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Depuis
quelques années, les économies d’eau s’imposent
comme un thème récurrent du discours écologiste. Il
n’est plus un site, une brochure, un journal qui ne nous incite
à faire attention à notre consommation. Il s’en faut de
peu que l’eau soit bientôt présentée comme une
espèce en voie de disparition. Jusqu’à l’Europe qui
se sent toujours obligée de légiférer. En droit
communautaire, l’eau n’est plus un « bien marchand
comme un autre », mais un patrimoine qu’il faut
protéger. Mais, comme toujours avec ce genre d’hystérie
collective, il n’a pas fallu attendre longtemps pour
qu’apparaissent les premiers effets pervers des économies
d’eau.
C’est
d’Allemagne que nous vient le premier signal d’un
dérèglement dans la consommation d’eau. Comme souvent, le
pays est à la pointe de la mode en matière
d’écologie. L’économie d’eau est devenue une
sorte de passion nationale. Les enfants apprennent « les gestes qui
sauvent » depuis la maternelle. Les adultes rivalisent
d’ingéniosité pour recycler leurs eaux usées. Les
fabricants de toilettes se font concurrence sur la faible taille de leurs
réservoirs. Idéal de bonne conscience écologiste, la
consommation d’eau des ménages a baissé de 20% en vingt
ans.
Seulement, il
y a un problème !
La tuyauterie des
égouts a été calculée en un temps où
l’augmentation de la consommation d’eau apparaissait comme une
avancée évidente du confort. Et aujourd’hui, elles souffrent
parce que l’eau qui y circule est trop sale, du fait de la
réutilisation, et pas assez abondante. Les eaux usées stagnent
dans des conduites trop larges et produisent des gaz nauséabonds et
corrosifs. Dans les égouts de Berlin, la ville verse désormais
des produits chimiques pour réduire la puanteur. Dans la Ruhr, comble
de l’ironie, la compagnie des eaux locale purge ses canalisations en y
déversant de l’eau potable.
Du coté
des fournisseurs d’eau, la baisse de la consommation pose
d’autres problèmes. Les infrastructures représentent la
plus grande partie du coût de distribution de l’eau. Or, ces
coûts sont quasiment fixes alors que le consommateur paye son eau au
litre. La diminution de la consommation nécessite de répercuter
les coûts d’infrastructure sur un plus petit nombre de litres. Le
prix apparent augmente donc. Et le consommateur se trouve renforcé dans sa
recherche d’économies. On conçoit aisément
qu’il serait absurde d’offrir l’eau courante à
toutes les maisons si plus personne n’en consomme. Sans tomber dans cet
extrême, c’est le chemin qu’a pris l’industrie de
l’eau en Allemagne et qui génère un vrai problème
d’efficience économique. Alors même qu’elles consomment
moins, les familles allemandes dépensent finalement plus pour leur
approvisionnement en eau.
Depuis
près de 10 ans, Hans-Jürgen
Leist, spécialiste allemand de l’environnement, interpelle
la société allemande pour lui faire comprendre
qu’économiser de l’eau dans un pays où il pleut en
abondance est une absurdité. Si des économies doivent
être réalisée, ce n’est
pas sur l’eau domestique, mais sur l’eau virtuelle. Celle-ci
représente l’eau nécessaire à la production de nos
biens de consommation, irrigation, élevage, nettoyage industriel, etc.
Un occidental consomme environ 20 fois plus d’eau de cette façon
que via son robinet. C’est là que se situent les marges
d’action pour une gestion rationnelle des besoins. Insister sur
l’eau de consommation ne sert à rien sinon à distiller la
mauvaise conscience dans la société. Comme il le rappelle,
éviter de tirer la chasse à Berlin ne fera pas pleuvoir sur le Sahel !
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