouvoir de fournir
des systèmes légal, social et politique, qui appartiennent aux entrepreneurs
et aux capitalistes, ne peut être acquis que par le choix personnel de leurs
adhérents à des intervalles consenties’.
La motivation immédiate de ce
principe de ‘panarchie’, qui est connectée à des
idées passées, peut être illustrée par les lois anti-terroristes récemment
mises en place par le gouvernement des Etats-Unis. Elles sont imposées sur
tous et apparaissent comme draconiennes, coûteuses, insensées, cruelles et
discriminatoires.
Les lois anti-terroristes sont
un exemple du processus par lequel les élus font et imposent les lois. Un
citoyen a le droit de se prononcer contre ce problème et de voter ou non pour
une série de candidats. Un citoyen a le droit de se présenter aux élections,
de déménager dans un autre état ou pays. C’est une partie de ce que signifie
aujourd’hui le terme démocratie. Mais ces principes sont très éloignés de la
démocratie personnelle.
Ici encore, nos idées sont
restreintes par notre vocabulaire. La démocratie d’aujourd’hui est une
démocratie qualifiée. Appelons-la une démocratie d’Etat. Elle est une
démocratie entièrement liée au principe qu’un Etat seul puisse représenter
une unique unité politique souveraine. Les droits mentionnés ci-dessus ont à
voir avec les citoyens d’un Etat et du système politique qui y est lié. Un
citoyen n’est pas une personne libre de ses choix dans un système
socio-politico-légal. Il dispose de droits limités par l’Etat, qu’il le
veuille ou non.
Tous les discours sur la
liberté, la démocratie et la diffusion de la démocratie à travers le monde et
la rhétorique autour de la supériorité du système Américain font référence à
la démocratie d’Etat. C’est une erreur conceptuelle que de confondre
démocratie avec démocratie d’Etat. Pour nous en rendre compte, il nous faut
noter que la démocratie d’Etat est l’opposé de la démocratie personnelle. La
démocratie d’Etat est un monopole imposé à l’intérieur de frontières
territoriales qui ne permet qu’un choix très limité de système
socio-politico-légal. C’est la démocratie, au travers du vote et de certaines
lois, qui offre à chaque personne son pouvoir. La
démocratie personnelle est définie par le droit de tout un chacun de choisir
un système socio-politico-légal sans frontières territoriales. C’est un choix
individuel qui n’est pas limité par un vote au sein d’un système ou par tout
autre droit qui accompagne une démocratie d’Etat. Le choix revient à la
décision de participer, de dépenser des ressources et d’accepter des
ressources de manière volontaire. L’élément commun de ces deux concepts
démocratiques est celui du choix individuel. Dans une démocratie d’Etat, ce
choix est contenu par des frontières qui vont au-delà du choix individuel.
Dans une démocratie personnelle, ce choix est plus large, similaire à celui
dont une personne dispose sur le marché libre.
Le modèle et le contenu du
paysage social, politique et légal qui en découle est le résultat de tous
ceux qui agissent en tant que clients ou adhérents, acheteurs ou demandeurs,
comme sur un marché. Il n’est ni prédéterminé ni imposé, au contraire de ce
qu’il se passe dans une démocratie d’Etat. Aucun système de vote politique
n’est imposé. Aucune Constitution n’est imposée. Aucunes frontières ne sont
imposées. Aucune nationalité n’est imposée. Une personne choisit de joindre
ou de ne pas joindre un système, et c’est là la caractéristique essentielle
de la démocratie personnelle.
Si un groupe de personnes
désire vivre dans une société qui punit d’une peine de 50 ans
d’emprisonnement le fait de tirer à l’arme à feu sur un véhicule, il pourrait
le faire grâce au principe de démocratie personnelle. Il devrait vivre avec
les coûts et les bénéfices d’une telle loi. Il ne pourrait pas l’imposer à
ceux qui n’y adhèrent pas. De la même manière, si un groupe de personnes
désirait vivre au sein d’un système qui requiert la restauration de la
propriété endommagée comme punition pour un tel acte, il pourrait le faire,
et devrait vivre avec les coûts et les bénéfices de cette loi.
Puisque la communication est
ce qu’elle est, et que le droit de choisir de souscrire ou non se verrait
offert à tous, les systèmes entreraient en compétition. Des équilibrages
seraient forcés par le principe de démocratie personnelle. Il y aurait des
essais et des erreurs, mais puisque les gens seraient libres de souscrire ou
non, ils pourraient bénéficier de la compétition en en tirant des leçons.
La démocratie d’Etat est basée
sur le principe de la souveraineté d’Etat. Le pouvoir de l’Etat prévaut. Les
citoyens sont associés à cette souveraineté. Peu importe la base de cette
souveraineté, rien ne peut entraver son chemin lorsqu’une loi est formulée,
acceptée et mise en application. Aucun équilibrage n’est fait depuis
l’extérieur. Les citoyens ne peuvent qu’utiliser leur droit limité qu’est
celui de protester, de voter, de déménager et de se présenter aux élections.
La démocratie d’Etat est une démocratie limitée, une démocratie
monopolistique.
Ce qui motive les citoyens des
démocraties d’Etat est de prendre le contrôle de la machinerie
gouvernementale et de l’utiliser en leur avantage en formant des coalitions
capables de faire imposer des lois dont tout le monde veut. Voilà qui résume
l’histoire du gouvernement des Etats-Unis et des autres démocraties qui y
ressemblent, et la raison pour laquelle leurs torts s’aggravent avec le temps
jusqu’à ce qu’ils effleurent la catastrophe et que tout recommence une
nouvelle fois à zéro.
La démocratie personnelle
ouvre le système fermé qu’est celui de la démocratie d’Etat. Ce qui motive
les gens au sein d’un tel système est le droit de pouvoir choisir ce qu’ils
considèrent être juste. Il n’y a aucun moyen de prendre un gouvernement au
détriment de ceux qui y adhèrent. Ils se contenteraient simplement de cesser
d’y adhérer.
Il est impossible de prédire
ce qui pourrait rendre un système satisfaisant. Certains éléments pourraient
rester les mêmes qu’aujourd’hui, d’autres pourraient se voir transformés. La
vie humaine et le bonheur ne peuvent pas atteindre leur apogée dans le
système actuel de démocraties d’Etat. Viendra un jour ou nous rejetterons en
bloc la démocratie d’Etat. Nous nous mettrons à la recherche de meilleures
alternatives. La résurrection du monopole de la démocratie d’Etat sera
possible, mais pourquoi devrions-nous nous y intéresser, puisque la
conséquence pourrait en être un mélange de compromis qui ne satisferaient
personne ?
La démocratie personnelle est
ce à quoi nous devons aspirer.
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