Nous
pensons savoir que l’or n’est plus une monnaie, parce que c’est ce que nous
répètent sans cesse les keynésiens et les monétaristes.
L’or a été remplacé par
les monnaies des gouvernements, que nous utilisons pour acheter et vendre,
pour régler nos comptes, et payer nos impôts. Bien qu’il soit vrai que l’or n’est
aujourd’hui plus utilisé pour finaliser des transactions ailleurs qu’en Asie,
cette supposition très commune n’est basée sur aucun fait.
Il est une chose pour
les macro-économistes de tous bords de théoriser sur le contenu de la
corbeille de l’Histoire, mais ce sont les choix des individus qui importent
vraiment. L’humanité a la capacité incroyable de s’adapter et d’utiliser
comme monnaie ce qui lui est disponible comme ce qui lui est imposé. Bien qu’elle
se soit adaptée et utilise les monnaies des gouvernements comme moyen d’échange,
elle n’a pas toujours abandonné l’or en tant que devise et valeur refuge de
choix.
J’écris cet article dans
les confins paroissiaux d’un état-providence qui aujourd’hui est très loin de
considérer l’or comme une monnaie. Les opinions du peuple à ce sujet sont
sans doute similaires à celles des citoyens d’autres états-providence d’Europe,
d’Amérique du Nord et du Japon. Les professionnels de l’industrie des
finances qui ont étudié la macroéconomie et souscrivent de tout leur être au
rejet de l’or en tant que marchandise sont en réalité très peu nombreux :
à l’échelle du monde, ils ne représentent peut-être pas plus de quelques
millions d’individus. Très nombreux sont ceux qui préfèrent ignorer le
problème plutôt que l’affronter, ce qui dans un sens est aussi vrai pour la
population qui bénéficie des aides et des dépenses gouvernementales.
Le système de l’état-providence,
qui est basé sur tout sauf sur le marché libre, s’oppose au concept de
monnaie saine. Les gens préfèreraient ne pas avoir à payer pour tous les
services qu’il offre au travers de leurs impôts, et l’inflation de la monnaie
et du crédit offrent une alternative de financement plus que pratique. Il est
toutefois erroné de dire que les masses s’opposent à l’or. Il serait plus
correct de les décrire comme n’ayant aucune opinion sur la question. Même les
avocats de l’or occidentaux, qui représentent certainement autant de têtes
que les macro-économistes précédemment mentionnés, perçoivent vaguement l’or
comme une assurance ou un investissement spéculatif plutôt que comme une
monnaie chassée de la circulation par la loi de Gresham.
La population combinée
des états-providence n’est absolument pas opposée à l’or, et l’argument selon
lequel le progrès de la pensée économique l’a réduit au statut de simple
marchandise n’est pas valable. Ce n’est pas vrai en Amérique centrale ou du
sud, où le dollar est perçu comme une alternative viable aux devise locales
parce que les gens ont su s’adapter à ce qu’il leur était disponible. Ce n’est
pas non plus vrai en Afrique subsaharienne, où une majorité de la population
tire vit de l’agriculture de subsistance au sein de communautés tribales. Mais
en Asie, où les civilisations sont traditionnellement attachées à l’or, l’histoire
est bien différente.
Depuis des siècles, les
individus, quelles que soient leurs origines, se rendent compte que les
monnaies des gouvernements sont éphémères, et que l’or est la véritable
monnaie. Lorsque la dévaluation d’une devise mène à son remplacement par une
autre devise, les gens se débarrassent de leur monnaie en faveur de l’or. C’est
vrai pour les Turcs, qui ont subi une consolidation de la lire à hauteur d’un
million pour une en 2005. Selon Wikipédia, une nouvelle lire d’or pouvait à l’époque
se vendre pour 154.400.000 anciennes lires de papier, et la nouvelle lire
continue d’être dévaluée. Les agriculteurs indiens épargnent en or pour faire
face à la dévaluation de la roupie au fil des années. Même les Chinois, après
des décennies de communisme et le lavage de cervelles de la révolution
culturelle, continuent d’accumuler de l’or en tant que véritable monnaie à
épargner pour l’avenir.
Pour comprendre pourquoi
beaucoup perçoivent encore l’or comme une monnaie saine, il suffit de se
pencher sur le passé et d’observer ce qu’était sa valeur avant qu’il ne soit
utilisé comme monnaie. Ceux qui ont déjà été au Caire et ont pu observer le
masque de Toutankhamon sans pour autant ressentir d’admiration en sa présence
sont certainement dénués d’imagination. Non seulement ce masque a surmonté
les épreuves du temps, il est lui-même intemporel, et reste aujourd’hui
identique à ce qu’il a toujours été. Parlez-moi de préservation de valeur.
Max Keiser m’a une fois
raconté avoir participé à un débat pour la BBC sur ce sujet. Il a défendu l’or
face à un économiste représentant le magazine The Economist. Après le débat,
une fois les caméras éteintes, le jeune économiste s’est montré tout aussi
intéressé que les autres de toucher le lingot d’or qui avait été apporté au
studio à l’occasion du débat.
C’est là toute l’idée :
malgré la théorie macro-économique et ce que les intérêts gouvernementaux
voudraient nous faire croire, l’or a toujours fasciné l’humanité. La majorité
des réserves d’or jamais produites sont encore disponibles aujourd’hui sous
forme de bijoux et d’objets d’art. La longévité de l’or et sa fongibilité
font de cet unique matériau la seule monnaie saine disponible à la race
humaine.
Le refus de l’état-providence
d’accepter ce simple fait, et sa proclamation de la supériorité des devises
fiduciaires, les force peu à peu vers un désastre économique. Il a commis l’erreur
de détruire une valeur humaine de base, qu’il ne pourra jamais supprimer. Les
gouvernements asiatiques, qui pour beaucoup voudraient suivre cet exemple, se
trouvent obligés de rester réalistes en raison des préférences de leurs
peuples. Même les membres des gouvernements reconnaissent secrètement la
supériorité de l’or, et comme pour le cas de la Chine, certains gouvernements
incitent leur population à en accumuler.
C’est un sujet qui nous
regarde tous, parce que le processus de création de capital est en déclin en
Occident, et accélère en Asie. Il existe aujourd’hui quatre milliards d’Asiatiques,
dont une majorité est directement ou indirectement impliquée dans l’union
économique de l’Organisation de coopération de Shanghai, qui sont aujourd’hui
devenus les plus gros épargnants et générateurs de capital du monde.
Les devises nationales
vont et viennent, alors que les valeurs humaines subissent sans plier les
épreuves du temps. L’adaptabilité de la race humaine lui permettra de
continuer d’utiliser ce qu’elle trouve le plus utile pour finaliser ses
transactions quotidiennes. L’heure de l’acceptation par les peuples d’une
monnaie fiduciaire en échange de leur dur labeur touche à sa fin. L’impossibilité
du remboursement de nos dettes, qui inclue le coût des aides sociales
futures, commence à nous rattraper. Le besoin de dévaluer ces obligations
commence à peser très lourd.
Quand cela deviendra
évident aux yeux d’une majorité de gens, beaucoup commenceront à se faire une
opinion de l’or. Les moqueries que subissent aujourd’hui les défenseurs de l’or
finiront par être reléguées au passé, et le prix de l’or en devises
nationales reflètera enfin ses qualités monétaires.