Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
L’euro est-il responsable de tous nos malheurs ? Non. Est-il l’un des responsables de nos difficultés économiques ? Sans conteste oui. Pourquoi ? Parce que plaquer une monnaie homogène sur des économies hétérogènes était une absurdité dès le départ, une absurdité économique parfaitement connue et dénoncée avec constance par des observateurs remplis de simple bon sens dont je fais partie.
Faire l’euro, et donc la monnaie unique, n’est possible, lorsqu’il y a hétérogénéité économique, que si et seulement si cela s’accompagne d’une union de transfert. Il faut, pour faire simple, que les riches payent pour les pauvres. C’est ce qui se passe en France entre les régions, c’est ce qu’il se passe en Allemagne entre l’Est et l’Ouest ou en Italie entre le Nord et le Sud. Il fallait donc une union de transfert. Pour qu’il y ait une union de transfert, il fallait une Europe fédérale, avec un trésor européen, un fisc européen, des impôts européens.
On peut évidemment être opposé à ce projet de grand « saut fédéral », et à titre personnel j’y suis profondément opposé car pour le moment, l’Europe montre des signes inquiétants d’autoritarisme et un non-respect systématique des démocraties nationales. Enfin, je pense qu’il ne peut pas y avoir de représentation et de démocratie européenne, l’Europe, entité désincarnée et ne correspondant à aucune réalité historique ou territoriale autre que fantasmée, ne peut que devenir un pouvoir oppressant.
Mais revenons à nos moutons. L’euro donc n’est pas viable en l’état : que l’on soit pour ou contre la monnaie unique, pour ou contre l’Europe fédérale, pour ou contre l’Europe tout court, n’est pas le problème, techniquement l’euro n’est pas viable. Cela fait 7 ans que l’on cache la misère sous le tapis et la poussière aussi. Le temps des comptes est désormais venu.
Alors quel serait le coût d’une sortie de l’euro par la Grèce ?
C’est une question à laquelle il est globalement impossible de répondre tant les variables économiques et politiques sont nombreuses.
L’avantage de l’euro c’est qu’il a permis à la Grèce de s’endetter… mais maintenant que la Grèce est en défaut, la question du recours aux marchés ne se pose même plus….
L’inconvénient de l’euro c’est qu’il a étouffé la compétitivité grecque… mais il a baissé le coût des importations et notamment de l’énergie.
L’avantage d’une sortie de l’euro c’est que la Grèce pourrait retrouver très rapidement, grâce à une dévaluation compétitive, de la croissance comme ce fut le cas après la crise de 2007 de l’Islande, un exemple assez remarquable et très peu cité.
L’inconvénient d’une telle dévaluation liée à l’introduction d’une nouvelle monnaie grecque dont personne ne voudrait serait évidemment une forte inflation importée. Tout ce qui serait importé coûterait très cher, qu’il s’agisse du pétrole, ou encore des médicaments par exemple.
Côté financier, les banques grecques pourraient ne pas supporter le choc d’une sortie de l’euro et d’un défaut de paiement grec, dans ce cas les CDS (crédit défaut swap) pourraient être activés. Il s’agit de paris sur le défaut éventuel de la Grèce… Ce serait la boîte de Pandore et personne ne sait ce qu’il y a dedans.
Côté politique, quelle politique mènerait Tsipras, une austérité plus douce mais une grande rigueur budgétaire ou un immense laisser-aller ?
Quelle serait l’attitude de l’Europe ? Nous serions « coopératifs » avec la Grèce, ou lui mettrions-nous des bâtons dans les roues ?
Juridiquement, rien n’oblige la Grèce à sortir de l’euro, ni de l’Europe, mais l’Europe et ses partenaires ne mettraient-ils pas la Grèce dehors ? La Grèce aurait-elle des droits de douanes à payer ? Remettrions-nous des frontières ? L’Europe peut pourrir la vie de la Grèce à des fins de vengeance (ce qu’elle a démontré qu’elle était largement capable de faire vue les souffrances inutiles imposées au peuple grec). Si l’Europe entrave la croissance grecque, alors la reprise grecque sera entravée.
La reprise économique ne peut pas seulement se fonder sur le retour à une monnaie nationale, et cela est valable pour tous les pays qui seraient éventuellement concernés par une sortie de la monnaie unique. Comme je l’écrivais au début de cet article, tous nos maux ne sont pas liés à l’euro mais à un ensemble de facteurs économiques dont l’euro fait partie. Délocalisation, informatisation, robotisation, concurrence faussée entre les pays à bas coût et l’Occident de façon générale, globalisation, mondialisation, raréfaction des ressources, augmentation des prix de l’énergie qui n’est plus abondante et peu coûteuse, ou encore crise écologique et environnementale, déflation démographique ou vieillissement de la population, les causes de la crise sont multiples et n’agir que sur le facteur monétaire nous donnera certes un répit, mais un répit de bien courte durée comme le montrent les exemples britannique, suisse ou encore japonais et américain. Tous ces pays disposent de leur propre monnaie nationale. Tous ces pays souffrent économiquement et la reprise ou la croissance économique y sont loin d’être époustouflantes.
Alors combien va coûter à la Grèce la sortie de l’euro ?
Personne ne le sait, personne ne peut sérieusement affirmer quoi que ce soit.
La seule conviction que je souhaite partager avec vous c’est que notre situation économique est complexe et que quel que soit le chemin choisi, il sera difficile et douloureux. Il n’y a plus aucune solution facile pour changer notre modèle économique.
En revanche, avec un projet et une vision politique, tout redeviendrait possible car la fin d’un monde ne signifie pas la fin du monde mais l’invention et la mise en place d’un nouveau monde, et les naissances, comme toutes les naissances, doivent être porteuses d’espérance et de joie !
L’avenir sera ce que nous en ferons.
Il est déjà trop tard, préparez-vous.
Charles SANNAT
(pour m’écrire charles@lecontrarien.com)
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)