La guerre des
monnaies fait rage. Les Européens seraient favorables à une révision du
système monétaire international qui fonctionne maintenant depuis près de
quarante ans et dont les résultats ont été inégaux. En théorie, des taux de
changes flottants permettent des politiques monétaires indépendantes, ce qui discipline
les gouvernements. Cependant ces politiques ont été utilisées pour atteindre divers
objectifs, y compris la dévaluation compétitive — ce qui est reproché aujourd’hui
aux États-Unis et à la Chine. Les politiques expansionnistes actuelles de la Réserve
Fédérale ont notamment pour conséquence de déprécier le dollar (rendant ainsi
les exportations américaines moins chères) tout en imposant des coûts sur tout
le système à cause de sa position privilégiée.
Robert Zoellick, alors président de la Banque mondiale, avait suggéré
en 2012 de remplacer le système
monétaire actuel par un autre plus coopératif reposant sur les principales
monnaies mondiales, et adoptant l’or comme point de référence pour évaluer les
attentes des marchés. Autant dire que cette dernière suggestion avait fait à
l’époque l’effet d’un pavé dans une mare. Depuis Keynes, l’or fait figure de « relique
barbare », mais Zoellick semblait vouloir lui
redonner une place de choix.
Le problème d’un
système de monnaie fiduciaire tel qu’il existe aujourd’hui est double. Premièrement,
la monnaie étant produite par des monopoles publics, il existe un risque
important de dérapage des politiques monétaires. Deuxièmement, et c’est plus
fondamental, il est impossible de déterminer une politique optimale à cause
des limitations engendrées par le système lui-même.
Le premier
risque est moins aigu aujourd’hui qu’il y a trois décennies grâce à l’indépendance
des banques centrales. Cependant, même si l’inflation a été réduite,
l’influence politique est toujours présente. Quant au second problème, il semble
toujours difficile de s’accorder sur une définition de la monnaie ou sur le
meilleur objectif à suivre. La stabilité de l’indice des prix n’est que
rarement interprétée comme une inflation nulle (mais plutôt positive), et la
déflation est vue comme un mal pire que l’inflation alors qu’elle peut être
désirable si elle résulte d’un accroissement de la productivité. De plus, les
banques centrales doivent souvent poursuivre des objectifs incompatibles entre
eux.
Ces difficultés
fondamentales pourraient trouver de nouvelles solutions si on pouvait d’une
part sortir le système monétaire de la sphère politique et d’autre part
utiliser des mécanismes de marché pour déterminer la quantité optimale de
monnaie en circulation. Il faut bien réaliser que tout problème monétaire est
un problème institutionnel. Le siècle dernier s’est caractérisé par une
irresponsabilité institutionnelle qui a produit, entre autre, des monnaies
considérablement inflationnistes sur toute la période (rappelons que
l’inflation est un impôt). Un système monétaire basé sur une monnaie
marchandise (et l’or n’est qu’une des possibilités) aurait le double avantage
de dépolitiser la monnaie (il n’y aurait plus de politique monétaire en tant
que telle) et d’établir des mécanisme d’autorégulation
au travers du jeu des réserves.
Il existe
plusieurs modèles alternatifs. La convertibilité des monnaies fiduciaires en
or (qui deviendrait la monnaie véritable) pourrait être rétablie à un cours définit
par les banques centrales qui seraient alors limitées dans leurs émissions par
la garantie de convertibilité. On pourrait aussi supprimer les banques
centrales (et ainsi diminuer plus encore le risque politique) pour permettre
aux banques secondaires d’être en concurrence directe dans leurs émissions monétaires
convertibles. Un autre modèle, suggéré par l’économiste américain George Selgin et peut-être politiquement plus acceptable,
consisterait à geler les encours en dollars et à les utiliser comme monnaie de
réserve. Ce système serait cependant plus politiquement vulnérable que ceux
basés sur l’or, car ce dernier doit être extrait du sol et n’est donc pas
sous le contrôle direct des gouvernements.
Il est peu
probable que nous nous dirigions vers
une alternative basée sur l’étalon or car les gouvernements ne sont pas prêts
à s’attacher au mât pour résister au chant des sirènes. C’est dommage car un
tel système pourrait restaurer une monnaie mondiale saine (abolissant ainsi
la suprématie du dollar ou de tout autre monnaie fiduciaire)
tout en évitant les écueils actuels.
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