Le "petit détail" du discours de Mario Draghi
RETOUR SUR UN "PETIT DÉTAIL" DU DISCOURS DE MARIO DRAGHI DU 26 JUILLET 2012
Il faut toujours se méfier des agences de presse et des résumés qu'elles font des interventions de tel ou tel responsable politique ou économique. Car il peut arriver - plus souvent qu'on ne pense - qu'elles passent volontairement ou involontairement à côté d'une petite pépite, que seuls les initiés ou les spécialistes qui ont le souci de la précision peuvent décrypter à leur juste valeur.
C'est le cas de la désormais fameuse intervention du 26 juillet de Mario Draghi, président de la BCE.
Rappelons-nous. Toute la presse n'avait retenu de cette intervention que les phrases suivantes : « La BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l'euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant. [...] Si les primes de risque sur la dette souveraine handicapent la transmission de la politique monétaire, elles entrent dans le cadre de notre mandat. » Et, pour faire bonne mesure, M. Draghi avait ajouté que « l'euro est irréversible. » http://www.francoisasselineau.fr/2012/07/lincroyable-super-mario.html
Aussitôt, les marchés financiers avaient exulté. Comme ils exultent à chaque fois qu'un "Sommet de la dernière chance", ou qu'un dirigeant européiste, fait une déclaration qui donne à penser que la BCE va intervenir. Ou lorsqu'ils croient que les pays de la zone euro vont accoucher d'un mécanisme permettant de mutualiser les dettes au niveau de la zone elle-même.
------------------------------------------------------------------------ MARIO DRAGHI A EXPLIQUÉ LES RAISONS DU « SPREAD » ------------------------------------------------------------------------ Seulement voilà. Il y a un "petit détail" qui a échappé aux agences de presse, et à la quasi-totalité des journaux qui les ont reprises.
Ce "petit détail" réside dans le fait que Mario Draghi, dans une digression très inhabituelle, a cru bon d'expliquer pour quelles raisons le « spread » entre les obligations allemandes et finlandaises d'un côté, espagnoles, italiennes et grecques de l'autre, atteignait de tels niveaux, supérieurs à 600 points de base.
Je rappelle que le « spread » est la différence des taux d'intérêt sur les obligations exigées par les marchés. Si le taux d'intérêt sur les obligations à 10 ans monte à 7,35 % pour l'Espagne et tombe à 1,21 % pour l'Allemagne, le « spread » sera dit de "614 points de base" (735 - 121 = 614).
S'aventurant sur ce terrain miné, Mario Draghi a expliqué que ce « spread » imposé par les marchés correspondait :
1)- à une prime pour « risque de liquidité » -------------------------------------------------- Le « risque de liquidité » est le risque pris par un prêteur qui accepte de placer son argent à terme et non à vue, et qui n'en dispose donc plus pendant la durée du prêt. Cela lui crée un risque, s'il arrive qu'entretemps il a besoin de récupérer son argent.
Que M. Draghi ait mentionné ce risque n'a pas de quoi faire sursauter puisque ce risque existe en effet pour tout investisseur qui souscrit à des obligations, qu'elles soient allemandes ou espagnoles par exemple.
L'énoncé par M. Draghi du « risque de liquidité » n'est donc pas contraire au dogme européiste.
2)- à une prime pour « risque de crédit » (ou « risque de défaut ») ------------------------------------------------------------------------------- Le« risque de crédit » (ou « risque de défaut ») est le risque pris par un prêteur qui accepte de placer son argent à une entité qui peut faire défaut et ne pas le rembourser.
Que M. Draghi ait mentionné ce risque est désormais devenu courant puisque l'opinion publique a fini par comprendre que la probabilité que la Grèce, l'Espagne ou l'Italie ne remboursent pas leurs obligations est bien supérieure à la probabilité que ce soit l'Allemagne qui fasse défaut.
La différence de « spread » peut donc s'expliquer logiquement par la différence de solidité financière des États concernés.
L'énoncé du « risque de crédit » (ou « risque de défaut ») peut étonner les personnes qui n'ont pas compris que l'euro n'est pas une monnaie unique (créance sur une seul banque centrale débitrice), mais une monnaie commune (créance sur la BCE + 17 banques centrales débitrices). Mais il n'étonne en rien tous ceux qui savent ce qu'a prévu le traité de Maastricht et comment fonctionne l'euro.
L'énoncé par M. Draghi qu'il existe un « risque de crédit » (ou « risque de défaut ») différent selon les États de la zone euro n'est donc pas non plus contraire au dogme européiste.
----------------------------------------------------------------------------- LE "PETIT DÉTAIL" QUI A ÉCHAPPÉ AUX AGENCES DE PRESSE : LE 3ème RISQUE.... ----------------------------------------------------------------------------- Or, et c'est là que se situe la pépite, le président de la BCE ne s'est pas arrêté au 2ème risque, comme l'avaient toujours fait avant lui son prédécesseur Jean-Claude Trichet et tous les dirigeants de la BCE.
Mari Draghi est, si j'ose dire, passé à table et a évoqué un 3ème risque.
Il l'a fait très exactement en ces termes :
« Then there’s another dimension to this that has to do with the premia that are being charged on sovereign states borrowings. These premia have to do, as I said, with default, with liquidity, but they also have to do more and more with convertibility, with the risk of convertibility. Now to the extent that these premia do not have to do with factors inherent to my counterparty - they come into our mandate. They come within our remit. » http://seekingalpha.com/article/760791-the-euromess-continues
Traduction :
« Il y a ensuite une autre dimension à cette question, qui concerne les primes facturées sur les emprunts d'États souverains. Comme je l'ai déjà dit, ces primes correspondent au risque de défaut et au risque de liquidité. Mais, elles correspondent aussi au risque de convertibilité. Maintenant, dans la mesure où ces primes n'ont pas de rapport avec des facteurs inhérents à ma contrepartie - elles viennent dans notre mandat. Elles concernent notre mission. »
Que signifie ce charabia ?
Eh bien que, pour la toute première fois, un responsable de la BCE, et non des moindres puisqu'il s'agit de son président, a évoqué l'existence d'un 3ème risque, qui est le « risque de convertibilité. » Un risque qui est donc différent selon les 17 États de la zone et qui explique l'énormité du « spread » entre les obligations de ces 17 États.
------------------------------------------------------------------- QUE SIGNIFIE LE « RISQUE DE CONVERTIBILITÉ ? ».... ------------------------------------------------------------------- Que peut bien signifier l'existence d'un « risque de convertibilité » différent selon les 17 États de la zone euro ?
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