Dan Popescu : Bonjour, Dan
Popescu pour GoldBroker. J’ai aujourd’hui l’honneur d’interviewer Willem
Middelkoop, fondateur et dirigeant du Commodity Discovery Fund et auteur du
best-seller « The Big Reset ». Bonjour Willem, comment allez-vous ?
Willem Middelkoop : Très
bien, merci. Joyeux Noël !
Dan Popescu : Willem, vous
avez écrit un excellent livre, et c’est le bon moment pour en discuter,
puisque vous y parlez non seulement de l’or, mais aussi du système monétaire
international et du rôle que l’or pourra y jouer. Je recommande ce livre à
tous. C’est très bien écrit, dans des termes simples à comprendre… et je vois
qu’il a été traduit en chinois, et même en langue arabe, ce qui démontre où
se trouve l’intérêt pour l’or. Pourriez-vous nous résumer brièvement l’idée
principale de votre livre que vous avez écrit, il y a, quoi, un an ?
Willem Middelkoop : Oui,
j’ai terminé le livre à la fin de 2013, donc il y a environ un an. En fait,
il y a plusieurs thèmes dans mon livre. Le premier est la guerre de l’or, la
suppression du prix de l’or par les États-Unis… j’aborde le sujet en détail
sur environ quarante-six pages. Une autre partie de mon livre parle de l’or
dans le système financier après la remise à zéro suivant la conférence de
Bretton Wood, en 1944. Le monde a besoin d’une nouvelle remise à zéro
monétaire, parce que le dollar est resté la devise de réserve mondiale
pendant tout ce temps. Je crois que le dollar est depuis trop longtemps la
seule devise de réserve internationale, son temps est révolu. On voit la
Chine qui frappe à la porte des États-Unis, du FMI… La Chine veut faire
partie du système monétaire international et a sa propre idée sur ce que
devrait être le nouveau système.
Dan Popescu : La semaine
dernière… était-ce la semaine dernière ou il y a deux semaines… les
États-Unis ont décidé de ne pas financer le Fond monétaire international.
Était-ce une surprise pour vous ? Il me semble que Barak Obama, le président
des États-Unis, qui a négocié une entente avec le FMI, ne semblait pas avoir
l’enthousiasme pour la défendre devant le Congrès et au Sénat. Comme si, oui,
il la voulait cette entente, mais il n’était pas enthousiaste. Comment
voyez-vous le rôle des États-Unis, mais aussi les réactions de la Chine, de
la Russie, concernant le système monétaire international ?
Willem Middelkoop : On peut
dire qu’il y a une lutte de pouvoir au sein du FMI. La Chine et la Russie
veulent avoir une plus grande importance au FMI, mais les États-Unis essaient
de retarder ces développements, et c’est la raison pour laquelle les choses
ne vont pas très vite à Washington. Obama doit promettre, surtout aux
Chinois, que les choses changeront, qu’ils auront une plus grande importance
à la table des négociations, mais les pouvoirs en place à Washington veulent contrôler
le système actuel et retarder les changements.
Dan Popescu : Le professeur
Robert A. Mundell, prix Nobel d’économie, a écrit, il y a quelques années,
que les États-Unis viendraient à la table des négociations en traînant les
pieds et se battraient pour éviter que des changements mettent fin au «
privilège exorbitant » du dollar comme devise de réserve mondiale…
Pensez-vous qu’ils essaieront de saboter ces négociations ? Et pensez-vous
que la Chine et la communauté mondiale puissent établir un système monétaire
international sans les États-Unis, un peu comme cela s’est fait avec le
système métrique ?
Willem Middelkoop : Je pense
que la Chine joue sur deux tableaux à la fois. Elle coopère avec les
États-Unis à travers le FMI, d’une part, et, en même temps, elle met la
pression sur les États-Unis et le FMI en collaborant avec les autres pays du
BRICS, le Brésil, la Russie, l’Inde, l’Afrique du Sud. Et ils ont annoncé
publiquement qu’ils voulaient instituer leur propre banque de développement,
avec la Chine en tête du mouvement, pour concurrencer le FMI. Ainsi, la Chine
met la pression sur les États-Unis et le FMI en travaillant avec les autres
pays du BRICS, montrant aux États-Unis que si le FMI ne va pas assez vite
dans cette direction, elle pourra le faire avec d’autres, en mettant sur pied
cette importante banque de développement.
Dan Popescu : Willem, vous
êtes en Europe… ces dernières semaines, le mois dernier, plusieurs pays
européens ont lancé des procédures de rapatriement de leur or. Les Pays-Bas
ont pris tout le monde par surprise. Cela arrive après que l’Allemagne, les
Pays-Bas et d’autres pays ont déclaré qu’ils n’avaient aucune raison de
rapatrier leur or, qu’il est en sécurité à New York… et soudain, on découvre
que les pays, la plupart européens, vont à l’encontre de leurs déclarations
publiques : tandis qu’ils soutiennent les États-Unis dans leurs
déclarations, ils essaient, en coulisses, de rapatrier leur or. Comment
expliquez-vous cela ?
Willem Middelkoop : J’ai
écrit un article d’opinion là-dessus pour un grand journal national
hollandais en 2009 – et c’est la seule fois que j’ai écrit un vrai éditorial
dans un journal national – et, dans cet article, je demandais au gouvernement
néerlandais de rapatrier son or, car plusieurs signes indiquaient que les
États-Unis avaient loué, prêté plusieurs fois ces lingots d’or… Il y avait
donc plusieurs prétendants pour cet or détenu dans les coffres de la Réserve
fédérale à New York. Et je crois que nous voyons la même chose se développer
ici, en Europe, en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, et aussi en Belgique.
Les citoyens ordinaires prennent conscience qu’il y a des actes illicites sur
marché de l’or… les européens commencent à s’inquiéter de la sécurité des
réserves nationales d’or détenues aux États-Unis; Nous ne faisons tout
simplement plus confiance aux Américains.
Dan Popescu : Comment
voyez-vous la suite des événements… j’ai été surpris, après le référendum en
Suisse… car il faut avouer que ce fut une grosse défaite pour le camp pro or.
Le résultat du référendum était clairement contre l’initiative sur l’or. Et,
dans les jours qui ont suivi, non seulement l’or n’a pas baissé, mais il a
même grimpé. J’ai été vraiment surpris car je m’attendais, avec un tel vote
négatif, que le momentum
favoriserait les baissiers sur l’or,
et ce n’est pas arrivé. Cela pourrait-il annoncer la fin du marché baissier
de l’or ?
Willem Middelkoop : Je n’ai
pas été surpris du tout, parce que nous ne pouvions que gagner : nous
gagnons quand les Suisses disent oui à l’initiative sur l’or, et nous gagnons
quand ils disent non à l’initiative sur l’or… parce que, vous savez, il y a
eu tellement de discussions ici, en Europe, à cause de cette initiative sur
l’or en Suisse, que cela est bénéfique pour notre camp, ce camp étant celui
de la monnaie solide, de ceux qui s’inquiètent de l’état de l’expérience
monétaire que nous vivons actuellement. Je pense que le prix de l’or a
démontré une très, très grande force… La demande est énorme lorsque l’or
passe sous les $1,180… nous avons eu un triple bas à $1,180 lors des
dernières années, et là, nous n’avons été sous les $1,180 que quelques
semaines. Il y a une demande énorme de l’Inde, une demande énorme de la
Chine, une demande en progression en Russie, et la demande combinée de ces
trois pays excède la production aurifère mondiale. Le prix de l'or ne peut
pas continuer de baisser quand la demande d'or physique est aussi forte.
Malgré les ventes d’or papier et la manipulation sur le COMEX, l’or est comme
un ballon maintenu au fond de l’eau… il ne peut que grimper à partir de ce
point.
Dan Popescu : Pensez-vous
que l’or terminera l’année sous les $1,200, ou plus haut ?
Willem Middelkoop : Regardez
les mouvements du prix de l’or de ces deux dernières semaines. Vous pouvez
être certain que les entités qui s’efforcent de garder le prix de l’or sous
les $1,200 sont très, très puissantes… et nous avons vu une attaque surprise
encore, la nuit dernière, sur le prix de l’or. Il est certain qu’ils vont
essayer de garder le prix de l’or sous les $1,200, mais on parle ici du prix
de l’or en dollars… regardez le prix de l’or en yens, regardez le prix de
l’or en roubles, regardez le prix de l’or en euros… je crois que l’or a
grimpé de 20% en euros, cette année… alors je crois que ce n’est qu’une
question de temps avant que l’or ne grimpe également en dollars.
Dan Popescu : Vous gérez un
fond de matières premières, vous achetez donc des actions, j’imagine, des
actions dans l’or et l’argent. Il semble que l’industrie est en péril… je
crois que l’indice Barron’s (BGMI) est à un plus bas de 40-50 ans…
pensez-vous que les actions minières dirigeront le prochain mouvement
haussier, ou qu’elles suivront les métaux précieux ?
Willem Middelkoop : Nous
avons déjà atteint un plancher, et vous en avez la meilleure preuve en
regardant la meilleure action minière… quelle est la meilleure action, de la
plus haute qualité, dans l’or ? C’est Royal Gold. C’est une compagnie de
financement minier, ils perçoivent des royalties, et si vous regardez leur
performance boursière, je crois qu’ils sont environ 50-60% au-dessus de leur
bas de l’an passé. Cela me dit que le bas est atteint. Les initiés savent que
le plancher a été atteint, ils savent que l’or ne peut que grimper à partir
de ces niveaux… et les meilleures compagnies minières aurifères ou
argentifères en profitent, les initiés investissent des fonds dans leur
propre compagnie. La plupart de ces compagnies sont déjà bien au-dessus de
leurs niveaux de ces 12 derniers mois.
Dan Popescu : Je suis
curieux au sujet de la Chine, et vous la connaissez bien… nous ne savons pas
grand-chose sur la Chine. Nous avons, de temps à autre, des déclarations
d’anciens présidents en Chine, au sujet de leurs réserves d’or… mais nous
n’avons pas de chiffres précis, nous n’avons pas d’idée sur combien d’or ils
accumulent… Quelle est la stratégie des Chinois dans le marché de l’or, et
comment voyez-vous le rôle qu’ils jouent dans ce combat, surtout contre les
États-Unis, sur le marché de l’or ?
Willem Middelkoop : Il faut
lire mon livre, surtout le dernier chapitre au sujet de la grande remise à
zéro (the big reset). Dans ce livre, j’ai publié plusieurs commentaires de
leaders chinois qui ont été faits ces dernières années, qui démontrent
clairement que la politique du gouvernement vise à encourager chaque Chinois
à acheter de l’or ou de l’argent physique… ils essaient vraiment de stimuler
l’investissement dans l’or ou l’argent par les citoyens. En Chine, il y a
plus de 100,000 comptoirs au détail où ils vendent de l’or et de l’argent,
dont plusieurs banques, lesquelles sont étroitement liées avec le Parti communiste
et l’État. Mon livre a été publié en Chine par une importante université de
Pékin, l’Université Renmin. L’Université Renmin, c’est, en réalité,
l’université du Parti communiste. C’est l’université où les leaders de la
Chine, actuels ou futurs, ont été éduqués. Cela me dit que la Chine veut être
informé de ce qui se passe à l’extérieur et, évidemment, nous ne savons
pas le montant des réserves officielles d’or de la Banque populaire de Chine.
C’est un secret d’État. Mais il y a de fortes chances qu’en 2015, le renminbi
soit ajouté au panier de devises comprises dans les droits de tirage spéciaux
(DTS, ou Special Drawing Rights, SDR) du FMI. Et, pour faire partie de ces
DTS, la Banque populaire de Chine doit publier l’état de ses réserves
financières, incluant ses réserves d’or, et les probabilités sont assez
grande que, dans les douze mois à venir, nous saurons le montant des réserves
officielles d’or de la Chine. Mais nous savons, d’après les statistiques de
commerce, que la Chine a importé, dans les six, sept, huit dernières années,
d’énormes quantités d’or… L’an dernier, il y a eu au moins 2,000 tonnes d’or
physique échangées et, cette année, c’est un peu plus. Le marché chinois de
l’or physique est incroyablement solide.
Dan Popescu : Puis-je vous demander,
pour terminer… si vous deviez faire une prédiction pour l’or l’an prochain…
comment voyez-vous l’or se comporter en 2015 ?
Willem Middelkoop : Il est
important de dire que le prix de l’or a atteint son plancher… peut-être
baissera-t-il encore un peu, mais s’il le fait, cela sera pour un temps plus
court, et il y aura de fortes hausses, comme nous l’avons vu en novembre et
en décembre. Il y a de fortes probabilités que nous sortirons finalement de
cette longue tendance baissière qui dure depuis 2011, et surtout pour
l’argent… l’argent est prêt à exploser, on le sent très fort. Au Commodity
Discovery Fund, nous avons fait une étude sur l’or, l’argent, le platine et
le palladium. Il commence déjà à manquer de platine et de palladium… ils sont
déjà en déficit, l’argent est en déficit, et je ne serais pas surpris
d’entendre des histoires de pénurie d’argent physique dans les douze à
dix-huit mois à venir. Nous avons vu un communiqué de presse d’une petite
minière d’argent mexicaine qui a reçu US$30 millions d’une société chinoise.
Les Chinois ont payé ces $30 millions pour s’assurer d’avoir assez d’argent
physique en 2018 et 2019. Cela me dit que les Chinois sont très inquiets au
sujet de la disponibilité de l’argent dans les années à venir.
Dan Popescu : Merci, Willem,
j’aurais souhaité disposer de plus de temps. Je recommande votre livre,
encore une fois. C’est un très bon livre, et il est d’actualité. Et, au nom
de Goldbroker.com, je souhaite à tous de joyeuses fêtes et une bonne année !
Willem Middelkoop : Je suis
d’accord avec cela ! Profitez-en, et à la prochaine !
Willem
Middelkoop est le fondateur de Commodity Discovery Fund, et il est auteur. Il
a acquis une grande notoriété grâce à ses commentaires sur la Bourse à la
RTLZ, la chaîne télé d’affaires hollandaise. Il a prédit la crise du crédit
dans son livre « Als de dollar valt » (Si le dollar tombe), en 2007. Il
publia ensuite « De permanent oilecrisis » (La crise permanente du pétrole),
en 2008, « Overleef de kreddietcrisis » (Survivre à la crise du crédit), en
2009, « Goudd enjet geheim van geld » (L’or et le secret de la monnaie), en
2012, et son livre le plus récent, « The Big Reset – War on Gold and the
Financial Endgame » (La grande remise à zéro – La guerre de l’or et la
fin de partie financière), en 2013.