Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
Ce qui est sûr, c’est que jamais, je dis bien jamais le suspense n’aura
été aussi haletant. Évidemment, nous en sommes au même point. Rien n’a bougé
du côté américain.
Pourtant, encore une fois, l’or baissait fortement aujourd’hui puisque «
officiellement » un accord était à portée de main. Cette fois les
républicains proposaient à Obama de repousser la limite jusqu’au 15 janvier,
histoire de se laisser un peu de temps pour négocier et… sans doute laisser
passer les fêtes de Noël avant de rejouer un nouveau psychodrame.
Pendant ce temps, les marchés boursiers montaient également en Europe dans
l’euphorie générale et la plus grande des félicités compte tenu de ces
perspectives alléchantes d’accord entre les deux camps.
Manque de chance, en fin d’après-midi boom, crac, ouille, patatras… Le
mamamouchi en chef locataire du bureau ovale a renvoyé tout ce petit monde à
ses études en leur disant « no » , ce qui, même en
anglais, est assez facile à comprendre. Non. Obama ne veut pas de cet accord,
du pistolet sur la tempe. Il veut une reddition sans concession de l’ennemi
en rase campagne et sans doute leur faire signer un armistice plein de
déshonneur. Autant dire que ce soir, nous ne prenons pas le chemin d’un
accord, y compris de dernière minute, et que la situation devrait commencer à
inquiéter sérieusement les marchés.
Pourtant, les marchés poursuivent leur autisme. Pour eux, il ne PEUT pas
ne pas y avoir d’accord. Un tel défaut serait impensable.
J’ai expliqué à travers plusieurs éditos ces derniers jours pourquoi je
pensais qu’il était possible qu’un défaut soit envisagé par la classe
politique américaine et quels seraient les avantages.
Encore une fois, je ne dis pas que c’est ce qui va se produire, car
effectivement cela auraient des conséquences incalculables ou presque, mais
c’est désormais une véritable option qui doit être prise en considération.
Un défaut
américain serait un « 11 septembre économique »
Nous nous souvenons tous ce que nous faisions le 11 septembre 2001, tous,
sans exception. Cet événement a marqué l’inconscient planétaire et collectif.
Nous avons été sidérés, hébétés, surpris, choqués, effrayés et avons ressenti
à peu près toute la palette des sentiments humains possibles.
Cet événement a été un point de rupture historique. Les attentats du 11
septembre ont changé le monde considérablement. C’était un point de
basculement, un cygne noir, un événement hautement improbable qui pourtant
est arrivé.
Un défaut américain jeudi 17 octobre serait un événement de la même
ampleur, un véritable 11 septembre économique.
Les conséquences en chaîne seraient multiples. Pénuries nombreuses, ruine
des épargnants partout à travers la planète, krach boursier d’ampleur
inégalée, arrêt quasi-total du commerce mondial et de la mondialisation,
nécessité de la relocalisation, fin du modèle de croissance actuel si tant
est qu’il nous permette de faire réellement de la croissance, augmentation du
chômage dans des proportions jamais vues dans l’histoire, repli national de
chaque pays sur soi, exacerbation des tensions… Voilà ce que pourrait être un
monde post-17 octobre.
Comme pour le 11 septembre, les choses basculent néanmoins avec une
certaine forme de lenteur. Il s’agit de mouvements historiques qui, bien
qu’initié par un point de rupture violent, rapide, et surprenant, prennent
des années.
Entre le 11 septembre 2001 et l’attaque de l’Irak par les USA, il faudra
attendre presque deux ans puisque les USA vont en Irak en 2003. Les
conséquences de tels événements sont donc extrêmement durables.
C’est pour les raisons que je viens de vous exprimer ici que personne ne
croit à l’hypothèse qu’il n’y ait pas d’accord et que bien évidemment la «
raison » l’emportera au dernier moment, à minuit moins une.
Mais si ce n’était pas le cas, nous vivrons alors un événement majeur, qui
changera le monde et le système économique à jamais, les rapports de forces
et la géopolitique.
La dette
américaine est le dollar et la dette est le dollar !
Pour bien saisir la gravité de la situation, il faut bien comprendre la
relation étroite entre la monnaie le dollar et la dette américaine.
La dette US est libellée… en dollar. Cela signifie que le montant de la
dette impacte directement le montant de dollars en circulation. Lorsque les
investisseurs achètent de la dette américaine, il faut d’abord qu’ils
achètent des dollars. Inversement lorsqu’ils vendent de la dette, ils vendent
des dollars. Il y a une opération de change sauf si les investisseurs
conservent leurs dollars par exemple pour acheter du pétrole !
Si les investisseurs se débarrassent brutalement de la dette des
États-Unis, alors cela reviendra à se débarrasser du dollar. Le dollar
chutera alors considérablement, déstabilisant l’ensemble du monde dans la
mesure où le dollar est LA monnaie de réserve et compose plus de 60 % des
réserves de changes. Un défaut américain avéré signerait la fin et la mort de
l’économie mondiale telle que nous la connaissons.
C’est pour cela que personne ne veut y croire. Pourtant, je pense que
c’est erreur dans la mesure où le défaut américain éventuel ne serait pas
immédiat, il ne serait pas total. Il se ferait à travers un savant pilotage
de communication que vous voyez, à mon sens, déjà à l’œuvre. On entretient
l’espoir d’un accord à travers des déclarations auxquelles tout le monde
s’accroche désespérément. Ils ne feraient pas défaut totalement jeudi 17 à
15h12 très précisément… Il y aurait des échéances payées, d’autres pas. On
commencerait par couper toutes les dépenses sociales, entretenant l’espoir
que les dettes, elles, soient payées. Bref, ce serait un défaut contrôlé, piloté
entraînant un effondrement économique au ralenti, par itération et par
étapes, même si au bout du compte et au bout d’un an ou deux, le changement
aura été radical.
Il ne faut pas confondre l’événement de rupture avec ses conséquences qui
se déclinent sur plusieurs horizons de temps, le court, le moyen et le long
terme.
Les attentats du 11 septembre ont marqué notre entrée dans ce nouveau
siècle, mais il est fort probable que pour refermer définitivement le siècle
précédent nous ayons « besoin » d’un événement similaire en termes
économiques. Alors et seulement alors, vous pourrez dire que vous avez vu
finir le monde ancien.
Dette : la Maison
Blanche rejette le nouveau plan de la Chambre
Il y a eu donc tout au long de cette journée, cette succession d’informations
contradictoires, de dépêches opposées.
L’information est devenue une espèce de brouillard épais duquel émerge
régulièrement un refus. Au bout du compte, il ne reste que les désaccords.
Pourtant, l’espoir est savamment entretenu et avec une efficacité redoutable.
« La Maison Blanche a rejeté mardi le nouveau plan des républicains de la
Chambre des représentants. Elle cherche à relever in extremis le plafond de
la dette des États-Unis, l’assimilant à une demande de rançon. »
« Le président Barack Obama a dit et répété que les membres du Congrès
n’avaient pas à exiger de rançon pour assumer leurs responsabilités
fondamentales de voter un budget et de payer les factures du pays. »
Alors qu’il ne nous reste plus qu’une seule journée avant la date limite,
la situation ne semble pas avoir bougé d’un centimètre et le blocage reste
total. Mais rassurez-vous, cela n’arrivera jamais, à moins que…
Restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez-bien !!
Charles SANNAT
La dernière dépêche de l’AFP sur le blocage des négociations
aux USA