Certes, mais il y a aussi ceux qui, cherchant la vérité, au fur de leur quête et à défaut, construisent LEUR vérité. Or LEUR vérité n'est pas LA Vérité. Elle en est même parfois loin. De fait, à partir du moment où ils la clament à tout va, ils deviennent eux-mêmes des menteurs - puisque répandant autre chose que LA Vérité (qui, n'étant pas telle, devient par conséquent mensonge dés qu'elle prend le statut d'assertion). Donc je ne pense pas que "le monde se divise en deux parties totalement et définitivement irréconciliables", le chercheur de vérité pouvant lui aussi devenir menteur dés le moment où il fait de SA vérité une allégation péremptoire. Même si c'est souvent en toute bonne foi et à l'insu de son plein gré (sincèrement persuadé que SA vérité est LA Vérité), le traqueur de Lumière peut devenir le pire des obscurantiste, surtout lorsqu'il cherche à imposer à autrui SES vérités comme les seules et uniques, refusant de seulement concevoir qu'il puisse y en avoir d'autres que les siennes, et surtout une : LA Vérité - celle qu'il finit par ne plus voir à force de se cramponner aux convictions erronées dont il a composé son univers intérieur. Oui, D., on aimerait bien que les choses soient aussi simples, comme dans "Le bon, la brute et le truand" ("Le monde se divise en deux catégories..." - genre : "Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un révolver chargé et ceux qui creusent") mais malheureusement je crains que ce ne soit plus complexe que ça. Il n'y a pas d'un côté les gentils et de l'autre les méchants. Si c'était si basique, ce serait facile de faire le ménage. Tous les gentils unis contre les méchants (comme dans bien des films d'Holliwood) et l'affaire serait réglée ? Que nenni !... Car parmi les "gentils" il y a toujours des "méchants" en germe, en genèse ou en devenir : il suffit que les conjonctures changent pour qu'un "gentil" devienne un "méchant" en un glissement fulgurant. Inutile que je donne des exemples, chacun aura le sien sous la main. Alors, quoi ? Continuer à se persuader qu'on est dans le bon camp, alors qu'on est peut-être déjà dans l'autre (celui des pourris) sans même s'en être aperçu ? Dire que les autres sont des menteurs, alors qu'on en est un soi-même ? Charger l'autre de tous les vices, se parer soi-même de toutes les vertus, et essayer de faire croire que c'est, là, LA Vérité ? Non, décidément, je ne crois pas que les choses soient si simples, et qu'il suffise de désigner des coupables à la vindicte pour s'exonérer soi-même de ses bassesses et autres vilenies, de ses méfaits et autres exactions, de ses mesquineries et autres petitesses. Des "ordures" et des "crapules" (pour reprendre un champ sémantique qui vous est cher), il y en a dans toutes les strates de la population, dans toutes les classes sociales ou culturelles, dans toute catégorie humaine : religieuse, politique, ethnique. Vouloir faire le tri entre les "méchants" et les "gentils" en fonction d'une de ses catégories est une gageure. Le monde n'est malheureusement pas manichéen, n'en déplaise à Sergio Leone via Clint Eastwood (la preuve, le truand, qui est une belle ordure à ses heures, se révèle finalement attachant dans bien des passages du film - tout comme "le bon" peut se révéler un beau fumier, comme le clame d'ailleurs Eli Wallach, à juste titre, dans la scène finale). Il suffit d'une guerre pour que les cartes soient redistribuées entre les "méchants" et les "gentils", les uns devenant les autres, et vice-versa. ... Ou alors l'appât du gain, qui peut transformer le plus paisible des gars en un beau salopard (cf héritage de famille, où un frère peut devenir un monstre insoupçonné d'avidité pour une paire de draps au fond de l'armoire de la grand-mère, au moment du partage). Bref, la théorie des "ordures" trop bien identifiées ne doit pas cacher la réalité, beaucoup plus complexe et infiniment plus nuancée (l'être humain l'étant par essence). Donc, pour ma part, je me méfie toujours des raccourcis car ça peut finir en "raccourcis" (par la guillotine ?) à tort et à travers. Des têtes innocentes sont tombées à la révolution. D'autres, à foison, par la suite (Ranucci, qui le saura jamais ?). Les "raccourcis" intellectuels ne sont donc jamais le terreau propice à l'éclosion de LA Vérité. Or, si on la CHERCHE (pour reprendre vos propos originels), la condition sine qua non est d'accepter que le chemin qui y mène est exigeant et SE DOIT d'appréhender pleinement la complexité des choses, en refusant PAR PRINCIPE toute forme de simplification qui, ipso facto, nous éloigne de ladite Vérité. Le manichéisme peut se déchainer au café des sports devant un Ricard, mais devrait être absent de la panoplie réflexive de tout individu pensant digne de ce nom. A méditer (si, au moins, j'ai pu servir à ça...)
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