Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Je voulais vous parler d’un sujet passionnant aujourd’hui. En fait, c’est le 16e Genova Report, un rapport annuel écrit par un panel d’économistes pour le compte du Centre international d’études monétaires et bancaires, et qui est publié ce lundi… Bon, finalement, entre-temps, étant tombé sur le sujet des retraités américains n’ayant toujours pas remboursé leurs prêts… étudiants, je me suis dit que vous alliez sacrément plus rigoler avec cette histoire-là qu’avec mon Genova Report à la lecture quelque peu aride, le tout en anglais dans le texte. Mais ce rapport vaut le détour (en substance, la situation économique mondiale est dramatique). Vous trouverez donc un article consacré à ce dossier dans l’édition du jour du Contrarien Matin.
Ces retraités américains qui n’ont pas fini de rembourser leurs prêts… étudiants
Il fallait évidemment que je m’arrête sur ce sujet. On ne peut pas parler de la « reprise » aux USA, ou encore de croissance américaine, alors que le nombre de retraités n’ayant pas encore remboursé leur crédit étudiant a augmenté de plus de 500 % !
D’ailleurs, cela doit tout de même nous faire poser quelques questions sur ce que nous sommes devenus et sur le retour sur investissement même des études alors que le chômage est devenu endémique.
Quel est aujourd’hui l’intérêt financier de payer des études supérieures qui non seulement ne vous assurent plus d’avoir un emploi mais qui, en plus, vont vous enchaîner à vie avec des crédits aux montants colossaux.
En France, pays de l’éducation gratuite, ce débat peut paraître surprenant et pourtant nous y allons, comme nos amis américains y sont allés.
Progressivement, les frais de scolarité augmentent, les parents ayant de moins en d’argent font de plus en plus appel à des crédits étudiants. Alors pour le moment, les montants en jeu en France ne sont pas encore au niveau de ceux atteints aux USA mais la « privatisation » de l’éducation a en réalité commencé de façon particulièrement insidieuse en France. Jusqu’au bac, la différence de niveau entre privé et public n’est plus un secret pour personne. En dehors de quelques établissements publics d’excellence, l’Éducation nationale prend l’eau de partout et les moyens déversés ne changeront plus rien au naufrage de l’école de Jules Ferry qui doit se retourner dans sa tombe. De fait, l’éducation de qualité a déjà été privatisée dans notre pays rendant illusoire toute idée de mixité sociale.
Des études pour quoi faire ?
Cette question déroutera de très nombreux parents pourtant elle doit être posée. Attention, je ne parle pas d’instruction ou d’éducation, tout cela est évident, non, je parle de financement d’études supérieures plus ou moins fumeuses qui, pour certaines, ouvrent tout droit le chemin vers la case chômage (sociologie, psychologie, poterie, voire même parce que cela existe « tricot » car oui, sachez qu’en France nous avons quelques professeurs de fac de… tricot) et où, pour d’autres, la possibilité de trouver un emploi convenablement rémunéré est faible, très faible.
Mon fils, passe ton bac d’abord, sauf que, comme tous les parents veulent que le fils passe son bac et qu’ils l’ont tous, un bac ne vaut plus rien, et les études supérieures guère plus. Finalement, avec la loi de l’offre et de la demande, ce qui est devenu rare ce n’est pas le BTS action co non, c’est le CAP de couvreur, de plombier ou d’électricien. Aujourd’hui, ces gars-là ont du travail et gagnent bien leur vie, bien mieux que les millions de prétendants petits « cadres non encadrants ».
Le meilleur conseil que je puisse donner aujourd’hui pour affronter le monde de demain, c’est de développer un savoir-faire non délocalisable et non robotisable. Si votre métier correspond à ces deux critères, alors vous devriez être en bien meilleure posture que tous ces vrais faux cols blancs qui se précipitent vers des emplois de bureau sans avenir. Par exemple, un plombier va réparer une fuite ici et le robot plombier n’est pas encore au point, et il faudra encore du temps pour qu’il le soit. Si c’est pour travailler dans un centre d’appel, tôt ou tard vous serez remplacé par un « téléphoniste » marocain. Pour les informaticiens, par un développeur indien. Pour les petits banquiers des agences d’en bas (n’y voyez aucune condescendance), vous êtes progressivement en train d’être remplacés par des automates et des serveurs Internet de banque en ligne. À ce propos, j’ai été bluffé par le dernier appareil de la BNP. Je suis allé déposer un chèque. Le type (un humain ayant deux bras et deux jambes) à qui je donne naïvement le chèque me propose (de façon un peu autoritaire) d’utiliser l’automate de remise de chèque. Je mets ma carte bleue. L’ordinateur identifie mon compte. J’insère mon chèque. Il me propose de vérifier le montant (c’est le bon), je valide en appuyant sur le bouton et hop ! le chèque est crédité et je reçois une belle feuille avec imprimé dessus le scan de mon chèque tout juste déposé. Fantastique… mais autant dire que le métier de guichetier, c’est terminé. Fini. Basta, wallou, nada. Rien.
Alors je repose la question, financer des études pour quoi faire ? Encore une fois, s’il s’agit de financer les études de médecine ou l’entrée à Centrale Paris, la question ne se pose pas, mais pour tous les autres ? Pour les millions d’autres ?
Et c’est cela que nous enseigne l’exemple américain où une population est réduite massivement en esclavage par la dette et arrive à l’âge de la retraite avec un passif que ses revenus n’ont pas permis d’apurer.
Plus de 18 milliards de prêts étudiants toujours pas remboursés par les retraités !
C’est un petit article de La Tribune concernant ce sujet et reprenant une dépêche Reuters qui nous apprend que « entre 2002 et 2013, le nombre d’Américains dont les prestations de retraite ont été affectées pour payer le remboursement de leurs prêts étudiants a quintuplé ».
Cette formulation nous indique pudiquement que les pensions de retraites sont gentiment saisies directement à la source par les banques pour se faire rembourser… Je vous laisse évidemment imaginer le niveau de pauvreté de ces seniors-là et la fin de vie dramatique à laquelle ils font face.
Voilà donc ce que raconte La Tribune : « Difficile de rembourser une éducation extrêmement coûteuse aux États-Unis, y compris pour les personnes âgées, dont certaines n’ont toujours pas fini de payer leurs prêts étudiants et voient désormais leurs retraites ponctionnées par l’État, qui veut récupérer son argent. Aux États-Unis, la dette étudiante des 65 ans et plus a atteint en 2013 quelque 18,2 milliards de dollars, selon un nouveau rapport du Government Accountability Office (GAO), l’équivalent de la Cour des comptes en France. »
Et de rajouter : « Ainsi, dans plus de la moitié des cas, les individus de plus de 75 ans font défaut sur le remboursement de leur prêt, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas effectué de paiement depuis au moins 270 jours. »
Rien ne va mieux aux États-Unis
Vous pourrez donc me publier toutes les statistiques que vous voulez, m’expliquer que les taux vont remonter, me dire que la croissance est là, que la reprise est forte, je continuerai à vous dire que presque 50 millions d’Américains sont à la soupe populaire, que désormais les retraités n’ont toujours pas remboursé leurs crédits étudiants et je ne vous parle même pas des millions d’Américains qui y arrivent mais lors de leurs dernières années d’activité professionnelle, je vous parlerai de la misère aux États-Unis, des soins dont sont privés tous les faibles ou les pas-riches, je vous raconterai ces montagnes de crédits sur lesquels repose cette illusion de croissance économique, de la dette l’État fédéral, de celle des États fédérés, de celle des comtés ou encore des villes qui ferment et virent des centaines de flics ou de pompiers car elles n’ont plus les moyens.
Alors tout cela tient encore ; mieux, la Bourse monte encore… mais pour combien de temps ? Combien de temps cet immense mensonge pourra-t-il encore durer et combien de temps les populations consentiront-elles à rester les victimes consentantes d’un système absurde ?
La dette c’est l’esclavage volontaire
N’oubliez jamais, jamais encore plus aujourd’hui qu’hier car hier il y avait de la croissance pour rembourser vos dettes. Vos revenus futurs vous garantissaient de rembourser progressivement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Faire le pari de l’endettement sur 25 ans est une folie pour la grande majorité d’entre nous.
Une fois endetté, vous êtes, jusqu’à l’apurement de votre dette, privé de votre liberté. Vous êtes devenu un esclave volontaire du système et vous en serez réduit à n’être plus qu’un « intermittent du spectacle capitaliste ». Je n’endetterai donc jamais mes enfants pour financer leurs études (je m’endetterai éventuellement moi et je me débrouillerai) mais je refuserai toutes études financées à crédit pour voir mes enfants chercher leur premier boulot la boule au ventre avec déjà 100 000 euros à rembourser…
Je refuse de jouer. Je refuse ces règles du jeu absurdes, je ferai autrement, je ferai différemment, mais je ne jouerai pas le jeu de l’asservissement du système totalitaire marchand. Ce monde est rempli d’autodidactes brillants et de diplômés roupillant. Les études ne sont plus une garantie et deviennent prohibitives financièrement. Encore une fois, ne confondons pas instruction, éducation et « diplomite ». Quoi qu’en dise Peillon pour qui les enfants appartiennent à l’école, les parents peuvent encore instruire leurs enfants, leur apprendre de multiples choses en plus et en dehors de l’école.
Je pense que le moment est venu de voir les choses différemment pour amener nos enfants vers l’âge de l’autonomie et que ce qui fonctionnait dans les 30 dernières années ne marchera plus dans les 30 prochaines, et c’est exactement cela que nous enseigne l’exemple dramatique des retraités américains miséreux se voyant saisir leur pension de retraite pour rembourser leur crédit étudiant.
Ce qui se passe aux USA n’est que le début d’un mouvement qui va fortement s’aggraver avec la crise et les générations largement moins dorées côté professionnel que celles qui arrivent aujourd’hui à la retraite. Si les montants sont importants, le nombre de retraités n’ayant pas remboursés leurs crédits étudiants reste faible. Mais pas pour longtemps.
La dette est un asservissement. Refusons-là.
Préparez-vous et restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)