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Des banqueroutes évitées à l'inflation potentielle

Georges Lane Publié le 22 novembre 2009
5663 mots - Temps de lecture : 14 - 22 minutes
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1. La prétendue faillite de l'étalon or. Il y a près de soixante dix ans (1937), la France abandonnait l'étalon or pour les paiements intérieurs. Certes, il y avait eu la dévaluation de 59% du dollar en or décrétée par le président des Etats-Unis (l'once d'or, soit 31 g d'or, était fixée à 35 $ depuis 1934) qui avait lui aussi décrété l'abandon de l'étalon or pour les paiements intérieurs – il avait même décrété l'interdiction aux Américains de détenir de l'or. Mais il y avait aussi, en France, la politique du "Front populaire" qui fera passer le franc français de 44,1 mg d'or en 1936 à 24,75 mg - soit à 1/35ème de $ - en novembre 1938 (dévaluation de 44%). Dans ce contexte, Ludwig von Mises écrivait en français dans Aujourd'hui (première année, numéro 4, 15 février 1938, pp.153-161), un article intitulé "Or et inflation". J'en extrais les quelques lignes ci-dessous (les intertitres sont de mon crû). IV [La prétendue faillite de l'étalon or] L'or une fois chassé de la circulation par la politique, les politiciens émirent l'affirmation que l'étalon-or avait fait faillite et que, pour cette raison, il était impossible d'y retourner. Tantôt ils donnent comme raison que la production d'or est insuffisante, ce qui provoquerait une forte baisse des prix, en cas de retour à l'étalon-or. Et tantôt ils affirment que la production d'or est si considérable qu'un retour à l'étalon-or entraînerait une hausse des prix considérable. Enfin, l'on soutient en outre, qu'avant de songer à restaurer l'étalon-or, il faudrait rétablir des conditions normales dans la vie économique. Tous ces arguments sont sans valeur. L'ordre ne sera rétabli dans la vie économique que lorsque le désordre monétaire aura pris fin, grâce au retour à l'étalon-or. Rien ne serait plus simple. Pour que l'étalon-or fonctionne à nouveau sans accrocs, il suffit que les gouvernements s'abstiennent à l'avenir de toute tentative de couvrir une partie du déficit par de nouvelles émissions de monnaie-papier, ou de stimuler artificiellement l'activité économique par un élargissement du crédit. Tout pays, qu'il soit pauvre ou riche, fortement armé ou sans moyens de défense, peut rétablir et maintenir l'étalon-or « orthodoxe » (qualificatif qu'on applique aujourd'hui à l'étalon-or), pourvu qu'il le veuille. Et cela indépendamment de sa situation budgétaire, du bilan du commerce extérieur, des dettes contractées à l'étranger, ou encore des ressources à l'intérieur du pays. Une seule chose est indispensable : qu'on renonce à des mesures vaines qui, dans le cours des événements, ne font qu'ébranler le système monétaire.[…] Pour qu'un pays puisse maintenir son étalon-or, il n'y a rien d'autre à faire qu'à renoncer aux procédés dont on use actuellement. Les règles indispensables au maintien de l'étalon-or sont les suivantes: 1) En aucun cas la machine à imprimer ne doit servir —directement ou indirectement — à couvrir les dépenses publiques. Toutes les dépenses publiques doivent être couvertes par les impôts ou les emprunts que les citoyens consentent à distraire de leurs économies. 2) La Banque d'émission doit, en tous temps, et immédiatement, convertir les billets émis par elle, au taux de la parité or légale. Et pour être en état de le faire, elle doit éviter de baisser artificiellement le taux de l'escompte par l'élargissement du crédit. Tant que les peuples ne seront pas disposés à appliquer rigoureusement ces principes, ils ne cesseront pas de souffrir de troubles monétaires. Il est insensé d'appliquer aux fluctuations monétaires les termes empruntés au vocabulaire militaire. Il n'y a pas de bataille du franc, ni d'attaque du franc, ni de défense du franc. Il n'y a que deux politiques monétaires : - celle qui ne veut pas avilir la monnaie, et - celle qui entraîne l'abaissement du pouvoir d'achat de l'unité monétaire. La faillite de l'étalon-or est la conséquence d'une certaine politique monétaire et non l'œuvre des spéculateurs, ni la conséquence d'une fatalité à laquelle on ne peut se dérober ; elle n'est pas non plus assimilable à une bataille perdue." (Mises, 1938) De fait, les politiciens du monde entier se sont entendus progressivement pour s'affranchir définitivement de ce qui restait de l'étalon or en 1971-73. Et, par la suite, des périodes d'augmentations des prix à des rythmes plus ou moins élevés alterneront avec des "crises". 2. La "crise". La dernière "crise" en date est apparue au grand jour, si on peut dire, début 2007. Cette année là, malgré tous les organismes de contrôle mis en place au fur et à mesure des années et des crises précédentes - une crise, de nouvelles institutions réglementaires... -, le marché financier a découvert progressivement que des banques, voire d'autres intermédiaires financiers, avaient acheté délibérément, directement ou via des "véhicules financiers", des créances à des débiteurs insolvables ou en voie de le devenir comme si de rien n'était (pourtant...). Cela s'est produit quand les premiers débiteurs en question n'ont plus pu faire face à leurs engagements et cacher ainsi la réalité de leur situation. Une partie de la quantité de monnaie en circulation n'avait donc pas de contrepartie comptable réelle comme on l'avait cru, mais des contreparties illusoires. Dans la foulée, se sont formées de noires anticipations sur la situation à venir des banques de second rang, des anticipations de "banqueroute" - de l'italien bancarotta, issu du latin médiéval banca rupta : à l'époque médiévale, la banca était une planche de bois garnie de cases et permettant de changer les monnaies avant d'entrer dans une ville. Lorsque la personne exerçant ce commerce faisait faillite, elle était obligée de casser (rompre) sa banca en public -. 3. L'accord des banques centrales. Qu'à cela ne tienne, d'un commun accord, les gouverneurs des banques centrales sont convenus de racheter aux banques – de second rang – tout ou partie des créances en question ; ils les ont, à l'occasion, qualifiées d'"actifs toxiques" (cf. en annexe ci-dessous un court débat entre Richard Posner et Gary Becker du 29 mars 2009 sur ces actifs toxiques ...). D'où des augmentations considérables des totaux de leurs bilans (cf. ce billet). Au lieu de figurer à l'actif des banques de second rang, ces créances sur débiteurs insolvables ou en voie de le devenir se sont retrouvées à l'actif des banques centrales. Pour l'occasion, les banques centrales ont acheté ces créances aux banques de second rang avec de la monnaie nouvelle . En conséquence, les banques de second rang ont acquis aussi une quantité de monnaie supplémentaire et se sont éloignées de la "banqueroute". 4. L'augmentation des prix en monnaie. Mais comme l'a écrit Mises dans le texte en référence : "Lorsque, pour couvrir ses besoins accrus, l'État [dans le cas présent, les banques centrales], devenu acheteur, jette sur le marché ses billets nouvellement imprimés, il fait monter les prix des biens et de la main-d'œuvre dont il a besoin. Les prix de ces biens et de cette main-d'œuvre augmentent ; mais les prix des autres biens et de la main-d'œuvre non requis par l'État restent tout d'abord stationnaires. Ils ne commencent à monter que lorsque, eux aussi, voient la demande monter. Tous ceux dont les revenus augmentent du fait des commandes de l'État — en cas d'armements, les entrepreneurs et les ouvriers des industries d'armement — font, à leur tour, monter les prix par la demande accrue des marchandises qu'ils désirent acheter. L'augmentation des prix se poursuit ainsi, de groupe en groupe, jusqu'à ce que, finalement, elle s'étende à tous les prix et tous les salaires. Du fait que l'augmentation des prix résultant de l'inflation n'atteint pas du même coup toutes les marchandises et toutes les catégories de travailleurs, découlent toutes ses conséquences sociales, ainsi que les avantages qu'en retire le Trésor [dans notre cas, les banques centrales]. Car, tant que cette hausse des prix n'a pas accompli son périple complet à travers toute l'économie, elle nuit à tous ceux qui ne peuvent retirer que les prix anciens des marchandises qu'ils ont à offrir, cependant que, pour les marchandises et pour la main-d'œuvre dont ils ont besoin, ils ont à payer les nouveaux prix augmentés. Ce sont ces couches de la population qui paient l'écot : ce qu'ils consomment en moins ou distraient de leur fortune enrichit les autres. Ces effets de l'inflation sur les prix s'étendent indifféremment à tous les domaines, et quel que soit l'emploi de l'argent ainsi obtenu. Même lorsque ces sommes ne restent pas improductive...
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