Manu, plutôt que de me perdre en exégèse de vos propos et en vous remerciant de vouloir me "chasser" du pouvoir ( ou mes semblables) ce qui me fait beaucoup d'honneur, je vous livre ce texte qui fait référence ( comme vous) à De Gaulle et Mitterrand:
Il s'agit d'un extrait d’un livre d’un témoin éminent que j’ai d’ailleurs rencontré , il y a de nombreuses années. Je vous laisse juge sans commentaires…
Roger Belin, Secrétaire Général du Gouvernement français de 1958 à 1964.
« Lorsqu’une République chasse l’autre » Souvenirs d’un témoin. Editions Michalon 1999.
Chapitre 5- Affaires diverses-
La commémoration du 8 mai 1945 (pages 199 et 200)
Le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie capitulait. Huit ans plus tard, en 1953, une loi décidait que la France commémorerait la victoire le 8 ami, ce jour devenant désormais férié.
En 1959, un décret du 11 avril, signé du Premier Ministre ( Michel Debré) – ce qui serait inconcevable aujourd’hui, disposait qu’à partir de 1960, , la commémoration de la victoire de 1945 aurait lieu le 2ème Dimanche du mois de mai : le jour férié disparaissait. C’était une mesure peu populaire, qui cependant ne donna lieu à aucune réaction notable. Si Michel Debré l’a prise, c’est qu’il était irrité par le nombre de jours fériés du mis de mai et par les conséquences qui en résultaient sur la production industrielle . Il n’avait pas, à l’évidence, le culte des vacances et considérait avec raison que le travail est créateur de richesse. Avant de signer ce décret, il avait demandé l’approbation du Général De Gaulle et l’avait obtenue, très certainement , sans aucune difficulté si l’on en juge les propos que celui-ci a tenus, quelques semaines plus tard, devant le conseil des ministres où avait été évoqué le déroulement des cérémonies commémorant la victoire de 1945. « Cette victoire, dit le Général, n’est d’ailleurs pas la nôtre. L’action de nos forces, qu’elle fût celle de nos armées ou de la Résistance, n’a été d’aucun poids dans le résultat final : elle n’a pas modifié d’un jour ou même d’une heure le moment de la capitulation allemande. Naturellement, j’ai dit et affirmé le contraire car il fallait que la France figurât parmi les grandes puissances victorieuses et fût présente à la table des vainqueurs »
Cette déclaration m’a surpris. J’ai longtemps pensé que De Gaulle allait trop loin. Sans doute, les forces armées françaises- notamment la 2ème DB, les divisons de l’Armée d’Italie, la 1ère Armée- qui ont montré tant de vaillance et qui se sont signalés par tant de fais glorieux, ne pouvaient guère se comparer au formidable appareil militaire que l’Angleterre, les USA et l’Union Soviétique avaient fini par mettre en œuvre. Il me semblait que la résistance avait contribué de manière significative au succès des armées alliées au moment du débarquement en Juin 1944 et dans les mois qui ont suivi.. mais nous savons aujourd’hui, notamment par les archives de la Wehrmacht, que les Allemands n’ont opposé à la Résistance, à quelques exceptions près, que des troupes bien incapables de combattre sur le front de l’Est ou sur celui de Normandie, et que les entraves apportées aux mouvements de leurs unités ou à leurs communications ont été moins sérieuses qu’on le pensait.
Il n’en reste pas moins que, pour une opération aussi difficile que le débarquement, l’action des résistants et en particulier les renseignements qu’ils ont fourni au commandement allié, ont contribué au succès de l’entreprise et ont diminué les risques d’un échec, qui eut été catastrophique et qui eut, sans doute, retardé la fin du conflit.
En définitive, et sous cette réserve, De Gaulle avait raison : avec les forces dont nous disposions alors, nous ne pouvions guère influencer ni le résultat final ni sa date. Et pourtant il était nécessaire que nos combats, nos souffrances et nos morts manifestent, à coté des combats, des souffrances et des morts de nos alliés, la participation de la France à l’effort commun et lui assurent que le règlement du conflit de s’accomplirait pas sans elle…//…
Mais pourquoi, aujourd’hui, plus de cinquante ans après ces grands évènements, ne pas reconnaître la vérité ? Pourquoi, par exemple, continuons nous depuis un demi-siècle, en célébrant chaque 24 août la libération de Paris à répéter ce que De Gaulle avait dit alors : « Paris, libéré par lui-même » , alors que nous savons bien que cela n’est pas vrai et que la Résistance parisienne a été avant tout une lutte pour le pouvoir ?
Pendant combien de temps encore allons nous nous complaire dans les mythes ?
Il est curieux de signaler que Fr. Mitterrand, qui a cependant rétabli le 8 mai comme jour férié, n’était pas loin de penser comme De Gaulle ; il aurait dit, en effet, à Jacques Attali, le 8 mai 1898 : « Encore une célébration : ce mois est fait de fausses victoires et de vraies vacances. »