Le 16 mars dernier, Bloomberg Business publiait un article qui révélait le
niveau incroyablement proche des coûts de main d’œuvre entre la Chine et les États-Unis. Ainsi, alors qu’en 2014
un rapport de IHS Global Insight montrait déjà que le coût salarial d’un
Chinois correspondait quasiment à 80% de celui d’un Américain, désormais la
différence n’est plus que de 4% en faveur de la main-d’œuvre chinoise !
Deux raisons expliquent ces résultats surprenants. Tout d’abord, depuis
une dizaine d’années, les salaires chinois n’ont cessé d’augmenter,
sous la pression d’une classe moyenne de plus en plus présente et d’une
appétence accrue pour les modes de consommation occidentaux. Dans le même
temps, les États-Unis ont bénéficié d’une réduction des coûts de
l’énergie, d’un environnement réglementaire stable et d’un marché
intérieur énorme qui ont permis des gains de productivité considérables,
notamment dans l’industrie. Les records d’embauche qui tombent chaque mois en
sont une preuve évidente, à tel point que le pays est désormais
proche d’une situation de plein emploi au sens de l’Organisation
internationale du travail (taux de chômage inférieur à 5% de la population
active).
Toutefois ce formidable sursaut industriel s’est accompagné d’une baisse
significative des coûts de main d’œuvre, car s’il y a bien eu une
réindustrialisation des États-Unis depuis quelques années, elle est surtout
liée à la faiblesse de coûts de production des activités consommant beaucoup
d’énergie. Ce ne sont donc pas des activités haut de gamme qui en ont
profité, comme les nouvelles technologies par exemple (lesquelles stagnent
depuis 2007), mais bel et bien l’industrie traditionnelle, très
gourmande en main d’œuvre bon marché.
Ainsi en 2015, pour coller aux qualifications moyennes les plus
fréquemment demandées, le salaire minimum américain s’établissait à $7,25 de
l’heure (environ 6,40 €), soit moins bien qu’en 2009, mais surtout près
de 30% en-dessous de ce que pouvait gagner un ouvrier dans les années 60-70.
Les États-Unis sont donc devenus clairement un pays à bas coût de
production, dont la forte compétitivité a entraîné une
relocalisation de la production manufacturière comme de l’industrie traditionnelle.
La part de marché du pays dans le commerce mondial a donc également largement
progressé dans tous les secteurs qui étaient jusque là presque exclusivement
la chasse gardée des pays asiatiques, ce qui fait dire à certains que les
États-Unis pourraient bien remplacer la Chine au premier rang de la
production industrielle à faible coût.
Car côté performances, les Américains se tiennent plutôt bien : la
productivité des travailleurs américains a ainsi augmenté d’environ 40% entre
2003 et 2016, contre 25% en Allemagne par exemple. Alors, certes, elle a
doublé en Inde et en Chine, mais les États-Unis restent jusqu’à 90%
plus productifs que ces deux géants historiques de la production
manufacturière.
Il faut reconnaître également que la politique de maintien du
dollar à des niveaux volontairement bas arrange bien les affaires
des producteurs américains. Mais les différentes incertitudes qui planent sur
les marchés européens et asiatiques leur font craindre un renforcement
mécanique du billet vert par le seul effet d’une dépréciation du yuan
ou de l’euro. Dans ce cas là, produire aux États-Unis redeviendrait
plus coûteux.
De fait, entre réindustrialisation massive et paupérisation de la main
d’œuvre, certains en viendraient presque à se demander si les États-Unis
n’ont pas choisi de revenir au XIXe siècle pour mieux aborder le XXIe…