A un moment où Commentaire vient de publier, en français, un texte de
R. Solow (2012) intitulé « De Hayek à Friedman, l’idéologie du libéralisme
économique » (Commentaire, hiver 2013-14) où il a conclu par ces
mots :
« Pour un lecteur moderne sérieux, la rhétorique est sans pertinence ou,
pire, induit en erreur ou, pire encore, trompe intentionnellement » (R.
Solow, op.cit., p.911)
je ne peux que faire connaître le texte que j'avais préparé pour la réunion
du séminaire J.B. Say, le 15 janvier 2013, à l'aleps,
35 avenue Mac Mahon, Paris 17è et intitulé "Interdiction de convertibilité,
substituts de rien bancaires et comptabilité bancaire invariable" tant
il est une application du problème dénoncé.
On regrettera seulement que Solow n'ait pas appliqué à ses propres propos ce
qu'il a analysé.
"La notion de la monnaie est une des plus fondamentales en économie politique
[…]
L'idée qu'on s'en est faite a conduit
- aux formidables erreurs du système mercantile et de l'exclusivisme
commercial,
- aux altérations et spoliations de plusieurs siècles de générations,
- au papier monnaie
qui a fait tant de ruines dans le passé et
qui est encore une plaie de l'économie contemporaine"
(J. Garnier, 1864, p. 253)
Introduction
1933-2013
1. L'€uro est, à sa façon, le dernier grand paquet de réglementations du XXè siècle que des gouvernements ont imposé le 1er
janvier 1999 aux habitants d'un certain nombre de pays de l'Union européenne
(créée en 1992 par le traité dit de Maastricht).
Il ne doit pas cacher l'interdiction de convertibilité des substituts de
monnaie bancaires en monnaie or ou argent, deuxième grande réglementation du XXè siècle (décennie 1930), la première ayant été celle
qui a résulté de la conférence monétaire internationale de Gènes (1922) .
Il y a fort à parier que, sans ces réglementations antérieures, il n'aurait
pas vu le jour.
2. Il y a quatre-vingts ans, en effet, le président des Etats-Unis allait
interdire par décret aux Américains de détenir de l'or et leur retirer le
droit de convertir les « substituts de monnaie » bancaires (S.M.B.) qu'ils
détenaient en monnaie or ou argent (avril 1933).
Le gouvernement de l'Etat britannique l'avait précédé dans la voie de
l'interdiction de la conversion – inexplicable - (1931) et le gouvernement de
l'Etat de la France allait l'y suivre quelques années plus tard.
En 2013, l'économie mondiale n'est toujours pas sortie de la voie et peu de
gens en parlent comme s'il n'y avait rien à changer ou si le sujet était
tabou.
Elle y chemine même à belle allure, depuis 1999-2002, époque à laquelle des
gouvernements des Etats de l'Union européenne – au nombre desquels celui de
la France - ont (con)fusionné leur système monétaire
dans ce qu'on dénomme l' « €uro ».
3. Etant entendu que l'€uro n'a plus grande chose à voir avec ce qui avait
été convenu avant 1999-2002 , la voie pourrait bien
être quittée prochainement.
D'ailleurs, dans une
interview de 2011 à Forbes, R. Mundell envisageait le cas
:
« Professor Robert Mundell urges gold
convertibility for the euro, the currency which he fathered, as well as for
the dollar. This
is a major step forward. » (Forbes, 3 juin 2011)
L'interdiction
de convertibilité contractuelle.
4. Qu'on le veuille ou non, l'interdiction de la convertibilité des S.M.B. en
monnaie or ou argent a été la réglementation monétaire majeure du XXè siècle.
Curieusement, aujourd'hui, hormis Mundell, peu de
gens en parlent et en tirent des conséquences en dépit de sa singularité.
Tout se passe comme si elle n'existait pas ou avait existé de tout temps ou
devait être perpétuelle...
Simplement parce qu'une réglementation ne saurait être perpétuelle et
irréversible et que son coût ou celui de ses effets ne peut que croître, il
conviendrait de la garder à l'esprit. Seules les innovations sont
irréversibles et elles le sont parce qu'elles cachent des économies de coûts.
Bien sûr, on peut toujours tenter de faire confondre réglementation et
innovation, ce qui est la mode politique actuelle, mais cela ne peut durer
qu'un temps.
L'interdiction de la convertibilité des S.M.B. en monnaie or ou argent n'est
pas une innovation, elle ne saurait être perpétuelle, ni irréversible, son
coût et le coût de ses effets croissent.
5. Il s'agirait d'évoquer en permanence des aspects de ce fait.
Le présent texte en envisage deux grands en relation avec les mots et avec la
comptabilité bancaire qui sont étroitement liés.
Des mots vides de sens.
6.
Il est traditionnel en économie politique d'étudier les effets économiques
(des réformes ou variations) de la réglementation (pour ne pas dire
législation).
On analyse alors, avec méthode et concepts, l'effet de telle ou telle
réglementation sur telle ou telle phénomène économique.
A ma connaissance, jamais l’accent n’a été mis sur les effets de la
réglementation sur … les mots.
Pourtant, la question n'est pas subalterne pour plusieurs raisons.
D'abord parce que :
"On ne saurait croire combien un mot bien choisi peut économiser de
pensée, comme disait Mach" (Poincaré, 1908, p.31),
considération à l'opposé de David Hilbert pour qui des éléments, tels un
point, une droite et un plan peuvent être remplacés par un verre de bière,
une chaise et une table, par exemple.
Un mot peut cacher un sophisme...
"Plus souvent, [le sophisme] se comprime, il se resserre, il se fait
principe, et se cache tout entier dans un mot". (Bastiat, 1845, 4,
p.115)
Et ainsi Vilfredo Pareto de préciser :
« C'est de cette considération [le genre de services rendus par la monnaie]
exclusive que sont nés un nombre incalculable de sophismes sur la monnaie,
entre autres la fameuse théorie de la monnaie signe » (Pareto, 1896-97, §
276)
Les mots ont un « pouvoir »...
"Les mots ont d'autant plus de pouvoir qu'ils ne sont pas définis. Ce
qui est défini scientifiquement n'a pas de pouvoir sur l'opinion".
(Guitton, 1979, p. 31)
Et c'est encore Francis-Louis Closon, premier
directeur de l'I.N.S.E.E., pour qui il fallait :
«Remplacer la France des mots par la France des chiffres» (Desrosières, 2003)
Pour ne pas parler des problèmes de la traduction des textes: « traductore, traditore
».
7. De plus, des effets des règlementations sur les mots existent, sont évoqués
par des auteurs, par exemple, dans le domaine monétaire.
Ainsi, sont exemplaires les effets de la réglementation sur le mot « monnaie
» (au sens du passé « pré XXè siècle, à savoir
monnaie et substituts de monnaie bancaires, réglementés ou non) qui ont vu le
jour jusqu'au XIXè siècle: leurs dénominations sont
« bonne ou mauvaise monnaie », « vraie ou fausse monnaie », « monnaie saine
ou malsaine », et même « pouvoir d'achat de la monnaie» (
ce point est développé dans la section I).
Mais le fait est qu'ils ne sont pas toujours mis en relation précise avec
leurs causes, i.e. avec les réglementations, ou bien aucune insistance
particulière n'est mise sur ces dernières.
8. A la différence des dénominations précédentes qui s'articulent donc sur la
monnaie et les substituts de monnaie bancaires, des mots ou expressions ont
été développés, directement ou non, au XXè siècle,
« sans support » apparent.
Sont en question les mots « liquidité », « créances - actifs de patrimoine »,
« réserve », et « monnaie forte ou faible » (ce point est développé dans la
section II).
Coïncidence ou non, il en a été ainsi, à partir de la décennie 1930, moment
de la grande réglementation prise par les Etats, successivement, qu’est
l’interdiction partielle de la convertibilité intérieure des S.M.B. .
Fini « bonne ou mauvaise monnaie », « vraie ou fausse monnaie », « monnaie
saine ou malsaine », et même « pouvoir d'achat », désormais il sera question
de « monnaie » (!), « liquidité », « créances - actifs de patrimoine », «
réserve », et « monnaie forte ou faible ».
Le présent texte n'exclut pas, au contraire, qu'y ont contribué non seulement
l'interdiction de la convertibilité intérieure, mais encore les grandes
réglementations convenues et résultantes des conférences internationales du XXè siècle qui enveloppent, d'une certaine façon,
l'interdiction nationale.
A leur façon, elle les ont confortés.
Les mots ont intrigué des économistes.
Certains se sont interrogés sur ce qu'ils pouvaient bien désigner. Par
exemple, Hicks a exprimé son interrogation sur le mot « liquidité » en 1962
après que Hutt eut connu ce mouvement en 1956.
Bref, le présent texte prête un premier grand effet à l'interdiction de la
convertibilité des S.M.B., à savoir un effet sur les mots. Billets et dépôts
bancaires ont été dénommés « monnaie », mais surtout « liquidité », «
créance-actif de patrimoine », « réserve », et « monnaie forte ou faible »
alors que l'interdiction aurait dû faire reconnaître leur réalité, ils
étaient désormais des S.R.B. et rien d'autres.
Le
portrait de Dorian Gray.
9. A l'opposé, il est remarquable que l'interdiction
de la convertibilité des S.M.B. en monnaie or n'ait pas eu d'effet observable
sur le compte de bilan de la banque (ce point est développé dans la section
III) alors que, parfois, elle en a eu un sur l'organisation des banques
elles-mêmes
.
Billets et dépôts bancaires sont restés enregistrés au passif du compte de
bilan de la banque comme s'ils étaient des dettes de celle-ci.
Il semble même que l'invariance « contre nature » du compte de bilan malgré
l'interdiction de convertibilité soit l'artifice de la transformation de
celle-ci en un anéantissement de la monnaie: n'a-t-elle pas été le support de
l'effet précédent, i.e. de ce que, contre toute logique, les deux formes de
S.R.B., à savoir les billets en papier et les dépôts bancaires, soient
dénommées « monnaie, liquidité, etc... ».
En vérité, de mauvaises et de bonnes raisons peuvent être invoquées pour
expliquer l'invariance du compte de bilan de la banque suite à l'interdiction
de la convertibilité des S.M.B.
Le second grand effet qu'a eu l'interdiction de la convertibilité des S.M.B.
et que développe ce texte, c'est donc, contre toute attente, de ne pas en
avoir eu un sur la comptabilité bancaire alors qu'elle aurait dû en avoir un.
10. Cette non modification a été un effet à la fois immédiat et persistant
jusqu'à aujourd'hui.
Tel Le portrait de Dorian Gray, la comptabilité bancaire est restée
l'ensemble imperturbable d'éléments que n’avait pas affecté l'interdiction,
mais désormais sans grande relation avec les règles de droit.
Elle n'était plus l'alliance de règles de droit, des prix en monnaie des
biens échangés et de l'arithmétique qu’elle n'aurait pas dû cesser d'être.
Elle était devenue l'alliance de réglementations tombées de
l'hélicoptère du législateur, des prix en monnaie de « on ne sait trop quoi »
et de l'arithmétique.
Elle témoignait de l'accent mis désormais, consciemment ou non, sur la
mathématique élémentaire qu'elle était en partie auparavant - l'arithmétique
comptable – au détriment des règles de droit. Elle cacherait, en conséquence,
un choix discutable.
11. Mais les informations qu'elle allait devoir gérer et donner par la suite
ne pouvaient qu'être bouleversées, bouleversantes et elles l'ont été.
Et cela a ébranlé le modèle économique arithmétique coupé des règles de droit
qu'elle était devenue...
Avec les « nouveaux produits financiers », innovation financière post
décennie 1980, le modèle économique arithmétique, a démontré un jour, comme
il fallait s'y attendre, qu'il était « dépassé ».
Comme pris de court et à la recherche d’une solution, bref acculés les
modélisateurs en sont arrivés à créer un concept, à savoir le « hors bilan »,
considération en décalage total avec les principes de la comptabilité
générale en droits constatés, i.e. des règles de droit.
Et aujourd'hui, ce sont les « experts » du Comité de Bâle qui continuent à
chercher des solutions ...
Tout cela en se situant dans un cadre arithmétique où les mots n'ont pas
nécessairement d'importance et non pas d'abord le cadre des règles de
droit...
Et on n'en est pas sorti.
I.
Principaux effets de la réglementation de la monnaie sur le mot « monnaie »
jusqu'au XIXè siècle..
Les
effets de la réglementation de la monnaie sur le mot « monnaie » jusqu'au XIXè siècle.. sont bien connus,
nous n'y insisterons pas trop.
Faut-il rappeler que, déjà, au XIXè siècle, le mot
« monnaie » posait problème à certains économistes, par exemple S. Jevons :
“The word cash is used with exactly
the same ambiguity as
money.” (Jevons, 1898, p.245)
Les effets ont été caractérisés en adjoignant une épithète au mot monnaie
sauf dans le cas du “pouvoir d'achat”.
Comme toujours, l'épithète est plus importante que le mot sur quoi elle porte
et contribue à le déformer, voire à le dénaturer.
a)
Bonne ou mauvaise monnaie
Bonne
ou mauvaise monnaie est vraisemblablement la plus ancienne façon de
caractériser l'effet de la réglementation sur la monnaie puisqu'elle
remonterait à Aristophane (445-365 avant J.C.)
La mauvaise monnaie chasse la bonne dans un monde de non liberté.
Dans un monde de liberté, la bonne chasse la mauvaise.
Selon Mundell (1998), l'effet repris par Thomas
Gresham (1519-79) résulte de la loi de l'économie, de la rationalité de
l'individu face à la réglementation:
« Gresham's Law comes into play only
if the "good" and "bad"
exchange for the same price.
"Good money drives out bad if they exchange for
the same price" is an acceptable expression of Gresham's Law.
But a better statement of it is that "Cheap money drives out dear, if
they exchange for the same price."
Put in this way, Gresham's Law becomes a theorem of the general law of
economy, a consequence of the theory of rational economic behavior. » (Mundell,
1998)
b)
Monnaie vraie ou fausse
Selon Pareto, la monnaie ne doit pas cacher la réglementation de l'échange
dont elle tire sa raison d'être, de là, sa vérité ou sa fausseté :
« On a un vrai numéraire et une vraie monnaie, lorsque les prix résultent
d'échanges absolument libres ». (Pareto, 1896-97, §270)
« Toute monnaie qui n'est pas de la vraie monnaie, est ou de la monnaie
fiduciaire ou de la fausse monnaie.
C'est de la monnaie fiduciaire, si chaque individu l'accepte et la donne de
plein gré, sans être la victime d'aucune fraude, ou d'aucune violence, même
déguisée.
C'est de la fausse monnaie, si elle est mise ou maintenue en circulation par
la fraude ou par la violence, même légale. (ibid., §271)
« Les gouvernements peuvent imposer à leurs sujets une monnaie vraie ou
fausse » (ibid. §317)
c) Monnaie saine ou malsaine
Monnaie malsaine et Etat totalitaire font un, selon Jacques Rueff (dans L'ordre
social, 1945).
Au début du XXè siècle, à la monnaie malsaine, aux
prétendues maladies de la monnaie, sont proposés de prétendus remèdes sous
forme de nouvelles réglementations.
Grande maladie de la monnaie soulignée par beaucoup: l'inflation.
Ils oublient ou ne savent pas malheureusement que l'inflation résulte
du monopole monétaire accordé à une personne juridique.
Les remèdes sont toutes les règlementations en matière de monnaie, depuis le
privilège de monopole d'émission de billets accordé à une banque centrale –
au XIXè siècle - jusqu'à la (con)fusion des
systèmes monétaires nationaux dans ce qui est dénommé « €uro » - fin XXè siècle - en passant par les interdictions de
convertibilité des S.M.B. en monnaie or ou argent qui ont fleuri partout dans
le monde au XXè siècle – à partir de la décennie
1930 -.
En vérité, l'économie politique de la monnaie a été ravagée par les prétendus
remèdes, à savoir les réglementations, apportés à des phénomènes économiques
(cf. Rueff, Hayek, Rothbard, etc.).
Tout ce qui est dit à propos des réglementations est erroné à cause d'une
inversion de la causalité au départ elle-même fondée sur une référence
théorique erronée.
La causalité « juste » ainsi que le remède sont donnés en particulier par
Pareto :
échange libre, donc prix libres (échanges aboutis libres) et vraie monnaie,
vraie monnaie et monnaie saine – « sound » en
anglais – ou bonne monnaie font un, ce sont en définitive trois façons de
parler du même phénomène économique.
d)
Pouvoir d'achat de la monnaie.
Au XIXè siècle, on parlait enfin du « pouvoir
d'achat » de la monnaie sans distinguer l'existence de celle-ci de
l'existence de ses formes ou de sa quantité, voire de sa valeur
, ni en précisant s'il s'agissait de la quantité totale ou de la
quantité unitaire de la monnaie.
A la fin du XIXè, à commencer par Mises (1912), on
voyait dans le « pouvoir d'achat » de la monnaie sa « valeur »...
Pour sa part, Vilfredo Pareto ne parlait pas de «
pouvoir d'achat », mais de « puissance d'achat ». Il en parlait en regrettant
l'expression:
« 75. Mais qu'est-ce alors que la puissance d'achat, que certains auteurs
(par exemple J. St Mill, E. P. l, liv. III, chap. l, § 2) font synonyme de
valeur d'échange?
Ce n'est, au fond, qu'une vague conception de l'ophélimité.
Pareillement, les anciens parlaient de corps pesants et de corps légers, et
ces termes sont encore en usage dans le langage ordinaire, mais la science
leur a substitue la notion plus précise du poids spécifique.
76. L'emploi du terme puissance d'achat a le grand défaut de rendre plus
facile une erreur que l'on n'est déjà que trop porté à commettre, en
confondant la valeur avec une propriété objective des marchandises. »
(Pareto, 1896-97, §§75-76)
II.
Effets de l'interdiction de la convertibilité des S.M.B. sur le mot « monnaie
».
L'idée de cette section 2 est que
1)
l'interdiction de convertibilité des S.M.B. a anéanti ce qu'on dénommait
jusqu'alors « monnaie » - de fait « monnaie réglementée » -,
2)
elle a fait que les S.M.B. sont devenus S.R.B. et a conduit à faire dénommer
les S.R.B. contre toute attente « monnaie, liquidité, créance-actif de
patrimoine ou encore réserve »,
3)
elle a contribué à couper la « monnaie » de l'échange présent,
4)
elle a conduit en conséquence à faire confondre « monnaie » et finance.
Autant les effets de la réglementation de la monnaie sur le vocabulaire
jusqu'au XIXè siècle sont, plus ou moins
consciemment, connus, autant un flou artistique enveloppe les nouvelles
apparues au XXè et leurs effets.
Il
convient d'insister sur leur réalité car le législateur a pris une route en
lacet réglementaire qui a conduit néanmoins certains à continuer à parler de
« monnaie » alors qu'en toute rigueur, le mot devrait être banni une bonne
fois pour toutes sauf, bien sûr, à vouloir appeler « chat » un chien mais
aussi à risquer de se faire mordre...
En France, le bon sens populaire semble d'ailleurs avoir renoncé au mot «
monnaie » mais pour de mauvaises raisons puisqu'il n'hésite pas à parler, à
la place, d' « argent »... et que l' « argent » en question n'est que du
vent..., ou si on préfère, du papier, il n'est même pas le « chat » du
chien...
A l'occasion d'un virage – i.e. d'une nouvelle réglementation -, la route en
lacet tend à faire voir que telle ou telle réglementation instaurée est
adéquate, économie de coût, bénéfique et donc irréversible comme peut l'être
une innovation technique ou scientifique, alors qu'il n'en est rien.
1.
« Monnaie » – réglementée ou non - et S.M.B.
Au
début du XXè siècle, il y avait, d’une part, des «
monnaies » d’or ou d’argent et, d’autre part, des « substituts de monnaie »
bancaires.
Le balisage du domaine de la monnaie ne soulevait pas de problème...
Existaient l'or et l'argent qui circulaient sous forme de pièces dite « de
monnaie » pour effectuer ou recevoir les paiements des échanges.
Le mot « monnaie » désignait alors des poids d'or ou d'argent et de certains
« titres ».
Et un nom particulier était parfois donné à une pièce de monnaie. Par
exemple, en France, il y avait des louis d'or, des écus d'argent et des liars de cuivre.
Les pièces de monnaie en or ou en argent circulaient, ou si on préfère,
étaient échangées librement .
Un nom particulier était aussi parfois donné à une « monnaie » en relation
avec le privilège de monopole d'émission de billets donné à la banque
centrale du pays.
Par exemple, en France et dans les autres pays de l'Union monétaire latine, 1
franc était légalement égal à 322 mg d'or ou à 5g d'argent de certain titre...
Pour ne pas remonter trop loin dans l'histoire, en 1928, quelques années
avant l'interdiction de convertibilité, 1 franc français est égal à 64,5 mg
d'or (de titre 90/100) et en 1969, il est égal à 1,60 mg.
Vilfredo Pareto pouvait écrire dans son Cours
d'économie politique (1896-97) :
« On met au creuset 10 pièces d'or de 20 francs; on obtient un lingot qu'un
orfèvre paiera à peu près 200 francs.
Négligeons, pour le moment, la petite différence qu'il peut y avoir.
Les pièces d'or sont de la vraie monnaie.
Au lieu de 20 pièces d'or, mettons au creuset 40 écus d'argent.
Nous aurons un lingot d'argent, qu'un orfèvre ne voudra guère payer plus de
100 francs.
L'ophélimité élémentaire pondérée de l'argent n'est plus la même sous forme
de monnaie ou sous forme de lingots.
Les écus d'argent ne sont pas une vraie monnaie. » (Pareto, §270).
Il était compris de tous. Qui le comprend aujourd'hui ?
« Substituts de monnaie » bancaires dénommaient les billets en papier émis et
les dépôts gérés par les banques, les montants des uns et des autres étant
convertibles à taux fixe, à la demande en monnaie or ou argent. Par exemple,
la Banque de France convertissait qui avait, en France, les billets en or ou
en argent, à la demande, sur la base des taux de conversion précédents.
Parfois, l'expression était dénaturée comme le signalait et le regrettait
Mises :
"Earlier economists applied a different terminology.
Many were prepared to call the money-substitutes
simply money, as they are fit to render the services money renders.
However, this terminology is not expedient.
The first purpose of a scientific terminology is to facilitate the analysis
of the problems involved.” (Mises,
p.434)
Autant fin XIXè début XXè
siècle la monnaie était vieille comme le monde, autant les S.M.B. étaient
récents à l'échelle de l'histoire monétaire. Par exemple, Pareto notait en se
référant au XIXè siècle que :
« Toutes les tentatives faites, dans le sens indiqué [en substituant à
l'usage de la monnaie d'or (ou d'argent) des moyens beaucoup moins coûteux],
par les Etats, ont abouti à des désastres.
Au contraire, c'est la seule initiative privée qui nous a donné les virements
de compte chez les banquiers, les chèques, le Clearing-House, les warants, et qui est parvenue ainsi à économiser en grande
partie la monnaie métallique.
Les gouvernements, bien loin de favoriser cette évolution, y ont, au
contraire, mis obstacle par les formalités inutiles auxquelles ils soumettent
les chèques, par les droits de timbre dont ils les frappent, et par plusieurs
autres mesures semblables.
Cette comparaison entre les résultats de la production unifiée (720 1) de
l'Etat, avec la production sous le régime de la libre concurrence, est assez
intéressante ». (Pareto, op. cit. §277)
2. Les "substituts de rien" bancaires …
Dans la décennie 1930, tout a changé. La réglementation nouvelle de la
convertibilité des S.M.B. en monnaie or ou argent a tenu dans l'interdiction
pure et simple de la convertibilité intérieure pour les agents privés, vous
et moi... Les législateurs nationaux ont interdit l'un après l'autre la
convertibilité des S.M.B. en monnaie or ou argent. Ainsi, ils rendaient les «
monnaies nationales étatiques » sous formes de billets ou de dépôts
bancaires, « substituts de rien » bancaires (S.R.B.).
Jacques Rueff (1971) avait mis le doigt sur le point à l'occasion de la
perspective, à la fin de la décennie 1960, de l'allocation des "droits
de tirages spéciaux" (D.T.S.) par le Fonds monétaire international en
dénommant « néant habillé en monnaie » ceux-ci.
En d’autres termes, il y a eu interdiction partielle et, à la suite de
l’interdiction partielle, il y a eu véritablement anéantissement de la «
monnaie réglementée ».
Pris au pied de la lettre, le processus de la « monnaie » – monnaie or ou
argent – des siècles précédents a ainsi disparu au XXème siècle pour ne pas
dire a été détruit.
On est passé, en ce qui concerne les détenteurs privés, particuliers et
entreprises, des S.M.B. aux S.R.B., expression non employée, quoique pourtant
leurs formes restassent les mêmes, à savoir billets et dépôts bancaires. Il y
a eu alors véritablement pour les agents privés « anéantissement » de la
monnaie qu'ils connaissaient. A sa façon, le concept de S.M.B. a empêché le
passage en silence de la convertibilité à l'« inconvertibilité » intérieure
ou extérieure, ce que n'ont pas fait les mots billets et dépôts bancaires
pris au pied de la lettre.
Pour les agents dits « officiels » - Etats et autres autorités - , cela se passera, plus tard, dans la décennie 1970,
avec leur accord, à leur corps défendant vraisemblablement parfois. Alors,
l’interdiction sera généralisée.
a)
"Substituts de rien" bancaires et « monnaie … réglementée»
Billets
et dépôts bancaires – « crédits en banque » comme l'écrivait Rueff - sont des
« substituts de rien » -.
Mais cette dernière dénomination n'a pas vu le jour et, à défaut, certains
ont utilisé le mot « monnaie » !
Malgré tout, contre toute bonne logique, certains dénomment donc « monnaie »
ces substituts de rien bancaires.
Les substituts de rien bancaires sont ainsi cachés sous le mot de «
monnaie », désormais dénaturé, car « monnaie » était ce en quoi étaient
convertibles les substituts de monnaie bancaires avant l'interdiction de la
convertibilité.
Au lieu de faire mettre le doigt sur les désormais S.R.B.,
l'interdiction de la convertibilité a donc eu l'effet de dénaturer le mot «
monnaie ».
Cette nouvelle réglementation, ajoutée aux antérieures qui perduraient, dont
celle de l'obligation de paiements en « monnaie », a eu comme effet
particulier que les monnaies nationales réglementées d’hier sont en vérité
devenues des « paquets de réglementations » peu comparables avec ce que le
mot « monnaie » désignait au début du XXè siècle.
On peut remarquer, en passant, que certains économistes n'ont pas osé, semble-t-il,
procéder à la dénaturation précédente.
Et ils ont tendu à parler plutôt de "moyen d'échange" mais
l’échange en question est une action humaine qu'ils mettent de côté en
général.
Ils s'expriment aussi en termes de "moyen de paiement" mais le
paiement est une notion du droit qu'ils ont peut-être mis de côté.
b) "Substituts de rien" bancaires et liquidités.
A défaut du mot « monnaie » pour dénommer les S.R.B., d'autres mots ont
fleuri à la même époque.
J'ai tendance à voir dans ces nouveaux mots, sinon un effet de
l'interdiction, au moins quelque chose que celle-ci n'a pas entravé. Je n'exclus pas que des économistes, peut-être
mal à l'aise avec cet effet de l'interdiction que sont les S.R.B.,
vraisemblablement conscients des problèmes posés, aient cherché une
échappatoire. Et ils en ont trouvé différentes et s'en sont satisfaits.
Certains n'ont pas hésité à introduire pour dénommer les billets et dépôts
bancaires, une notion chère jusque là aux
comptables et autres financiers non économistes, à savoir la notion de «
liquidité ».
De fait, ils ont déformé une notion comptable et on parlera pour notre part
de « liquidité au premier sens du mot ».
Au sens second, depuis la décennie 1950, la liquidité est un prix en
monnaie d'actif supposé invariable ou, si on préfère, une élasticité prix
particulière...
Et le mot va faire florès avec ses nouvelles définitions, non comptables (cf.
Hutt, 1956, Hicks 1962).
Au nombre de ces économistes, il y a, exemplaire, J.M. Keynes qui en est
arrivé à introduire le concept de « préférence pour la liquidité » en 1936
qui lui aussi va faire florès.
A-t-il été sensible à l'interdiction de
convertibilité qui avait frappé l'Angleterre en 1931 ?
Pour y arriver, J.M. Keynes a insisté sur un lien qu’il a forgé entre «
épargne nouvelle » et « monnaie », qu’il dénomme « préférence pour la
liquidité » et qu’il a fusionné avec le lien habituel entre échanges ou
dépenses (ordinaires ou extraordinaires) et « monnaie », qu'il a fait tout de
même passer au second plan.
Sa façon de procéder a tendu à faire oublier que la monnaie est d'abord à
lier à l'échange, avant de l'être à l'épargne nouvelle.
Il est à souligner que, pour présenter le concept, il distingue monnaie et
liquidité, il lie la monnaie aux échanges, aux dépenses – ordinaires ou
extraordinaires - et il lie la liquidité à l' « épargne nouvelle », étant
donné le taux d'intérêt et les anticipations de taux d'intérêt.
Si les taux d'intérêt des créances à long terme à revenus fixes sont bas,
étant donné les anticipations de taux d'intérêt futurs, Keynes introduit une
"préférence pour la liquidité" qui procède du fait que l'épargne
nouvelle est mise sous forme de monnaie plutôt que sous forme des créances.
Si les taux d'intérêt sont hauts, il ne caractérise pas la situation avec des
concepts, laissant entendre que l'épargne nouvelle est mise sous forme des
créances.
Quelques années plus tard, à partir de la décennie 1950, le mot « liquidité »
a été déformée d'une seconde façon par des mathématiciens, plus ou moins
économistes, qui en sont venus à parler cette fois de « liquidité » des
actifs plutôt que de « prix » des actifs (cf. Markovitz,
1959 ou Tsiang par exemple). On parlera de «
liquidité au second sens du mot ».
Les deux cas extrêmes sont celui de la « liquidité parfaite »: il s'agit
économiquement du cas où les prix des actifs (créances ou non) sont des «
prix concurrentiels », des prix invariables ou donnés pour les investisseurs,
où il y a des « élasticités prix » infinies : et celui de l’ « illiquidité»: il n'y a pas de prix possible..., il n'y a
pas d'échange...
Ne serait-ce que pour ses divers sens, la liquidité est une notion diabolique
qui a été revigorée dans la décennie 1960 (avec le rapport Radcliffe, cf. Claassen 1970)) et qui envahit le discours aujourd'hui
encore en relation avec les banques et l'€uro.
En 1962, Hicks s'interrogeait sur le mot « liquidité » au lendemain du rapport
Radcliffe – après, par exemple, Hutt en 1956 qu'il ne cite pas- après
l'avoir employé dans son article de 1935 sur la simplification de la théorie
de la monnaie, mais sans s'interroger alors à son sujet.
Et la notion va faire l'objet d'une mise en relation avec le « coût de
transaction » (Miller, 1965), pour devenir intermédiaire entre la liquidité
de Keynes et les « frictions » de Hicks (1935).
Et près de dix ans plus tard, au début de la décennie 1970, Rueff y fera une
allusion implicite en parlant parlera de « plans d'irrigation pendant le
déluge » à l'occasion de l'allocation de droits de tirages spéciaux aux pays
membres du FMI..
c) "Substituts de rien" bancaires et « créances » ou «
actifs de patrimoine »
En relation ou parallèlement à la « liquidité » - la liquidité au premier
sens du mot - pour désigner les S.R.B., par la suite, d'autres économistes,
qui peuvent être les mêmes,
ont introduit une autre notion chère encore aux comptables et autres
financiers, à savoir la notion de «créances» qui fait entrer dans le domaine
de l'économie politique qu'est la finance, encore peu développé dans la
décennie 1930ou rejoindre Keynes.
Ils vont, progressivement, voir dans les S.R.B. des créances –
"actifs" de patrimoine – de ceux qui les détiennent sans pour
autant y voir des "dettes" des banques – malgré leur inscription au
passif du compte de bilan - et pour cause, ce serait une erreur ou une inexactitude...
Selon Mises (1953), à propos de la démarche de ce qu’il dénomme la « théorie
catallactique de la monnaie » « droit à ...» de Schumpeter :
« To call money a claim is to suggest
an analogy to which there is no real objection.
Although this comparison, like all others, falls
short at certain points, it may nevertheless make it easier for many to form
a conception of the nature of money. […]
The only possible way of building a monetary theory upon the claim analogy
would be to regard the claim, say, as a ticket of admission to a room of
limited size so that an increase in the number of tickets issued would mean a
corresponding diminution of the amount of room at the disposal of each
ticket-holder. […]
We see, then, that even Schumpeter has not been able to make a complete catallactic theory of money out of the claim theory.
The fact that his attempt to make the claim theory into a catallactic
theory of money obliged him to set such extraordinary limits to the problem
is the best proof that a comprehensive catallactic
theory of money cannot be constructed on the basis of the claim analogy. »
Mais c’est en
vérité un abus de langage que de voir dans les S.R.B. des créances, il
procède de l’abus de droit ou du coup d’Etat qu’ont été l’interdiction de
convertibilité et la non prise en considération de sa répercussion sur la
comptabilité bancaire (cf. section 3).
Logiquement, la « monnaie » n'est pas une créance pour la raison que, S.R.B.,
elle n'est pas une dette de la banque : « monnaie » et finance font deux.
Certes, la « préférence pour la liquidité » est autant une « préférence pour
la monnaie » qu'une « préférence pour les créances à long terme et à revenu
fixe »… : tout dépend du niveau des taux d'intérêt et des anticipations les
concernant.
Mais la préférence pour la liquidité n'est pas toute la demande de monnaie...
Et cela a amené soit à identifier la « monnaie » à la liquidité, soit à
l'identifier à des actifs – à des créances - sous prétexte qu'elle était
enregistrée au passif du compte de bilan des banques.
d) "Substituts de rien" bancaires et réserves
officielles.
Les économistes ne se sont pas arrêtés à ce qui précède dans leur démarche de
recherche d'une échappatoire.
Après la « liquidité » et les « créances-actifs » pour désigner les S.R.B.,
en relation avec les agents privés, ils ont introduit en relation avec les
agents officiels une autre notion chère encore aux comptables et autres
financiers, à savoir la notion de « réserve »
Comme les liquidités, les réserves sont une notion, d'abord comptable,
diabolique apparue dans la décennie 1930, et revigorée dans la décennie 1960.
Il est question de :
. réserves ou non des banques,
. « réserves fractionnaires » pour, en français, «
couverture/contrepartie comptable » à x<100%,
. réserves obligatoires à la banque centrale,
. réserves officielles ou internationales, de « change »... dans la
décennie 1960.
A la différence des liquidités, sont accolés aux réserves des épithètes : ce
sont les réserves obligatoires ou libres – excédentaires – des banques, les
réserves officielles, internationales ou publiques de change, qui devenaient
parfois liquidités internationales.
Les "réserves obligatoires" sont des quantités de S.B.R. que les
banques de second rang sont tenus d'avoir respectivement auprès de leur
banque centrale.
Si la quantité est supérieure à la quantité minimale, l'excédent est dénommé
"réserves libres".
Soit dit en passant, les entreprises d'assurance doivent constituer des
réserves mathématiques... en assurance vie...
A partir de la décennie 1960, des économistes vont dénommer les quantités de
S.R.B. étrangers détenus par les banques centrales et les banques de second
rang d'un pays, "réserves internationales" ou
"...officielles" - réserves publiques de change dans la
terminologie administrative française de l'époque -.
Et ils se sont intéressés à partir de la décennie 1960 à la « demande de
réserves internationales » alors que le système monétaire international de Bretton Woods était au bord de l'abandon qui interviendra
en 1971-73.
Pour autant que les billets et les dépôts bancaires étaient détenus par des «
agents officiels » - banque centrale, autorités de toute nature -, ils
apparurent sous la dénomination « réserves … officielles, ou publiques de
change ou internationales » à l’actif du bilan de ceux qui les détenaient car
ils restaient convertibles en monnaie or. - Et l’or qu’ils pouvaient détenir
s’ajoutait aux « réserves internationales » -.
Et leur ensemble est la contrepartie ou couverture comptable d’une quantité
de S.M.B. émise.
Les billets et les dépôts bancaires détenus par des « agents officiels » -
autorités de toute nature -, apparaissaient sous la dénomination « réserves …
officielles, ou publiques de change ou internationales » (RI2) au passif du
bilan de ceux qui les avaient émis
Au lendemain de 1971-73, de la « suspension » - selon le mot de certains ...-
de la convertibilité extérieure des S.M.B. en or.., on continua à parler de «
réserves internationales » quoiqu'elles fussent désormais S.R.B.
Depuis la décision d’interdire la convertibilité extérieure de la monnaie des
Etats-Unis d’Amérique (août 1971- mars 1973), les créances, réserves
internationales des banques centrales et autres agents officiels ne sont plus
convertibles en monnaie or - et l’or n’est plus considéré « officiellement »
comme de la monnaie -…
A leur tour, leur ensemble est devenu S.R.B., « néant habillé en monnaie »,
même si la dénomination « réserves internationales » perdure.
e)
« Substituts de rien » bancaires et « monnaie forte ou faible ».
Après la « liquidité », les « créances-actifs » et les « réserves » pour
désigner les S.R.B., des économistes sont revenus à l’esprit des siècles
antérieurs.
A la fin du XXè siècle..., ils ont accolé à «
monnaie » l'épithète de « forte» ou de « faible » pour qualifier en
définitive les systèmes monétaires nationaux qui devaient être « fusionnées »
dans l'€uro. « Forte » était une façon de reprendre « bonne », « vraie » ou «
saine »...
3.
"Substituts de rien" bancaires et échange présent.
Etant donné tous ces mots nouveaux pour désigner les S.R.B. et pour autant
qu'elle en est la grande cause, directe ou indirecte, l'interdiction de
convertibilité a contribué à couper la monnaie de sa raison d'être, à savoir
la diminution du coût de l'acte d'échange, synallagmatique ou «
dépersonnalisé » (mot forgé par D. North), présent
coûteux de vous et moi dans un cadre de droit, et à renforcer ainsi le cadre
d'analyse des économistes qui laissent de côté les règles de droit et
l'action humaine.
Faut-il rappeler qu'une grande majorité d'économistes ont exclu de leur cadre
d'analyse l'action coûteuse d'échange de biens en propriété de vous et moi
quand ils ne la dénaturaient pas pour privilégier les résultats des actions
d'échange ou bien des offres et demandes de marchés de biens.
Ils ne sauraient faire intervenir le coût de l’action d’échange qui n'existe
pas...
Malgré tout, à l'occasion, ils ont tendance à supposer que un coût de
l’action d’échange qui n'existe pas, c'est la même chose qu'un coût qui est
nul...
Ils ne considèrent pas qu'aux offres et demandes sur quoi les actions
d'échange de vous et moi débouchent et qui s'harmonisaient, en particulier,
par l'intermédiaire des règles de droit et de la monnaie.
Ils préfèrent les concepts théoriques discutables d'offre et de demande, en
tant que « forces » des marchés – marchés organisés ou non, on ne sait... -
et de leurs équilibres.
La démarche précédente de ces économistes a triomphé progressivement et en
grande partie à partir de … la décennie 1930 à l'aide de telle ou telle mathématique,
même si une école d'économistes – de l' « analyse d'activités » - a
réintroduit dans la décennie 1950, dans son analyse, le concept d'échange,
mais déformé ou dénaturé (sans coût d'opportunité).
Il reste que le « coût de l'échange » n'est pas un concept formulé de l'école
de pensée économique autrichienne. Par exemple, à ma connaissance, Ludwig von Mises ne l'a pas employé.
A aucun moment du chapitre 2 de La vérité sur la monnaie où Pascal Salin
(1990) donne la raison d'être de la monnaie, il n'apparaît. Il y est
implicite, trop implicite peut-être ...
Le « coût de l'échange » fait partie de ces concepts que des économistes
d'autres écoles de pensée économique déforment ou dénaturent depuis la
décennie 1960 sous la dénomination « coût de transaction » - un anglicisme –
(cf. Lane, 2005).
Ces économistes n'hésitent pas à dire, depuis la décennie 1970, qu'il est
reconnu depuis longtemps – depuis A. Smith - que l'échange de biens est une
activité coûteuse (cf. le premier survey sur la
question de Ulph et Ulph, 1975, p.355).
Mais on ne sait trop de quel coût il s'agit, pas trop du coût d'opportunité
de l'action d'échange, semble-t-il, car l'action d'échange n'est pas
considérée en tant que telle et car le concept de coût d'opportunité est
problématique pour beaucoup (cf. Buchanan, 1969).
De toutes les façons, sitôt écrit, sitôt oublié.
Ce
qui est dénommé « monnaie » n'est pas mis en relation avec le coût de
l'échange.
Il n'est pas évoqué, a fortiori soutenu, que la monnaie contribue à la
diminution du coût de l'échange, sa raison d'être, qu’elle est innovation de
ce point de vue...
Faut-il souligner que, par rapport aux pièces de monnaie – moment du
processus monétaire perpétuel et pour ne pas remonter trop loin dans
l’Histoire… -, les S.M.B. – autre moment du processus – sont une innovation
ultérieure, une économie de coût (coût de l’échange) quoiqu’ils fassent
intervenir en plus des banquiers, la convertibilité juridique et la
couverture comptable et que cette organisation puisse être évaluée « coûteuse
».
Les S.M.B. se déduisent des pièces de monnaie par perfectionnement et
découverte.
Par rapport aux S.M.B., les S.R.B. – moment que nous vivons aujourd’hui – ne
sont pas une innovation, mais une réglementation des S.M.B., sans bonne
raison. L’interdiction de convertibilité des S.M.B. leur a donné existence.
Ils ne se déduisent pas des S.M.B. par perfectionnement, mais par
réglementation.
En vérité, ils ont anéanti la monnaie, mais pas la couverture comptable qui a
été dénaturée en contrepartie comptable (cf. ci-dessous).
Ils cachent les limitations des règles de droit que sont l’interdiction de
convertibilité et l’obligation de paiement en S.R.B.
Ils cachent l’abrogation potentielle, ou à terme inconnu aujourd’hui, de
l’interdiction à cause de son coût à attendre trop élevé… Mais personne n’en
parle… sauf R. Mundell.
S.R.B. particuliers, les S.R.B. « euro » qui existent depuis 1999-2002 et qui
sont un paquet de réglementations en nombre croissant depuis lors à quoi le
législateur adjoint maintenant, périodiquement, en plus, des organismes
(FESF, MES,), sans bonne raison.
Ils ne sauraient donner lieu à quelque économie de coût que ce soit.
Parallèlement, d'autres économistes - qui peuvent être les mêmes - mettent
l'accent non pas sur le coût de l'échange, mais sur des « frictions » - qui,
valorisées, deviennent un « coût », mais ils n'en parlent pas - qui perclurait l'économie d'échanges.
Là encore, ils voient dans des réglementations du législateur des moyens pour
s'en affranchir … en partie.
L'économie politique de la monnaie est ainsi ravagée par l'absence, la
déformation ou la dénaturation du concept de coût de l'échange à définir en
tant que coût de l’action d’échange, synallagmatique ou « dépersonnalisé »,
présent.
Longtemps, il n'a pas été contesté que la monnaie procédait
des règles de droit et qu’elle s’appuyait sur celles-ci. Jacques Rueff le
soulignait par exemple en ces termes :
« La monnaie […] ne crée pas plus le droit de propriété que le vin, la
bouteille qui l'enferme » (Rueff, 1945, p.186)
A la différence des règles de droit qui sont une découverte, la monnaie est
innovation à l'origine.
Mais tout comme les règles de droit, elle est irréversible.
Et tout comme les règles de droit, la monnaie a été limitée par des
règlementations.
Faute de concept, on a recours à la rhétorique au mauvais sens du mot.
Ce qui est dénommé « monnaie » - voire les règles de droit à l’occasion - se
voit prêté des « inconvénients », des « maladies » et cela, sans comparaison
avec la diminution du coût de l’échange... Et pour cause, le concept de coût
de l'échange est laissé de côté et la comparaison est impossible.
4.
« Monnaie » et finance.
Dans ces conditions, l'interdiction de convertibilité a conduit en
conséquence à faire confondre « monnaie » - pour S.R.B.
- et finance dont l'élément premier est le contrat de prêt/emprunt d'un bien en propriété.
III.
Effet de l'interdiction de la convertibilité des S.M.B. sur la comptabilité
bancaire : une invariance contre nature.
L'idée
de cette section III est que
1) l'interdiction de convertibilité... n'a pas eu d'effet, contre toute
attente, sur la comptabilité des banques … comme si la
réglementation devait être provisoire,
2) elle a coupé la comptabilité bancaire des règles de droit et fait mettre
l'accent sur l'arithmétique et, indirectement, sur la réglementation, en tant
que paramètre ou liaison mathématique, … comme si elle devait être
perpétuelle,
3) dans ces conditions, elle donne lieu à une antinomie : tout se passe comme
si, d'un côté, l'interdiction était affichée « provisoire » et, de l'autre,
elle l'était « perpétuelle » ...
1. La comptabilité bancaire au début du XXè
siècle.
Jusqu'au début du XXè siècle, la comptabilité
bancaire – en droits constatés - avait été fille de l'alliance des règles de droit,
limitées ou non par des règlementations, des prix en monnaie des biens
échangés et de l'arithmétique.
Le concept de S.M.B. cachait des règles de comptabilisation des opérations
monétaires, des vraies règles car non arbitraires, conventionnelles, qui
procédaient des règles de droit.
L'arithmétique comptable était une mathématique élémentaire qui n'avait pas
le pas sur les règles de droit. Avant d'être telle ou telle ligne du compte
de bilan de la banque, l'opération bancaire, l'échange de biens où est partie
la banque, était l'application et le respect de règles de droit.
Schématiquement, un bilan d'une banque au début du XXème siècle, c'était :
* « monnaie or ou argent » M et crédit/créance C côté actif,
* « substitut de monnaie bancaire » (S.M.B.), dettes D et capitaux propres KP
côté passif et, implicitement
- convertibilité des S.M.B. en « monnaie »... à taux fixe et à la demande et
- couverture comptable explicite.
Si le concept économique de S.M.B. recouvrait deux grandes formes (billets et
dépôts), ils cachaient d'abord deux notions juridiques liées, celle de
convertibilité juridique - à la demande et à taux fixe - et celle de
couverture comptable .
La « théorie autrichienne » de la monnaie définissait la quantité de monnaie
par la « monnaie » qui figurait à l’actif et lui ajoutait, le cas échéant, le
poste « crédit » (Mises, 1912 ou 1940)
La contrepartie comptable de la « monnaie » et du « crédit » tient dans les «
substituts de monnaie » bancaires (billets et dépôts bancaires).
Il est habituel de dire l'inverse …
a). La convertibilité juridique.
Le concept économique de S.M.B. ne doit pas cacher que la notion de
convertibilité de ces S.M.B. en monnaie or ou argent est juridique, qu'elle
est assise sur les règles de vrai droit et et
qu'elle n'est pas d'abord comptable..., un chiffre. La comptabilité s'en
déduit....
De fait, la convertibilité des SMB est une autre façon – davantage juridique
- de parler de la substitution – qui est une façon économique -.
Mais il n’y a pas de façon comptable de parler de la convertibilité, celle-ci
n'a pas de caractère comptable observable, arithmétique.
Suite à l'interdiction dans la décennie 1930, il aurait dû y avoir une
modification de la comptabilité bancaire.
Rien ne justifiait que billets et dépôts bancaires restassent inscrits au
passif du compte de bilan de la banque.
S'ils le restaient, le concept de S.R.B. recouvrirait donc désormais, malgré
tout, les deux grandes formes, billets en papier et dépôts bancaires, que
recouvrait le concept de S.M.B., avec une signification juridique non dite.
La logique du droit, fondement de la comptabilité, a été en vérité oubliée ou
contrecarrée pour ne pas écrire foulée aux pieds.
Bien évidemment, la présentation comptable inchangée ne posait pas de
problème à ceux qui en avaient oublié le fondement pour en rester à
l'arithmétique.
Quand on met de côté les règles de droit et quand l'obligation de paiement
conserve ses caractéristiques antérieures, rien ne s'y oppose.
Mais, la logique du droit en tête, il pouvait en être autrement. Tout s'est
passé pour ceux qui étaient dans ce cas comme s'ils avaient résolu le
problème en ne changeant rien.
b). La couverture comptable.
A l'opposé de la convertibilité, la couverture a un caractère comptable qui
fait qu'elle est source d'informations qui peuvent être vraies ou fausses.
Si on ne peut pas mentir sur un stock d'or ou d'argent détenu, sauf à le
cacher par l'intermédiaire d'un compte secret dont on ne retient à l'actif du
bilan de la banque que le solde , il en est tout
différemment d'un stock de créances.
c).
Convertibilité juridique et couverture comptable.
Il reste qu'en raison de la convertibilité, on peut expliquer que les
mouvements des stock d'or et stock de créances sont
étroitement liés.
A leur façon, les mouvements du stock d'or informent sur la « qualité » du
stock de créances.
2. Pas de nouvelle comptabilité bancaire à partir de la décennie 1930
.
Suite à l'interdiction de la convertibilité des S.M.B., il aurait dû y avoir
une modification de la comptabilité bancaire.
S'il n'en a pas été ainsi, c'est que, en définitive, la convertibilité
n'avait pas de caractère comptable observable, arithmétique.
Rien n'a justifié que, d'un point de vue juridique, billets et dépôts
bancaires restassent inscrits au passif du compte de bilan de la banque.
Ce n'était plus des promesses de la banque, des dettes de la banque, des
engagements de celle-ci.
Mais, bien évidemment, quand on met de côté les règles de droit et que
l'obligation de paiement en billets ou par chèques reste effective, et qu'on
met l'accent sur le côté arithmétique, rien ne s'y oppose désormais, et c'est
ce qui s'est passé.
Le grand effet que n'a pas eu l'interdiction et qu'elle aurait dû avoir tient
dans cette modification.
Contre toute attente, la « comptabilité bancaire » des S.B.M. inconvertibles
n'a pas été modifiée à la suite des interdictions et cela est surprenant.
Les billets et dépôts bancaires sont restés inscrits au passif du compte de
bilan des banques.
- au passif du bilan des banques centrales en ce qui concerne les billets
dont celles-ci avaient, chacune, reçu un privilège de monopole d'émission, et
- en ce qui concerne les dépôts à vue, au passif du bilan de la banque
centrale ou au bilan des banques de second rang, les billets détenus par
celles-ci apparaissant à l'actif.
Avec son invariance malgré l'interdiction de convertibilité, la comptabilité
bancaire est devenue l'alliance de réglementations tombées de l'hélicoptère
du législateur, des prix en monnaie des biens échangés et de l'arithmétique.
La comptabilité bancaire est restée, tel Le portrait de Dorian Gray, un
ensemble imperturbable d'éléments. Cette non
modification est un effet immédiat de l'interdiction.
Contrepartie comptable
Le concept économique de S.R.B. ne doit pas cacher la notion de contrepartie
comptable de ces S.R.B., notion désormais assise sur des règlementations et
non plus, comme l'était la couverture comptable, sur des règles de droit.
Les S.R.B. ont une contrepartie comptable mais cette contrepartie ne saurait
avoir la signification de « couverture » contractuelle qu'elle avait
antérieurement.
Une fois, la convertibilité interdite, les informations, directes ou non, sur
les créances contrepartie des S.R.B. ont été en partie anéanties.
Non seulement, l'interdiction de convertibilité a été ainsi une destruction
d'informations, mais encore, elle a contribué à des destructions
d'informations en relation avec la contrepartie en créances.
Même Rueff en est arrivé à confondre S.R.B. et « monnaie ». Il a écrit ainsi
à l’occasion, en distinguant contrepartie et représentation :
« La monnaie, dans nos sociétés complexes, n'est jamais la masse inerte
qu'envisagent les théories mécanistes des phénomènes monétaires.
Elle est la représentation, sous forme de billets ou de crédits en banque,
d'actifs divers : or, devises étrangères, créances à court, moyen ou long
terme, dont le montant varie constamment, sous des influences qui ne sont que
très partiellement monétaires.
En particulier, toute la monnaie émise en contrepartie de créances est liée à
l'existence des dites créances.
Lorsque celles-ci viennent à échéance, la monnaie que leur escompte en banque
a créée est remboursée à la banque émettrice, donc détruite par elle. »
(Rueff, 1979)
De mauvaises et de bonnes raisons peuvent être invoquées pour expliquer
l'invariance du compte de bilan de la banque à la suite de l'interdiction de
convertibilité.
a). Mauvaises raisons
Déjà, pour que l'économie politique fût une science, des économistes avaient
considéré au début du XXè siècle qu'il fallait que
les règles de droit n'en fussent pas un préalable. Et ils ont élaboré des
théories économiques dont le droit était exclu.
Ne pas faire varier la comptabilité à la suite de la variation de la
réglementation était une façon d'affirmer cette exclusion.
Mais il y a deux autres mauvaises raisons.
i) Mathématique et paramètres, cadre de l'économie politique.
Pour que l'économie politique ou la science économique fût une science, ces
économistes voulaient aussi, à l'opposé, que telle ou telle mathématique en
fût un préalable.
Et ils ont élaboré des théories économiques qui reposaient sur la
mathématique qu'ils avaient choisie et qu'ils maîtrisaient.
Exemplaire est l' « équation des échanges » d'Irving Fisher (1911) qui va
influencer non seulement la conférence de Gènes, mais encore, par exemple,
les décisions des Etats-Unis en 1933-34.
Que les réglementations détruisent les mots n'a aucune importance pour
certains économistes qui rejoignent en cela des mathématiciens pour qui les
mots n'ont pas d'importance dans leur discipline (cf. par exemple, Weintraub, 2002)
Et cela va conduire au summum atteint aujourd’hui avec l’ « approach of mechanism design” .
En voici un exemple :
“Our goal is to study banking without making a priori assumptions about what
banks are, who they are, or what they do.
To this end, we adopt the approach of mechanism design.
This method, in general, begins by describing an economic environment, by
which we mean preferences, technologies, and certain frictions. including spatial or temporal separation, information
problems, commitment issues, etc.
One then tries to describe the set of allocations that are attainable,
respecting both resource and incentive feasibility constraints.
Sometimes one also describes allocations that are optimal according to
particular criteria.
One then looks at these allocations and tries to interpret the outcomes in
terms of institutions that can be observed in actual economies.
We want to see if something that looks like banking emerges as an outcome of
this exercise. To reiterate, we do not take a bank as a primitive concept.
Our primitives are preferences, technologies, and frictions; and we want to
see if something like banking arises endogenously. (Mattesini
et alii, 2009)
ii) « Telle ou telle réglementation », un paramètre ou une liaison
mathématique.
Si, au départ, la réglementation est une limitation des règles de droit, une
fois ces dernières mises de côté, elle perdure comme nom donné à tel ou tel
liaison ou paramètre du modèle arithmétique.
Dès lors qu'on a mis de côté, les règles de droit, on peut voir dans
les réglementations des contraintes ou des privilèges donnés aux uns ou aux
autres, bref des « paramètres »
Dans ce cas, les réglementations sont des paramètres ou des liaisons
que le théoricien fait varier en respectant les règles de la mathématique
qu'il a choisie et qu'il est censé maîtriser, rien d'autre.
Et il va interpréter les résultats à sa façon, par exemple :
Conclusion
This paper studied banking using a mechanism design approach.
We began by describing an economic environment, with
preferences, technologies, and certain frictions including temporal
separation, imperfect monitoring, commitment issues, and costly record
keeping.
We described the set of IF allocations and optimal allocations.
We did not start with assumptions about what banks are, who they are, or what
they do. Rather, we looked at the set of IF or efficient allocations and
tried to interpret the outcomes in terms of arrangements that resemble
banking.
In the model, it is efficient for certain agents, chosen endogenously based
on their attachment to the market and our ability to monitor them, to accept
deposits that will help facilitate exchange.
This activity can be part of an efficient arrangement even if these agents do
not have the best storage technologies or investment opportunities; if they
have an advantage in commitment, this will make them more trustworthy.
Of course, other things equal, it is better if bankers have good investment
opportunities.
The arrangement generated by the model clearly resembles salient aspects of
banking in both modern and historical contexts.
We proved that this activity is essential:
If we were to rule it out, the set of feasible allocations would be inferior.
This was not a foregone conclusion .frictionless models do not have an
essential role for banks.
We also discussed issues related to who would make a good banker, how many
bankers should we have, and who should be monitored
when monitoring is costly.
We think our approach is novel and complementary with other theories of
banking.
We also think it is consistent with economic history.
Even if some of these results are not too surprising, one can use the theory
to identify relatively precisely the relevant effects and the nature of the
trade-offs.
All of this comes directly
out of a mechanism design approach,
without primitive assumptions
about what is a bank, who is
a bank, or what banks do.”(Mattesini et alii, 2009,
pp.42-3)
Il reste que, si on met de côté les règles de droit et les actions d’échange
coûteuses de vous et moi et si on prend telle ou telle mathématique pour
point de départ, ce qu’on dénomme aujourd’hui « monnaie » ne peut que tomber
des mains du législateur et beaucoup d'observateurs sont prisonniers de la
croyance que ce qu'on dénomme « monnaie » aujourd'hui tombe … d'un
hélicoptère.
Dans ces conditions, l'interdiction de convertibilité a eu un effet réel
autre que la destruction de la monnaie et la dénaturation du mot « monnaie »
et il est ignoré : c'est la transformation en définitive du compte de bilan
de la banque en un modèle économique ... arithmétique, avec des liaisons et
des paramètres. Au nombre de ces derniers, tous ceux qui concernent la
réglementation.
b). Bonnes raisons.
Les « bonnes raisons » de ne pas modifier la comptabilité bancaire à la suite
de l'interdiction de convertibilité sont à rechercher du côté de Hicks (1935)
qui suggère, pour simplifier la théorie de la monnaie, d'y voir la
généralisation de la théorie de la banque:
“It is now time for us to
begin putting together the
conclusions we have so
far reached.
Our method of analysis, it will have appeared, is
simply an extension of the ordinary method of value theory.
In value theory, we take a private individual's income and expenditure
account; we ask which of the items in that account are under the individual's
own control, and then how he will adjust these items in order to reach a most
preferred position.
On the production side, we make a similar analysis of the profit and loss
account of the firm.
My suggestion is that monetary theory needs to be based again upon a similar
analysis, but this time, not of an income account, but of a capital account,
a balance sheet.
We have to concentrate on the forces which make assets and liabilities what
they are.
So far as banking theory is concerned, this is really the method which is
currently adopted; though the essence of the problem is there somewhat
obscured by the fact that banks, in their efforts to reach their " most
preferred position " are hampered or assisted by the existence of
conventional or legally obligatory reserve ratios.
For theoretical purposes, this fact ought only to be introduced at a rather
late stage; if that is done, then my suggestion can be expressed by saying
that we ought to regard every individual in the community as being, on a
small scale, a bank.
Monetary theory becomes a sort of generalisation of
banking theory.
We shall have to draw up a sort of generalised
balance sheet, suitable for all individuals and institutions. It will have to
be so generalised that many of the individual items
will, in a great many cases, not appear.” (Hicks, 1935, p. 12)
Hicks a écrit cela après avoir précisé en introduction qu'il ne s'était pas
intéressé jusqu'alors à la question de la monnaie mais qu'en raison des «
tempêtes récentes », il y était venu.
On peut remarquer qu'il inverse en fait la causalité. A le lire, loin que la
banque s
oit un moment du processus de la monnaie, qui permet une
diminution du coût de l'échange synallagmatique ou dépersonnalisé présent,
comparée par exemple à celui supporté au moment des seules pièces de monnaie,
elle est le tremplin vers … la monnaie.
3. « Hors bilan » et autre comité de Bâle.
a) Nouveaux produits financiers et « hors bilan ».
Pour ne pas avoir changé les règles comptables en respectant les règles de
droit qu'ils limitaient par l'interdiction de convertibilité, les
modélisateurs ont construit, par incapacité ou par laisser aller, un modèle
économique arithmétique, à savoir le compte de bilan de la banque, qui s'est
avéré un jour, comme il fallait s'y attendre, « dépassé » avec les « nouveaux
produits financiers », innovation financière post décennie 1980,.
Comme pris de court et à la recherche d’une solution, ils en sont arrivés à
créer un concept, à savoir le « hors bilan », considération en décalage total
avec les principes de la comptabilité générale en droits constatés, i.e. qui
procède des règles de droit.
Il n'a rien résolu, bien au contraire.
b) S.R.B. électronique
Fin XXè siècle, le monde des S.R.B. est passé de
l'ère – du codage de l'information - analogique à l'ère numérique étant donné
le nouveau concept d' « information » emprunté à la science physique, le
codage numérique des informations et la télécommunication des informations
ainsi codées .
A la lumière de cette nouvelle connaissance, la comptabilité est devenue plus
encore une source d'informations, une façon de centraliser l'information, à
propos des créances et de leur qualité.
c) La course poursuite réglementation-innovation et le Comité de
Bâle.
Rétrospectivement, on peut considérer qu'il y a eu une course poursuite en
matière monétaire entre l'innovation et la réglementation, le législateur
essayant de rattraper ce qu'il considérait lui échapper, les innovateurs
visant eux à diminuer le coût de l'échange et, sans le vouloir ou en le
voulant, à faire échapper ce qu'ils dénommaient « monnaie » au législateur
qui n'était en rien dans son existence ou son efficacité économique, malgré
ce qu'en disaient certains.
Aujourd'hui, c'est le Comité de Bâle qui a les pouvoirs en mains en matière
bancaire.
4. Antinomie.
D'un côté, l'interdiction de convertibilité... n'a pas eu d'effet, contre
toute attente, sur la comptabilité des banques … On peut supposer qu'il en a
été ainsi car le législateur pensait que la mesure serait provisoire. Faut-il
insister sur le fait qu'elle était en totale rupture avec l'Histoire et très
discutable ?
De l'autre, l'interdiction a coupé la comptabilité bancaire des règles de
droit et fait mettre l'accent sur le modèle économique arithmétique où la
réglementation intervenait sous la forme de paramètre ou de liaison
mathématique.
Dans cette perspective, l'interdiction de la convertibilité acquérait un
caractère a temporel ou, si on préfère, perpétuel.
Dans ces conditions, sauf à refuser le diptyque, l'interdiction donne lieu à
une antinomie : tout se passe comme si, d'un côté, elle était affichée «
provisoire » et, de l'autre, elle l'était « perpétuelle » ...
Conclusion.
Aucune réglementation... n'est perpétuelle, ni irréversible, toutes ont,
chacune, un coût croissant, en particulier à cause de leurs effets néfastes,
à la croissance de quoi il faut s'attendre.
Envisager que les réglementations sont irréversibles, c'est déjà un effet
néfaste de la réglementation sur le mot « réglementation ».
Irréversibilité et réglementation font deux car innovation et
réglementation font deux et car seules les innovations sont irréversibles.
La réglementation n'est pas omnipotente : elle ne saurait anéantir
l'incertitude et le temps (croyance à la base de l'organisation de la
sécurité sociale obligatoire en France en 1945), elle ne saurait donc être
perpétuelle et par conséquent irréversible.
Aucune réglementation ne saurait cacher quelque irréversibilité que ce soit,
à commencer par l'interdiction de convertibilité des SMB en monnaie or ou
argent, quand bien même ce qu'on dénommait hier « monnaie » a été anéanti.
L'interdiction de convertibilité des S.M.B. est une réglementation ni
perpétuelle ni irréversible malgré ce que certains pensent (par exemple
Friedman par rapport à Rueff) ou s'efforcent de le faire croire.
Qu'est-ce d'ailleurs que l'interdiction de convertibilité … comparée à
l'amoncellement de réglementations qu'était l'URSS et qui a été abrogé
presque du jour au lendemain à la fin du XXè
siècle?
Coupée des règles de droit par une certaine gestion de l'interdiction de la
convertibilité des S.M.B., la comptabilité bancaire n'est rien et elle ne
saurait être être sauvée par des mots sans réalité.
Et on vit aujourd'hui les effets à moyen et long terme de ce biais: «
nouveaux produits financiers » mis « hors bilan », S.R.B. électronique et «
Comité de Bâle » chargé de trouver des solutions réglementaires à des
problèmes mal posés...
Ces fondations de l'€uro que sont des mots creux et une comptabilité bancaire
dépassée sont non seulement pernicieuses mais encore ne sauraient être
perpétuelles à cause de leur coût croissant.
Il ne faut pas cacher ou oublier ce coût et il faut insister sur sa
croissance.
Le problème de l'€uro, ce sont ces fondations écartées du discours actuel et
la hauteur que leur coût a atteint aujourd'hui et dont personne ne parle.
L'abrogation de la réglementation qu'est l'interdiction de convertibilité
contractuelle des S.M.B. en monnaie or est la solution aux problèmes
monétaires actuels - et futurs à anticiper si l'abrogation ne devient pas
effective rapidement-.
Elle ne pourra qu’être choisie un jour, sous cette forme ou sous une autre.
Le plus tôt sera le mieux...
Références bibliographiques.
Buchanan, J. (1969), Cost and Choice: An Inquiry in Economic Theory, Vol. 6 of
the Collected Works, http://oll.libertyfund.org/index.php?option=c...Itemid=27
Claassen, E.M. (1970), Analyse des liquidités
et théorie du portefeuille, PUF. chap. 2.
Desrosières, A. (2003), “Naissance d’un nouveau
langage statistique entre 1940 et 1960”, Courrier des statistiques
n° 108, décembre 2003, pp. 41-53
Fisher, I. (1911), The Purchasing Power
of Money, target="_blank" http://oll.libertyfund.org/?option=com_sta...5&Itemid=27
Friedman, M. (1946), « Lange on Price Flexibility
and Employment, a Methodological
Criticism », A.E.R., septembre, pp.
613-31.
Garnier, J. (1864), «... », Journal des Economistes.
Guitton, H. (1979), De l'imperfection en économie, Calmann-Levy, Paris.
Hayek, F. (von) (1978), Denationalization of
Money, I.E.A., Londres
Hicks J. R. (1962), “Liquidity”, The Economic Journal, Vol.
72, No. 288, Décembre, pp. 787-802
Hicks, J. R. (1935), “A Suggestion for Simplifying the Theory of
Money”, 2, Economica, 1-19.
Hutt, W.H. (1956) “The Yield from Money Held”, dans
Sennholz, M. ed., On Freedom and Free
Enterprise: Essays in Honor of Ludwig von Mises,
Mises Institute.
Jevons, S.
1898, Money and the Mechanism of Exchange,
New York, D. Appleton and Company, http://ia700400.us.archive.org/2/items/...anism00jevo.pdf
Lane, G. (2005), « La notion de coût de transaction dans la perspective de
l'école de pensée économique autrichienne », Centre de Théorie Economique
J.B. Say, Université Paris Dauphine, working paper, janvier.
Mattesini F., Monnet, C., Wright, R. (2009), “Banking : A Mechanism Design
Approach”, Federal Reserve Bank of Philadelphia, working paper n° 09-26,
October 15, 2009, 54 p.
Miller Jr H.L. (1965), On "Liquidity" and "Transaction
Costs" http://www.jstor.org/pss/1054981
Mises, L. von (1966), Human Action, chap.
17. mises.org/daily/3958
Mundell, R. (2011), "interview", Forbes,
3 juin 2011
Mundell, R. (1998), « Uses and Abuses of
Gresham's Law in the History of Money », Columbia university, août. http://www.columbia.edu/~ram15/grash.html
Pareto, V. (1896), Cours d'économie politique dans Bousquet, G.H. et
Busino, G. (Ed.), Oeuvres
complètes de Vilfredo Pareto, tome 1 : Cours
d'Economie politique, Librairie Droz, Genève, nouvelle édition, 1964.
Rothbard M. (1997), The logic
of Action I,
Rueff, J. (1979), Oeuvres complètes,
tome I : Théorie monétaire, livre 2, Plon, Paris
Rueff, J. (1945), Oeuvres
complètes, tome IV : L'ordre social, Plon, Paris, 1980.
Salin, P. (1990), La vérité sur la monnaie, Editions Odile Jacob,
Paris.
Weintraub, target="_blank" 2002, http://books.google.fr/books/about/H...amp;redir_esc=y
target="_blank"Retour au sommaire