Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Le 16 septembre 2014, il y a peine quelques mois, j’écrivais l’édito du jour et je l’intitulais :
« Construction, union, intégration, désintégration, dislocation, et explosion !… »
J’y disais la chose suivante, et vous pourrez le relire en entier pour ceux qui le souhaitent car je vous indique le lien en bas de page.
« Construction, union, intégration, désintégration, dislocation, et explosion… voilà quelles pourraient être les différentes étapes de la vie à la mort de l’Europe tant l’ensemble européen est désormais à la croisée des chemins, coincé entre plus d’intégration (ce qui est actuellement souhaité) et la tentation de la désintégration où chaque pays membre, en particulier de la zone euro, souhaiterait pouvoir retrouver quelques marges de manœuvres monétaires pour adoucir des politiques budgétaires qui se doivent, face aux tombereaux de dettes souveraines accumulées et à l’absence de croissance, de devenir restrictives… »
Il ne s’agit pas de faire de la « gloriole » mais de remettre justement la décision très importante de la BCE concernant le QE annoncé de plus de 1 100 milliards d’euros. Un QE monumental, colossal, que dis-je, MAGISTRAL et pourtant, alors qu’il est salué par tous les commentateurs ou presque, par les marchés comme par les investisseurs, j’ai pourtant à cette occasion l’immense regret de vous faire part du décès de la monnaie unique appelée « euro ».
Derrière la « bonne nouvelle » se cache la première étape de la désintégration de la zone euro !
Bon, vous l’aurez compris, je ne suis pas triste du tout en fait. L’euro était très mal ficelé et cela n’a aucun sens de poursuivre cette aventure monétaire commune devenue désastreuse et c’est un premier pas très important qui a été fait aujourd’hui par Mario Draghi : il vient ni plus ni moins d’annoncer qu’il y aura de moins en moins d’euros dans les prochains mois, même s’il semble qu’il va y en avoir beaucoup plus et je vais me faire un plaisir de vous expliquer ce qui peut sembler, à première vue, un grand paradoxe.
Tout le truc tient dans cette simple petite phrase passée inaperçue ou sur laquelle on jette pudiquement un voile… « Les opérateurs de marché ont immédiatement réagi positivement à l’annonce, le CAC40 s’appréciant de 1 % en quelques minutes, avant une prise rapide de bénéfices lorsque Mario Draghi a précisé que les banques centrales nationales porteront 80 % des risques liés aux rachats, tandis que la BCE n’en portera que 20 %… »
Il faut bien lire et relire cette petite phrase et bien la comprendre pour ce qu’elle signifie, à savoir que chaque banque nationale va racheter ses propres obligations d’État et que la BCE en elle-même ne portera que 20 % du risque, c’est-à-dire au mieux 200 milliards sur les plus de 1 000 qui devraient être injectés !!
En clair, chaque banque centrale nationale vient d’obtenir le droit de battre monnaie pour des montants différents et à sa convenance ou presque. Alors je vous pose la question à 1 000 milliards d’euros :
Comment peut-on avoir une monnaie unique avec des banques centrales monétisant de façon hétérogène ?
Impossible, tout simplement, l’euro est mort et c’est un pas enfin vers la reconnaissance de cet état de fait. On gagne encore un peu de temps avant d’avouer officiellement que l’euro est mort mais il est bien mort. La France va monétiser en cœur et j’entends déjà nos amis socialistes nous expliquer comment nous allons pouvoir dépenser la cagnotte (surtout pour se faire réélire en 2017), les Italiens qui n’ont jamais su faire autrement que d’imprimer des billets vont faire pareil, les Espagnols itou… De l’autre côté, la rigueur allemande va s’exprimer pleinement et la Buba, la Banque centrale allemande, n’émettra aucun billet tout neuf pour Berlin qui se paye le luxe d’un budget en excédent… Et vous pensez que la Banque de France va imprimer des billets pendant deux ans en gardant tout cela dans son bilan sans qu’il ne se passe rien ? Non, il n’y a pas à dire, c’est le processus de désintégration qui vient de commencer et c’est sans doute cela qui explique la décision de la Suisse de ne plus défendre sa monnaie.
Il s’agit bien en réalité de la fin de l’euro et contre la fin de l’euro, la Suisse et la Banque centrale suisse ne peuvent rien et, plus grave encore, il serait assez dangereux pour les Suisses de poursuivre leurs achats d’euros par milliards chaque jour si l’euro devait rapidement disparaître et ne valoir plus rien.
On n’aura pas plus d’Europe, donc ce sera moins d’Europe puis plus d’Europe
Le terrorisme, la libre-circulation, les problèmes de délinquance ou d’immigration montrent que l’Europe est inefficace à régler quelque problème que ce soit. Le débat aujourd’hui c’est comment on fait « moins de Schengen ». Mais ce n’est pas tout : du côté économique c’est le même phénomène, la tentation naturelle n’est pas plus d’Europe mais moins d’Europe avec, sur tous les sujets, un retour à la souveraineté nationale sous la pression de peuples excédés par des europathes aussi incompétents que corrompus.
Logiquement, et tout le monde d’ailleurs s’accorde là-dessus, soit nous dépassons nos difficultés avec plus d’Europe et par exemple des unions de transferts ou les riches (Allemands) payent pour les plus pauvres (Grecs), soit nous faisons moins d’Europe avec le retour du « chacun pour soi et Dieu pour tous »… La décision de la BCE d’aujourd’hui enterre sans la moindre ambiguïté le concept même d’union monétaire. Comment voulez-vous parler d’union alors que chaque banque centrale nationale reprend sa capacité à monétiser pour soi-même ? Pour le moment, tout le monde va monétiser et imprimer la même monnaie, de l’euro, mais combien de temps cela peut-il durer ? Impossible à dire mais pas longtemps puisque la tentation sera évidemment d’en redemander encore plus et lorsque les choses deviendront trop déséquilibrées, alors l’euro explosera naturellement, mais encore plus grave, cette décision est sans doute la plus mauvaise façon de préparer la fin de l’euro.
C’est une catastrophe annoncée !!
Pourquoi ? Simple en fait, au lieu de sortir de l’euro en bon ordre, en appliquant tous par exemple une parité de 1 pour 1 avec notre nouvelle monnaie 1 euro = 1 nouveau franc, qui après se dévaluera ou s’appréciera progressivement en fonction de notre politique monétaire et de notre gestion des finances publiques, nous allons d’abord saccager consciencieusement le bilan de notre banque central, la Banque de France, en monétisant plus que d’autres. Quand nous sortirons de l’euro, la dépréciation de notre futur franc sera aussi brutale que notre bilan de banque central sera mauvais. En voulant gagner encore du temps, nous créons les conditions d’une explosion de l’euro qui sera encore plus redoutable, or ce n’est qu’une question de temps.
C’est cela que la décision de la Banque centrale suisse a voulu dire, et c’est cela que le cours de l’or en forte hausse vous raconte également. L’euro est mort. La taille du QE n’est même pas en l’espèce le sujet.
Il est déjà trop tard, préparez-vous.
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)