La nouvelle année commence
officiellement en janvier, mais pour moi, et peut-être aussi pour beaucoup d’entre
vous, le calendrier se réinitialise à la fin de l’été, alors qu’approche le
début d’une autre année scolaire. Alors que la torpeur du mois d’août se
dissipe, il est temps de se remettre aux choses sérieuses. Le rythme des pas
s’accélère dans la fraîcheur de l’air, les jours se raccourcissent, et une
nouvelle urgence accompagne les évènements.
Prenez par exemple la
destruction causée par l’EIIL sous une chaleur estivale qui, dans cette
région du monde, peut atteindre plus de 40°C en pleine journée. De nombreux Américains
éprouveraient des difficultés à pêcher une crevette cocktail dans un bol par
une telle chaleur, et ne parlons pas de crapahuter dans le désert avec quinze
kilos d’armes et de munitions sur le dos. Les Etats-Unis se sont une fois de
plus confortés dans l’idée qu’ils pouvaient contrôler une zone de conflit
rien que par les airs. Nous voilà donc en cette fin d’été à nous féliciter
les uns les autres pour avoir sauvé le barrage de Mossoul grâce à des drones
et des attaques aériennes. Mais c’est maintenant au tour de l’EIIL d’agir, et
sa réponse ne sera rien de moins qu’horrifiante.
Le barrage de Mossoul est appelé
le « plus dangereux barrage du monde » par le Corps d’ingénieurs de
l’armée américaine. Son instabilité est légendaire – il a été bâti par Saddam
Hussein sur de la roche soluble, et demande de constantes opérations de
maintien. Que se passerait-il si l’EIIL prenait le
contrôle les quelques routes qui permettent aux camions de ciment d’y accéder ?
Je suppose que nous le saurons d’ici un mois.
Un peu plus à l’est, en
Afrique du nord, la Libye est sur le point d’imploser. Les milices islamistes
ont pris le contrôle de la vieille capitale, Tripoli, détruit l’aéroport
principal et fait sauter une importante infrastructure de stockage de
pétrole. Le gouvernement national s’est réfugié à Tobruk,
à proximité de la frontière égyptienne. Au sud de Benghazi se trouvent les
champs de pétrole libyens, une récompense potentielle pour les efforts des
islamistes, si tant est qu’ils parviennent à maintenir leur exploitation, ce
qui n’est pas gagné. Les champs de pétrole du pays sont gérés par les sociétés
pétrolières européennes Total (France), Eni (Italie)
et Repsol (Espagne). Leurs techniciens ont très
récemment fui la région. Sous Kadhafi, la Libye produisait 1,6 millions de
barils par jour. Sa production actuelle se situe autour de 600.000 barils par
jour.
L’Ukraine et la Russie sont
dans une impasse. L’Ukraine aimerait pouvoir regagner le contrôle des
provinces orientales de Donetsk et Luhansk, où se
trouvent encore des infrastructures industrielles datant de l’époque
soviétique. Le problème, c’est que l’Ukraine est fauchée. Elle ne peut plus
payer son armée. Elle peut tout juste mettre de l’essence dans ses avions et
ses chars. Le pays devrait éprouver des difficultés à générer de bonnes
récoltes de céréales cette année, avec le peu d’argent et de carburant qui
lui reste. Et il devrait bientôt sentir les doigts froids de l’hiver se
refermer sur son cou, sans même pouvoir espérer recevoir le gaz et le pétrole
russe dont il a toujours dépendu. La Russie de Poutine semble n’avoir désiré
rien de plus que la coopération de l’Ukraine dans son Union douanière
eurasiatique. Mais les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont mis leur nez
dans ses affaires et ont empêché toute coopération entre les deux pays, même
si cela n’a servi qu’à mettre l’Ukraine dans une impasse. Le pays a explosé,
et il y a peu de chance qu’il soit un jour réunifié. Sa meilleure solution de
survie serait de favoriser à nouveau une relation de dépendance avec la
Russie – céréales contre gaz et pétrole – mais nous continuons d’empêcher une
telle chose. Voilà qui pourrait plus tard être perçu comme la stratégie
géopolitique la plus absurde du siècle.
Israël est de plus en plus
perçu comme le grand méchant du Proche-Orient. Sa destruction potentielle a
poussé ses dirigeants un peu trop loin au fil des années, mais il faut dire
que si les missiles cessaient de pleuvoir sur le pays, un dialogue pourrait
être établi où il n’a jamais pu l’être auparavant. Un important corps d’opinions
internationales continue de penser que de lancer des roquettes sur Israël est
une expression légitime de grief politique. Le problème, c’est qu’une telle
manifestation de sentiments ressemble de très près à une guerre. Et ses plus
grands défenseurs n’ont jamais vraiment essayé de la décrire autrement. Mais
les actes de guerre n’attirent que des actes de guerre. Israël continue de
démanteler l’infrastructure de commande et de contrôle du Hamas. Nul moyen de
mettre fin au conflit sans accepter de cesser d’exister, et ça, comme on le
dit à Hollywood, n’est en rien une option.