L’économie de Chypre reste sans perspectives Richard Werly
Devant la banque centrale de Chypre, à Nicosie, un container vide a été installé. Objectif: recueillir les détritus que déposent de temps à autre avec rage les épargnants chypriotes, pour protester contre le plan de rigueur imposé par Bruxelles. En juin, un artiste insulaire, Andreas Efstathiou, a inauguré cette «déchetterie protestataire» en installant devant l’édifice une vingtaine de WC factices. En prenant bien soin de les placer sous la plaque «Eurosystem», réservée aux pays de l’Eurozone…
Cette colère est logique: «Les Chypriotes se sentent floués, explique l’économiste Alexander Apostolides, de l’Université européenne de Nicosie. Les perspectives de carrière, jusqu’à l’éclatement de la bulle fin 2012, se trouvaient surtout dans la finance. Or aujourd’hui, ce secteur est devenu presque tabou.» Tabou et, de plus, en très mauvaise posture: «Le pays peut demeurer un centre financier pour l’est de l’Europe si les contrôles de capitaux se desserrent peu à peu, poursuit l’intéressé. Dans le cas contraire, les banques fermeront. L’argent russe ou balkanique ira voir ailleurs.»
Les chiffres de l’économie chypriote trahissent ce renversement. En berne ces deux dernières années, les revenus du tourisme continuent de plonger cet été, en raison de la désaffection des Russes (échaudés par leurs placements bancaires), de la tourmente en Syrie (Chypre est une halte privilégiée pour les classes moyennes du Proche-Orient) et de la concurrence de la Grèce voisine, où les prix baissent.
Résultat: la main-d’œuvre étrangère, en particulier originaire des pays Baltes, est en partance. Et le chômage explose dans ce petit pays de 1,1 million d’habitants: le nombre de demandeurs d’emploi est passé depuis janvier de 11,3% à 17,3% selon Eurostat. Au 30 juin, 88 faillites d’entreprises étaient en outre officiellement déjà enregistrées, contre 130 pour toute l’année 2012. Or leur fréquence s’est accélérée ces derniers mois.
Autre impact de la crise: le ralentissement de l’activité immobilière et l’inquiétude grandissante au sein de la population de retraités européens, fort présents sur les cotes chypriotes. Attirés par une taxe sur les successions plafonnée à 5%, beaucoup de Britanniques, par exemple, ont acquis ces dernières années des appartements. Or le gouvernement est sous la pression de Bruxelles pour tout revoir à la hausse. Au risque de chasser les pensionnés vers la partie pro-turque de l’île, fiscalement toujours bienveillante et aujourd’hui très accessible.
QUI a accepté ca dans l'europe?Commenté il y a 4048 jours |