|
Un curieux
club vient d’être fondé dans la petite ville Grieshem,
près de Francfort : le NSA Spion Schutzbund,
c’est-à-dire la « Société pour la
Protection des Agents de la NSA ». Son objectif est
d’organiser des safaris d’observation afin de découvrir la
vie des espions dans leur milieu naturel. En effet, la ville héberge
l’un des plus grand centre européen de collecte
d’informations militaires et civiles, le Dagger Complex, émanation
de l’armée américaine, travaillant désormais au
service de la NSA.
« Depuis
que je suis né, il y a toujours eu des rumeurs qui affirmaient que le
Dagger Complex était plein d’espions. Et, c’est
incroyable, mais ces rumeurs se sont révélées
exactes. » déclare Daniel Bangert, l’initiateur du
projet. Comme pour beaucoup d’autres, ce sont les
révélations d’Edward Snowden qui ont permis à ce
jeune trentenaire, ingénieur de formation, de découvrir
l’ampleur des programmes de surveillance menés par le gouvernement
américain. « Au début, je voulais juste faire une
promenade avec quelques amis et aller voir de près les grillages du
complexe.»
Il y a un an,
Daniel invite donc ses amis àl’accompagner en publiant un
message sur Facebook. Il y propose une marche en nature pour
« explorer l’habitat menacé des espions de la
NSA ». Sans intention politique particulière, le message se
veut ludique. « Si nous avons de la chance, nous pourrons
même apercevoir des agents de la NSA dans leur milieu naturel.»
Il suggère aussi d’apporter des jumelles, des caméras et
« des fleurs de toute sorte pour embellir leur habitat. »
Si
l’intérêt de ses amis est d’abord peu marqué,
il en va autrement de celui des autorités militaires. Quelques
jours plus tard, la police allemande se présente à son domicile
pour l’interroger sur « sa manifestation » et sur
« ses liens politiques ». Prévenu à
temps, le malicieux jeune homme aura le temps d’enfiler un T-Shirt
à l’effigie d’Edward Snowden avant de répondre
à leurs questions. Ambiance ! Après leur départ,
Daniel interpelle ses amis sur Facebook. « Combien de preuves vous
faut-il encore ? Tout le monde prétend ne pas être
concerné, mais là, j’écris des absurdités évidentes
sur ma page Facebook et, soudain, la police se présente à mon
domicile ! »
C’est
alors le succès ! Ce qui n’était qu’une petite
ballade devient une réelle manifestation. « Qui aurait pu
imaginer ce qui a émergé de ces ballades ? Je crois que
les espions doivent être les plus étonnés de nous
tous. » La promenade devient hebdomadaire et parvient à
rassembler jusqu’à 130 personnes. Dans une ambiance toujours
festive, les participants essayent d’apercevoir l’un ou
l’autre agent américain à la jumelle et ils font semblant
de filmer le complexe avec des caméras en cartons. Il y a de la
musique et des discours. On y présente les dernières
technologies capables de résister aux intrusions de la NSA, tel ce
« notebook analogique » composé de feuilles de
papier sur lesquelles on écrit avec un stylo. Enfin, les participants
ont fêté cet été le premier anniversaire des
révélations d’Edward Snowden en lui attribuant
symboliquement le « Prix de la Démocratie ».
D’évidence,
le mouvement n’est pas prêt de s’arrêter. Ce qui
avait commencé par une simple curiosité pour le
mystérieux bâtiment du Dagger Complex prend une tournure
d’autant plus politique que personne ne semble tirer les leçons
des révélations de Snowden. « Malgré que les
politiciens ont exprimé publiquement leur colère, rien
n’a vraiment changé. Je continuerai aussi longtemps que
nécessaire » déclare Daniel Bangert. « La
pratique du secret doit s’arrêter. Les archives secrètes
doivent être ouvertes et analysées par des journalistes et des
historiens. Il faut reconnaître que nous sommes dans une impasse et
qu’on ne s’en sortira pas avec un catalogue de prétendues
‘best-pratices’. » Les agents de la 66ième
brigade d’intelligence militaire US n’en ont pas fini avec le NSA
Spion Schutzbund. « Je sais bien que moi, simple petit bonhomme, je
ne peux rien changer à la machinerie de la surveillance mais je peux
montrer continuellement ce que je pense, en les traînant en pleine
lumière, en les harcelant, en les embêtant, et donc en leur
imposant un poids administratif inutile. Mon but est de courir sur les nerfs
de la NSA aussi souvent que possible. Et je pense qu’ils sont bien
énervés pour le moment. »
|
|