Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Cela fait plusieurs années que je dénonce inlassablement le fait que l’on fait n’importe quoi – enfin pas nous, les « brillants » qui nous dirigent.
Souvenez-vous, aux pires moments d’incertitude sur la Grèce et l’avenir de l’euro, c’était en 2011 et les sommets de « l’ultime dernière chance » pour sauver la Grèce se succédaient à un rythme effréné.
Après des milliers d’heures de discussion, après des milliers d’heures d’avion, de jet privé et conciliabule, après le G7, les G8 et les G20, il a été trouvé un accord autour d’un mécanisme d’abord baptisé MES puis FESF…
MES et FESF, deux fadaises intellectuelles visibles dès le départ
Le MES c’est le mécanisme de stabilité européen, et le FESF, son petit frère qui a pris le relais et qui est censé être en fonctionnement actuellement, signifie « fonds européen de stabilité financière ». Comme dit ma femme, c’est toujours l’inverse. Si on nous parle de baisse d’impôts, c’est qu’ils vont monter, et si on nous parle de « stabilité » c’est évidemment parce que tout est instable… Bref, le FESF… le fonctionnement de ce machin est très simple.
Le principe est que des pays comme la France, l’Allemagne, mais aussi l’Italie, l’Espagne ou le Portugal, qui sont tous des pays surendettés (y compris l’Allemagne qui a 85 % de dettes sur PIB tout de même, soit largement plus, disons-le, que les 60 % indiqués comme critère dans le traité de Maastricht) versent de l’argent qu’ils n’ont absolument pas dans un fonds destiné à sauver des pays qui sont économiquement totalement condamnés comme la Grèce…
En ce qui me concerne, c’est toujours de cette façon-là que j’ai expliqué le FESF. C’est donc de mauvaises solutions et une mauvaise approche intellectuelle car ce mécanisme non seulement ne règle rien mais de surcroît va mettre en danger l’ensemble des autres pays européens puisque évidemment nous créons à ce niveau une possibilité de contagion en mettant en place une dépendance.
Vous pouvez considérer le FESF comme une cordée d’alpiniste. Le premier est le plus fragile (la Grèce). Le dernier, le plus solide, l’Allemagne. Lorsque la Grèce va chuter, elle risque d’entraîner avec elle les poids plume de la cordée… C’est une évidence. Il s’agit de l’Italie et de l’Espagne. La France et l’Allemagne, techniquement, supporteront le choc, enfin nous, les con-tribuables puisque cela va nous coûter la modique somme de 68 milliards d’euros, ce qui donne bien sûr des sueurs froides à nos fonctionnaires de Bercy.
Si la Grèce tombe, combien ça coûte ?
Voici ce que nous apprend cet article du Figaro qui a fait les comptes pour nous :
« Ainsi, au delà des 223 milliards d’euros, détenus par le FESF et les États de la zone euro, «il faudra également éponger les 118 milliards d’euros que la BCE apporte actuellement aux banques grecques pour leur permettre de fonctionner», explique un bon connaisseur de l’institution. Ces fonds viennent en grande partie (à hauteur de 85 milliards d’euros) du programme ELA (emergency liquidity assistance), par lequel la banque centrale grecque octroie des prêts d’urgence aux banques du pays.
Une facture potentielle de 68 milliards pour la France
«Pour la France, la facture s’élèverait ainsi à un peu plus de 68 milliards d’euros», explique Philippe Waechter, économiste en chef chez Natixis Asset Management. L’Allemagne récupérerait quant à elle un fardeau supérieur à 85 milliards d’euros. L’Italie serait à peine mieux logée que la France, l’Espagne récupérerait 10 % des sommes en jeu et ainsi de suite pour tous les autres pays de l’Union monétaire.
D’autres ajoutent aussi la contribution du FMI, soit 33 milliards d’euros. Autant dire que, dans une Europe encore convalescente, la pilule serait impossible à faire passer. En France, par exemple, l’ardoise grecque représenterait entre 3 000 et 4 000 euros par foyer fiscal.
Dans les salles de marchés, on se livre à un calcul tout simple pour estimer la contribution de chaque pays et on aboutit aux mêmes ordres de grandeur. Sur les 320 milliards d’euros de dette de la Grèce, la France récupérerait au bas mot, 20 % de ce montant, soit plus de 64 milliards d’euros. Mais pour Philippe Waechter chez Natixis Asset Management, il est pratiquement impossible d’évaluer le coût réel d’un tel naufrage, «c’est la crédibilité de l’ensemble de la zone euro qui est en jeu». »
Une crise qui n’a jamais été finie !
La tragédie grecque n’a évidemment jamais été terminée pusique nous n’avons strictement rien fait pour régler le fardeau insuportable de la dette grecque. Il ne s’agit pas de savoir si c’est moral ou pas, de savoir si les Grecs sont vilains tout plein ou pas.
Il s’agit juste de dire qu’avec 180 % de dette sur PIB et une récession économique qui dure depuis 7 ans, les Grecs SONT en faillite. Donc il faut trouver les meilleures modalités possibles de règlement de cette faillite.
Ce qui a été fait jusqu’à présent a uniquement consisté, via le FESF et les aides européennes, à transférer les créances grecques pourries détenues par les banques commerciales, et en premier lieu les banques allemandes qui s’étaient littéralement gavées de dettes grecques pour avoir des taux d’intérêt plus élevés et donc de meilleurs rendements, vers les États et les contribuables des différents pays membres de la zone euro.
Si hier la dette grecque était le problème des banques, il est aujourd’hui celui des citoyens… Mais la dette est toujours là, rien n’a été réglé. Jamais.
Pourtant, on vous a annoncé à de multiples reprises que la crise était finie, que la reprise arrivait. Rien de tout cela ne s’est produit, la crise n’est pas terminée et la Grèce est en faillite.
Reste à savoir si Tsipras acceptera de jouer le jeu et de faire durer encore un peu cette tragi-comédie grecque ou si au contraire, il forcera chacun de ses créanciers à prendre ses pertes.
Aujourd’hui, ce n’est plus la Grèce qui a un problème… c’est nous. Simplement, personne n’en a véritablement conscience.
Il est déjà trop tard, préparez-vous.
Charles SANNAT
(pour m’écrire charles@lecontrarien.com)
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)