Les religions et les idéologies
promettent généralement de porter secours aux pauvres et aux opprimés : de
les élever socialement, matériellement et intellectuellement ; de leur rendre
le sentiment de leur dignité et de leur offrir les moyens de satisfaire leurs
désirs et leurs rêves. Depuis la fin du XVIIIème siècle, le système
économique capitaliste a permis des achèvements à la hauteur de ce programme
ambitieux.
Le niveau de vie de l’humanité
s’est accru de façon démesurée partout où le capitalisme a étendu sa sphère
d’influence, d’abord en Europe, puis dans une très large partie du globe. En
1820, on compte 85% de la population mondiale qui vit en dessous du seuil
absolu de pauvreté, à savoir 1$/jour ; près de deux siècles plus tard,
ce chiffre est tombé à 20%. L’éducation a connu des avancées
sans précédent, en témoigne la population d’illettrés dans le tiers monde qui
se chiffre de nos jours à 30% contre 70% en 1950.
En 2003, plus de 9 personnes
sur dix dans le monde peut espérer vivre au-delà de 60 ans ; et ce, à la
faveur d’une croissance inédite de l’espérance de vie au cours du XXème
siècle. Dans les pays en voie de développement, l’espérance de vie est de
moins de 30 ans en 1900, elle s’élève à 46 ans en 1960 puis à 65 ans en 1988.
Il y a 30 ans, 37% de la
population du Tiers Monde souffraient de la faim. Ce chiffre est tombé à
moins de 18%. La production globale de nourriture a doublé en un demi-siècle
; depuis 1980 les prix alimentaires ont baissé de moitié et la production par
hectare a augmenté de 25%. Dans le monde pris dans son ensemble, 8 personnes
sur 10 ont désormais accès à une eau pure. Il y a une génération, 90% de la
population rurale étaient sans accès à une eau pure : ce chiffre est
désormais établi à 25% de nos jours.
Dans son essai de 2010, The
Genius of the Beast (Le
génie du Capitalisme), une
révision totale du Capitalisme, Jardin des livres, 2012) , faisant
suite à The Lucifer Principle (de 1995) et The Global Brain (de
2000), Howard Bloom, auteur scientifique et homme d’affaires américain, père
fondateur de la science « mémétique », nous
invite à prendre en considération ces progrès spectaculaires que l’humanité
doit au système capitaliste, autant de « miracles séculaires »
auxquels il arrive très souvent que les habitants du monde occidental ne
prêtent plus attention.
État des lieux
Howard Bloom tire un portrait
au vitriol de la situation actuelle : la civilisation occidentale a accouché
du système capitaliste ; et c’est ce même système qu’elle renie à
l’heure actuelle, tandis qu’il se répand dans le monde et qu’il sort des
masses immenses de la pauvreté. Que ce soit l’homme de la rue ou un
universitaire prestigieux qui prenne la parole, ce sont principalement trois
griefs récurrents qu’on reproche au capitalisme : celui-ci soumettrait les
travailleurs à des conditions de vie et de travail précaires ; il
engendrerait de faux besoins à travers la manipulation mentale opérée par les
campagnes de marketing ; il constituerait un système intrinsèquement
instable, i.e. voué à connaître des situations de crise au cours desquelles
la condition des plus modestes s’empire.
Ces trois chefs d’accusation
sont-ils fondés ? Pas tout à fait, estime Howard Bloom, qui entend
promouvoir une vision plus nuancée des vices et mérites de ce système. Certes
le capitalisme n’est pas parfait : il n’est pas le paradis sur Terre. Il
a sa part de cruauté et d’injustice. Mais ce que le capitalisme, et derrière lui
la civilisation occidentale, a réussi à accomplir pour le bénéfice des plus
humbles d’entre nous, il est le seul à avoir réussi à le faire. Aucune
civilisation dans l’histoire de l’humanité – égyptienne, romaine, islamique,
chinoise, soviétique – n’a été capable de tels achèvements.
Le capitalisme est injustement
dépeint comme l’enfer sur Terre. Mais surtout il n’a jamais eu la
compréhension scientifique qu’il méritait, même auprès de ses partisans les
plus affirmés.
Malgré les nombreux travaux que
les chercheurs en économie ou en sociologie ont consacrés au capitalisme, la
science ne nous a laissé qu’une image très superficielle et incomplète de
l’économie capitaliste. La substantifique moelle de ce système est restée
méconnue.
Pour cette raison, nous
ignorons finalement la clef du succès indéniable du capitalisme pour
améliorer le sort de l’humanité ; et nous ne sommes pour l’instant pas
en mesure de tirer le meilleur profit de ce système.
En piste !
The Genius of the Beast poursuit
un double projet polémique et scientifique. Il s’agit de rappeler contre tous
ceux qui tirent un portrait cauchemardesque du capitalisme, les avancées
proprement révolutionnaires qui ont vu le jour dans la sphère d’influence du
modèle économique de l’Occident. Il s’agit également de mettre en évidence et
de combler les lacunes actuelles de notre compréhension scientifique de ces
avancées inédites.
The Genius of the Beast
formule et défend une thèse tout à la fois simple et optimiste. Le capitalisme
a déjà fait beaucoup pour l’humanité ; mais une compréhension
scientifique en profondeur de ce système nous apprend qu’il peut faire encore
bien plus. Le capitalisme possède un potentiel qui excède de loin tout ce que
le capitalisme a déjà réussi à accomplir.
Pourquoi la science en dépit de
ses efforts est-elle restée pendant tout ce temps à la surface des
choses ? Quelle est donc cette substantifique moelle du capitalisme
qu’elle a échoué à comprendre ?
Quelles sont ces raisons
intimes qui font que le capitalisme a été capable de produire des miracles
matériels ?
Pourquoi jusque là n’a-t-il
révélé que 10% de son potentiel ? Comment pouvons-nous mettre à profit
une compréhension plus affûtée des arcanes du capitalisme pour porter son
activité à une plus haute intensité ?
La crise de 2008 marque-t-elle
la fin du capitalisme ou sommes-nous en droit d’attendre une phase de
prospérité inédite ?
Autant de questions auxquelles
l’auteur cherche à répondre et auxquelles nous nous attèlerons dans les prochains
articles.
À
suivre
La
conception dite méméticienne de la culture, proposée par Richard Dawkins,
avance que la culture est faite d’unités d’information, les
« mèmes », qui se propagent d’un individu à l’autre à la manière d’un
virus. Selon cette hypothèse, les êtres humains sont (au moins en partie) le
simple véhicule des mèmes pour leur propagation. Ils sont une sorte de pâte à
modeler (douée de conscience) sur laquelle les mèmes viennent imprimer leur
influence – moyennant la part irréductible de certains comportements ancrés
dans nos gènes.
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