« … Deux milliards
par ici... Deux milliards par là. En un rien de temps, vous financez
une guerre dans le désert ou vous payez un quart de la population
active à rester chez elle en congé maladie... »
DEPECHE
ETONNANTE du Sunday
Times de Londres : Gordon Brown est un idiot.
Mais il y a encore plus choquant. Son patron, Tony Blair, le premier
ministre qui a mené la Grande-Bretagne à la guerre en Irak sur
de fausses preuves de l'existence d'armes de destruction massive, ne raconte
pas toujours la vérité. Leur parti politique, le Nouveau Parti
Travailliste, aime enterrer les mauvaises nouvelles. Et à Westminster
n’apprécie pas l’avis des experts.
Et ainsi, le plus gros titre financier du Royaume-Uni en ce moment,
plus important même, - si l’on en juge par la taille de la
colonne dans le journal, que la bulle financière qui elle-même
avait déjà battu un record -, est que Gordon Brown n’a
tenu compte d’aucun conseil avant la vente de la moitié de l'or
de la nation au prix le plus bas en 1999.
Vous vous demandez peut-être de quoi il s'agit. Grant Thornton, le cabinet d’expertise comptable, estime
que M. Brown a coûté deux milliards de livres aux contribuables
en vendant 400 tonnes d'or au prix le plus bas de ces 20 dernières
années, au plus bas du marché baissier de l'or.
Mais, pourrez-vous dire, quelle importance ? ? Le gouvernement central du Royaume-Uni
dépense cette somme tous les deux jours. Mais cela dit, deux milliards
par ici, deux milliards par là et en un rien de temps, vous financez
une guerre dans le désert ou un arrêt maladie pour un quart de
la population active.
Malgré tout, il est toujours bon de voir un journal national rapporter
une histoire vieille de sept ans. Aujourd’hui, le Times peut
révéler qu'un groupe important de spécialistes du
marché de l’or, rassemblés par la
Banque d'Angleterre, avait été choqué par le
très mauvais timing de la décision du gouvernement, et ce avant
même que la vente fut conclue.
Ces experts ont dit leur stupéfaction à la Banque
d'Angleterre. La Banque d'Angleterre a transmis l’information au
gouvernement. Et malgré tout, le gouvernement a poursuivi la vente. Et
c'est cela que vous appelez une information ?
Le journal ne nous dit pas si oui ou non ces experts du marché
de l'or, avertis en avance par le Ministère des Finances au printemps
1999, ont été en position d'utiliser une telle information
interne à leur propre avantage. Mais « le timing de la
décision était ridicule », dit Peter Fava, alors directeur du département des
métaux précieux chez HSBC.
« Nous les [le conseil d'experts] avons avertis : vous
allez faire baisser le prix avant de vendre. »
Et bien sûr, c'est exactement ce qui est arrivé. L'or a
chuté de pratiquement un dixième du fait de la décision
de Gordon Brown d'annoncer la vente au préalable.
« J'ai été surpris de voir qu'ils avaient choisi
la méthode de la vente aux enchères », ajoute Martin Stokes,
ancien vice-président de J.P. Morgan. « Cela montrait qu'ils ne
comprenaient pas vraiment le marché de l'or. »
Qu’ils n’y comprennent rien, cependant, n'est pas la
question. La banque d'Angleterre n'a pas eu son mot à dire. Il lui a
seulement été demandé de conseiller le gouvernement sur
la manière de vendre l'or. La décision de la vente
elle-même avait déjà été prise par le
Ministère des Finances. Et depuis lors, nous dit le Times, le gouvernement
a refusé toutes les demandes qui lui ont été faites de
publier les comptes-rendus et les e-mails écrits à
l'époque.
Le journal rapporte qu'aujourd'hui, le gouvernement est
embarrassé par sa décision de vendre l'or. Mais cela ne se voit
pas dans le comportement de Gordon Brown. Ce type n'est pas gêné
d'avoir détruit les retraites du Royaume-Uni, ni d'avoir si lourdement
taxé le paiement des dividendes que les ventes de fonds mutuels aux
investisseurs privés se sont effondrées. Pourquoi serait-il
gêné d'avoir vendu de l'or à la fin du XXe siècle
? Après tout, tout le monde le faisait.
« La détérioration des finances publiques de la
Suisse a amené une prise de conscience grandissante des coûts
d'opportunité liés à la maintenance de la structure
existante des actifs de la Banque Nationale de Suisse », a dit le
vice-président de celle-ci, Philipp
Hildebrand, lors d'un discours en 2005. « Les énormes avoirs en
or on soulevaient de plus en plus d'inquiétudes dans le contexte de
sentiments de marché baissier et de ventes d'or par d'autres banques
centrales. En novembre 1997, une révision partielle de la loi sur la
Banque Nationale de Suisse a augmenté la flexibilité des
activités de gestion des réserves de cette dernière.
»
Il a fallu changer la constitution Suisse afin de permettre à
la Banque Nationale de Suisse de vendre 1300 tonnes d'or au cours des huit
années suivantes. Le peuple Suisse a accepté, et ratifié
un changement de la constitution. Ainsi, de nouvelles lois ouvrirent la porte
des coffres, et l’or de la nation Suisse s'en échappa.
En bref, Gordon Brown a peut-être été un idiot,
mais il n'a pas été le seul. En fait, avant même que la
Suisse commence à vendre son or en 1997, des ventes d'or
concertées et régulières étaient
organisées par les banques centrales d'Argentine, d'Autriche,
d'Australie, de Belgique, du Canada, du Luxembourg, de la République
Tchèque et de l'Inde. À Washington, on commençait
à discuter la possibilité de vente d'or par le FMI. Et ce
week-end, le ministre des finances japonais a à nouveau soulevé
l'idée.
« Le Japon a dit au comité : ‘pourquoi ne pas
vendre de l'or ?’ », dit Koji Omi.
En effet, pourquoi pas ? Il ne fait aucun doute que le FMI trouverait des
acheteurs au Kremlin, à Pékin, et peut-être même
à Johannesburg. Le gouvernement sud-africain a récemment acquis
de l'or directement extrait des mines de son pays. Interfax, l'agence
d'information soviétique indépendante, a rapporté jeudi
dernier que Moscou pensait acheter de l'or directement aux compagnies
minières russes.
Et la Chine, ainsi que le rapporte le Sunday
Times, a acheté l'or britannique avec empressement lors des ventes aux
enchères à bas prix de Gordon Brown. « Plusieurs pays
asiatiques, dont la Chine, sont cités par une source interne pour
avoir acheté l'or du Ministère des Finances ‘au
rabais’ », dit le journal dans son article. « Les
Chinois ont peut-être réalisé un bénéfice
de plus d’un milliard de livres avec la braderie de Brown. »
Dans le même temps, sur le marché au comptant, l'or pour
livraison immédiate continue d'augmenter par rapport à toutes les
devises papier, c'est-à-dire la monnaie fiduciaire produite à
volonté – à l’opposé de l’or –
par les gouvernements du Royaume-Uni, de la zone euro, du Japon, de
l'Australie, de l'Afrique du Sud, des États-Unis, de la Chine, de la
Russie, etc.
Aussi longtemps que Gordon Brown continuera à brader l’or
de la Banque d’Angleterre, il n’est peut être pas idiot
d’en acheter.
Adrian Ash
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