Luc Marco est professeur
à l'UFR Sciences économiques et Gestion de l'université
Paris 13, en charge du master « Gestion des entreprises et des
organisations ».
Il vient de
rééditer un classique de la gestion qui n'a plus
été réimprimé depuis 1885, du
vivant de
l'auteur. « Nos jeunes étudiants de première
année commencent leurs études en lisant presque uniquement les
auteurs anglo-saxons, alors qu'il existe de grands penseurs français
trop souvent oubliés », souligne Luc Marco dans sa
présentation. En effet, l'idée que l'entrepreneur est l'agent
principal de la production constitue l’apport central de la pensée
économique française du XIXe siècle.
Ce livre,
publié en 1855 par Courcelle-Seneuil, est
consacré aux entrepreneurs et à leurs diverses activités,
qu’elles soient aussi bien industrielles, commerciales ou encore
agricoles. L’ouvrage obtient vite un grand succès
puisqu’il sera écoulé à plus de 20 000 exemplaires
en quatre éditions sur trente ans. Ce succès explique que tous
les grands économistes de l’époque s’y soient
intéressés.
L’auteur
avait acquis une bonne plume en rédigeant nombre de notes de lecture
sur le sujet des affaires dans la célèbre revue mensuelle de
l’époque : le Journal des
économistes de l’éditeur Gilbert Guillaumin Ainsi
lorsque celui-ci entreprit la publication d'une série de petits livres
semblables destinés à faire connaître l'histoire de
l'économie politique, il chargea Courcelle-Seneuil
de rédiger le livre sur
Adam Smith. Il y exposera avec beaucoup de clarté les principes
économiques et philosophiques du célèbre auteur de la Richesse des nations.
Après
le coup d’état du 2 décembre 1851 Courcelle-Seneuil
s'expatrie au Chili pendant sept ans où il sera professeur à l'École
de droit de Santiago. Il a
été l’économiste libéral le plus influent
dans ce pays au XIXe siècle. Son Traité d’économie politique,
rédigé pendant son séjour, a aussitôt
été traduit en espagnol.
Comme le
rappelle la notice nécrologique publiée en introduction de
ce Manuel des affaires, Courcelle-Seneuil était foncièrement
libéral en politique mais plus encore en matière
économique. Il a combattu l'intervention de l'État sous toutes ses
formes dès lors qu’elle entravait la liberté sociale,
politique ou industrielle. Polémiste, il s’est opposé au
mandarinat en politique, au socialisme comme moyen d'organisation
artificielle de l'industrie et de la richesse, et au protectionnisme comme
entrave à la liberté du commerce.
Il avait lu la
plupart des ouvrages dans ce domaine de la gestion et les trouvait trop
anecdotiques ou trop descriptifs. Il souhaitait écrire un ouvrage plus
solide scientifiquement, qui serait fondé sur la théorie
économique classique et la pratique vécue des entreprises.
L’auteur était lui-même un entrepreneur. Il avait
créé une dizaine d’années auparavant une
entreprise de métallurgie. C’est donc aussi sur son
expérience de jeunesse qu’il s’appuie pour étudier
les entreprises et les affaires industrielles ou commerciales.
Il
défend dans son manuel une conception appliquée de
l'économie et une conception pratique tournée vers une nouvelle
science qu'il appelle la « science des affaires ». Selon lui,
l'économie politique ne suffit pas pour former les entrepreneurs. Pour
devenir entrepreneur, il faut des capitaux, une instruction suffisante, une capacité
de jugement importante, du goût pour le commandement, l'administration,
le risque et l'aptitude à une bonne gestion quotidienne de la firme.
L’auteur
distingue cinq fonctions importantes de l'entrepreneur moderne, soit les cinq
lois générales de l'entreprise :
·
L’administration générale
par le chef d'entreprise ;
·
L’assortiment et l'étendue des
entreprises : stratégie et structure de l'entreprise ;
·
Les lois de l'échange : gestion
commerciale par la fonction marketing qu'il pressent cinquante ans avant sa
naissance réelle ;
·
L’emploi efficient des capitaux :
gestion financière ;
·
L’emploi efficace des hommes : gestion
du personnel.
Tout en
faisant le bilan économique de soixante-dix ans de révolution
industrielle en Europe, Courcelle-Seneuil confronte
avec intelligence l’expérience française et celle de
l’Angleterre.
Le texte
principal de l’auteur est suivi par une postface de Margarita Borisova, qui est assistante au département
d’histoire de l’économie sociale à
l’Université de Sofia, Bulgarie. Elle y analyse les divers liens
intellectuels entre l’auteur et le grand économiste Léon
Walras qui fut son contemporain.
En tant que
témoignage exceptionnel de la pensée gestionnaire du XIXe
siècle, ce livre est ici proposé dans une édition
scientifique qui resitue les citations de l’auteur dans le contexte de
l’époque et donne des pistes de recherches futures. Il
intéressera ainsi les étudiants, les enseignants et les
chercheurs en management.
POSTFACE :
Léon Walras et Jean-Gustave Courcelle-Seneuil,
deux approches complémentaires pour l’entrepreneur en
Économie politique, par Margarita Borisova
Jean Gustave Courcelle-Seneuil, Manuel des affaires ou traité théorique et
pratique des entreprises industrielles, commerciales et agricoles, 5e
édition, revue et corrigée par Luc Marco, avec une notice
nécrologique de Diego Barros Arana, et une postface de Margarita Borisova,
2013, 382 p.
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