Le 28 août 2013 Jean-Baptiste Jusot
La guerre en Syrie est en train de remettre la Russie au centre du jeu diplomatique international.
Depuis l’annonce d’une opération militaire américaine, et devant un unanimisme bêlant de chefs d’États occidentaux sans envergure, le président Vladimir Poutine fait désormais figure de sage. Aujourd’hui, il est le seul à vouloir privilégier la voie diplomatique, et il est surtout le seul à remettre en cause la version livrée par Washington sur l’utilisation de gaz sarin par l’armée syrienne.
En fait, cette « affaire syrienne » n’est que l’ultime étape d’une opération stratégique d’envergure menée dans la région. En effet, les États-Unis sont à la manœuvre (comme ils avaient fait en Ukraine ou en Géorgie) pour organiser et soutenir les révolutions du grand « Printemps arabe ». Washington désigne les bons démocrates, fustige les méchants dictateurs, et les anciens alliés d’hier deviennent les parias du jour. L’administration Obama fait et défait les marionnettes arabes au gré de ses intérêts immédiats dans la région : pétrole, gaz, armement… et Israël.
Face à cette stratégie de domination impérialiste (au sens où l’entendait Hannah Arendt), très peu de voix s’élèvent pour dénoncer cette géopolitique de circonstance où une superpuissance modèle la carte politique d’une région du monde à la lecture de ses seuls intérêts. La Chine a essayé de s’y opposer via le Conseil de sécurité, mais son système politique la décrédibilise durablement. Comment donner des leçons de respect des droits de l’homme quand on maintient sa population sous un joug de fer ? En fait, seule la Russie porte aujourd’hui une parole différente et une vision du monde distincte de la doxa américaine.
Le face-à-face entre Russes et Américains à propos de la question syrienne est essentiel pour l’avenir et l’équilibre du monde.
Pour Washington, la seule voie possible est avant tout militaire. La doctrine est simple et a été maintes et maintes fois utilisée, des Balkans au golfe Persique en passant par l’Asie centrale ou l’Afrique de l’Est : d’abord frapper fort pour déstabiliser le régime en place et éliminer les forces en présence ; ensuite imposer de nouveaux dirigeants plus dociles et économiquement plus profitables aux États-Unis.
Pour arriver à cette fin, tous les moyens sont bons, surtout celui de la désinformation et de la manipulation médiatique. En effet, depuis plusieurs mois et plus intensivement depuis quelques jours, les médias américains relayés par la presse européenne affirment (en s’appuyant sur les « témoignages » de l’Observatoire des droits de l’homme en Syrie, financé en partie par des fonds américains) que « l’armée de Bachar el-Assad gaze son propre peuple ». Souvenez-vous, cette même méthode de désinformation avait été utilisée avant les interventions militaires contre Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi ou Slobodan Milošević.
Moscou, dernière capitale à refuser d’obéir aux injonctions de Barack Obama, se permet même de le menacer de « ripostes conséquentes » et demande à l’Europe d’arrêter ses « pressions inutiles ».
Cette affaire syrienne peut être pour l’Europe, et la France en particulier, une occasion de retrouver une certaine autonomie politique en refusant de s’aligner sur les USA. Auparavant, quand Soviétiques et Américains se partageaient le monde, la voix de Paris était entendue au Moyen-Orient. Désormais, c’est la Russie qui joue ce rôle d’empêcheur de dominer en rond. En proposant une autre approche géopolitique, Moscou semble se dessiner un nouveau destin et assume ses responsabilités de grande puissance.
Puissent les dirigeants du Vieux Continent écouter avec un peu plus d’attention la voix de la Russie… Il en va aussi de l’équilibre du monde.Commenté il y a 4096 jours |