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“On cria 'haro' sur le baudet” …

Georges Lane Publié le 17 février 2010
4157 mots - Temps de lecture : 10 - 16 minutes
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1. Le marché financier. Aujourd'hui, le marché financier donne une capacité aux hommes de l’Etat d’endetter par la force les contribuables de leur pays, d’emprunter des montants de monnaie sans commune mesure avec ceux qu’ils pouvaient emprunter hier. La cause du changement se trouve d’abord dans les innovations des dernières décennies : l’innovation technique en relation avec les nouvelles techniques d’informations et de communications et l’innovation financière en relation avec la recherche économique en matière de gestion de patrimoine ou de portefeuille. 2. Choix politiques et imposture… La cause du changement se situe aussi dans les choix politiques que font - et ont faits ces dernières décennies - les hommes de l’Etat. Aux termes de ces choix, ils ne réduisent pas ou n’infléchissent pas comme ils le devraient la tendance croissante des dépenses publiques, ils n’augmentent pas les recettes fiscales à due concurrence, mais s’accommodent de la différence entre le montant des dépenses publiques et celui des recettes de la fiscalité, à savoir du montant du déficit du budget de l’Etat. Les hommes de l’Etat s’en accommodent d’autant plus que le marché financier « leur sert la soupe » - si on puit dire - : ils peuvent en effet y emprunter les montants de monnaie dont ils ont besoin, aussi importants soient-ils, pour couvrir le montant du déficit périodique. Et tous ces emprunts en circulation concrétisent l’endettement des Etats à rembourser dans l’avenir. 2.A. Des pourcentages de P.I.B. sans signification. Mais, à entendre les propos tenus ces derniers temps – et d’autres moins récents … - par le « ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique » en exercice en France, les dépenses publiques, les recettes de fiscalité, le déficit budgétaire, l’emprunt périodique et l’endettement étatiques seraient cinq notions indépendantes les unes des autres Une preuve chiffrée de cette aberration, s’il faut n’en citer qu’une, est donnée par la démarche officielle tant française qu’étrangère qui consiste à exprimer le déficit de l’Etat non pas par rapport aux recettes de la fiscalité ou aux dépenses publiques comme l’exigerait la simple logique comptable, mais par rapport au produit intérieur brut (P.I.B.). 2.B. L’objet frontière. Déjà, et à supposer que faire le rapport ait un sens, il y aurait beaucoup à dire sur cet agrégat de la comptabilité nationale dénommée P.I.B. qui résulte en particulier de l’évaluation des services des agents de l’Etat « au coût des facteurs », i.e. d’une évaluation purement arbitraire ! On dira seulement qu’il s’agit d’un « objet frontière »: « Les objets frontières sont ces objets qui “habitent“ plusieurs communautés de pratiques et satisfont les besoins informationnels de chacune d’entre elles. Ils sont ainsi assez plastiques pour s’adapter aux besoins locaux et aux contraintes des différentes parties qui les utilisent, et cependant assez robustes pour maintenir une identité commune à travers ces différents sites. Ils sont faiblement structurés pour ce qui est de leur usage commun, mais deviennent fortement structurés quand ils sont utilisés dans un site particulier. Ils peuvent être aussi bien abstraits que concrets. » [Bowker et Star, 1999 p. 297]. Les promoteurs du concept insistent sur le caractère souvent flou, non exhaustivement défini, de ces objets frontières, qui leur permet précisément de servir à la fois dans plusieurs univers qui auparavant s’ignoraient. Ceci suggère de rapprocher cette idée de celle de « langage commun » […]. Le langage naturel a des propriétés analogues : c’est parce que les locuteurs ne passent pas leur temps à expliciter le sens et le contenu des mots prononcés que la communication est possible. Les objets produits par la statistique publique (le taux de chômage, l’indice des prix, le P.I.B. ....) sont dans le même cas. Une explicitation complète de leur mode de construction et de leur contenu risquerait de ruiner leur efficacité argumentative, non pas seulement parce qu’elle « dévoilerait » des conventions ou des approximations non soupçonnées par l’utilisateur, mais tout simplement pour des raisons d’« économie » du cours des échanges, des débats, des démonstrations dans lesquels les arguments statistiques trouvent place. [Je ne saurais trop insister sur le fait que c'est un statisticien - donc "coupable" - qui écrit ces mots : ceux-ci ont d'autant plus de "valeur" et doivent d'autant plus faire frémir...] Plus profondément même, le travail statistique suppose l’addition et donc l’agrégation de choses dont l’incommensurabilité éventuelle ne peut être surmontée qu’au prix de conventions d’équivalence. Ainsi formulée, la démarche est (ou semble) consciente, voulue, assumée. Mais l’idée d’objet frontière suppose une forme de « naturalisation » de l’objet résultant de la mise en équivalence, qui fait disparaître son caractère conventionnel, ce qui lui permet de circuler d’une communauté de pratiques à une autre, en oubliant ces conventions originelles. L’analyse fine de l’histoire d’un système statistique montre les opérations concrètes, souvent lourdes et coûteuses, qu’implique la mise en place d’une telle machinerie administrative et cognitive. La notion d’objet frontière s’applique bien aux outils techniques et juridiques, conçus et façonnés dans les années 1940 et 1950 en vue, notamment mais non uniquement, de sous-tendre un système d’information statistique. En effet, plusieurs d’entre eux (le Plan comptable général, le fichier des entreprises, la loi de 1951, la nomenclature des CSP, l’indice des prix...) servent à des usages nombreux, sont mis en avant dans des contextes différents par des acteurs qui n’ont rien en commun sinon la référence à ces objets. D’une certaine façon, la «planification à la française», concertée et indicative, débattue dès les années 1950 dans des «commissions de modernisation» rassemblant des « représentants des partenaires sociaux », est une sorte d’orchestration de ces objets frontières [Hickman 1965, Desrosières 1999]. La comptabilité nationale est, de ce point de vue, un "super objet frontière", dont certains ont pensé à un certain moment (des années 1950 à 1970) qu’il pouvait potentiellement englober tous les autres. » (cf. A. Desrosières, 2003) 2.C. Bref… Bref, et malgré ce qu’en disent ou n’en disent pas notre ministre et les officiels nationaux ou étrangers (y compris les organisations internationales), rapporter l’une ou l’autre des notions citées, et en particulier le déficit budgétaire, au P.I.B. ne veut strictement rien dire ! Et il en est de même...
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