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Economie de la Chine : moteur de la reprise mondiale, ou prochaine bulle ?

Vincent Bénard Publié le 06 octobre 2009
6520 mots - Temps de lecture : 16 - 26 minutes
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Objectif Liberté

L'économie Chinoise est vue par certains observateurs comme le moteur possible de la reprise mondiale, tirant l'occident dans son sillage. D'autres, au contraire, estiment que les théories du "découplage", entre une Chine qui poursuivrait sa marche en avant, alors que le reste du monde serait en crise, ne tiennent pas la route. Comme d'habitude, il y a autant de scénarios que d'économistes. Essayons d'y voir plus clair. D'abord, les bonnes nouvelles Dans une interview, ou plutôt une "conversation à bâtons rompus", pour l'institut Turgot, avec Henri Lepage, Charles Gave, financier établi à Hong Kong, se montre optimiste pour l'avenir à long terme de la Chine (vidéo - la partie sur la Chine ne commence qu'après 13 minutes). Selon lui, la Chine a compris que son rebond passerait par un développement des échanges intérieurs et avec la zone commerciale de l'extrême orient, la plus peuplée du monde, avec 3 milliards d'individus dont la marge de progression en terme de richesse est considérable. Elle met donc tout en oeuvre pour parvenir à former une sorte de marché économique commun asiatique, utilisant ses réserves de changes pour aider ses voisins les plus pauvres à développer leurs infrastructures d'échange avec elle. Et surtout, elle se prépare à un changement monétaire majeur: la convertibilité du Renminbi (RMB, la monnaie chinoise, parfois aussi appelée Yuan, selon les auteurs, et officiellement Yuan Renminbi, littéralement "la monnaie du peuple"). Nous verrons plus loin pourquoi la convertibilité du Renminbi peut être extrêmement bénéfique pour l'économie chinoise, contrairement à ce que dit la presse mainstream qui n'y voit qu'une menace pour les entreprises exportatrices. Ajoutons que, selon M. Gave, la Chine utilisera la mutualisation des forces régionales pour en maximiser les fruits par l'échange, ce qui éloigne le spectre de tout conflit avec Taïwan, par exemple. Taïwan dispose d'une classe managériale formée qui manque à la Chine. Depuis la normalisation croissante des relations entre les deux pays, de nombreux taiwanais travaillent à shanghaï pour les entreprises chinoises, qui ne s'en portent pas plus mal. La Chine normalise également ses relations avec le Japon, en vue, entre autres, de développer les échanges technologiques avec leur voisin. Un commerce développé est le meilleur garant de la paix, les adversaires de la mondialisation et autres protectionnistes de chez nous feraient mieux de s'en rappeler... Enfin, les chinois disposent d'une épargne considérable (50% du PIB), qui va nécessairement être dérégulée avec la convertibilité du RMB. Cela fera de Hong Kong, à moyen terme, l'épicentre de la finance mondiale, devant Londres sûrement, dans un axe conjoint avec Wall Street. Toutes ces informations sont évidemment de nature à rendre très optimiste pour l'économie de l'Asie orientale à moyen et long terme. Mais à court terme, l'économie chinoise ne risque-t-elle pas de traverser des turbulences ? Seront elles modérées ou sévères ? Maintenant, les mauvaises nouvelles A long terme, l'évolution positive de l'économie Chinoise évoquée par Charles Gave fait sens. Toutefois, à court et moyen terme, de nombreux autres observateurs de l'économie chinoise observent que cette économie avance aujourd'hui sur le fil du rasoir, car elle est plombée par de nombreux déséquilibres conjoncturels et structurels. Or, comme aux USA, des politiques économiques et monétaires inopportunes sont la cause de ces déséquilibres, même si ces politiques furent différentes. Les deux leçons sont les mêmes : On ne soumet pas impunément la monnaie, le crédit, et les contrats, à l’arbitraire politique. Les chinois inquiétés par la FED (mais ils l’ont bien cherché) Les dernières déclarations d’un officiel chinois, Cheng Siwei, ancien vice président du parti, aujourd’hui ambassadeur itinérant de l’économie chinoise, montrent à quel point les politiques chinois, au moins hors de leurs propres frontières, se montrent à la fois lucides, pragmatiques, mais aussi très embarrassés. M. Chieng a déclaré, lors d’un symposium au lac de Côme, apparemment sans langue de bois: que: "l’or était tout à fait une alternative au dollar, mais que les Chinois ne pouvaient faire que des achats mesurés pour ne pas déséquilibrer les cours", que "Si la Fed continuait à créer des dollars à partir de rien pour racheter des bons du trésor, alors le dollar chuterait et l’inflation aux USA réapparaitrait sous une à deux années", que "la Chine ne pouvait se désengager brutalement, mais que désormais, les recettes de changes supplémentaires seraient diversifiées en Yen, en euro, autres devises et or", et que "le flot d’excédents commerciaux chinois avait aussi provoqué des bulles d’actifs, et notamment immobiliers, en Chine, et que cette bulle menaçait d’éclater, avec des conséquences imprévisibles". Rien que cela. Il conviendra de décrypter plus avant les propos de M. Cheng, plus loin dans l'article. Dollar Trap La presse économique évoque fréquemment le "piège", le "dollar trap", dans lequel s’est jeté la Chine ces 10 dernières années. En convertissant massivement ses excédents commerciaux en bons du trésor américain, la Chine se retrouve aujourd’hui piégée par la politique de surendettement menée par l’administration Obama et soutenue par la FED par une politique officielle et rampante de "Quantitative Easing". Si la Chine, selon les termes de M. Cheng, arrête d’augmenter ses encours de dette du trésor US, alors le trésor US perdra un peu plus de capacité à trouver des clients pour financer l'augmentation de ses dettes, du moins à un taux d’intérêt compatible avec la remise en forme d’une économie malade de surendettement. La FED devra donc poursuivre sa politique de Quantitative Easing, et de répurgation des dettes du système financier américain par création monétaire, ce qui pourrait finir par créer une inflation forte (pronostic controversé, mais partagé par M. Cheng Siwei), et donc faire tomber la valeur des bons du trésor à des niveaux abyssaux. Mais si elle continue d’en acheter, rien ne dit que ce sera suffisant, tant les besoins du trésor US en nouveaux acheteurs de dette américaine sont immenses. Les réserves de bons de la chine ne représentent "que" 2000 milliards sur un encours circulant qui va atteindre prochainement 12 000 milliards et plus : les achats chinois ne sauraient donc à eux seuls garantir la solvabilité de l’état américain, ne feront pas disparaître le spectre d’un recours au Quantitative easing, et de tensions sur la valeur de la monnaie… Par conséquent, se surexposer en obligations du trésor US aujourd’hui paraît suicidaire, surtout que 2 000 milliards de dollars représentent tout de même, aujourd'hui, près de 50% du PIB Chinois. Ceci dit, la banque de Chine peut elle réellement cesser de se renforcer en dette libellée en dollars ? Nous y reviendrons plus tard. Zugzwang La Chine n’a pas de bonne décision à prendre, elle s’est mise dans une situation où elle devra choisir, entre deux maux, le moyen de réduire ses pertes. Ce que la presse dit peu, c’est que les politiques monétaires du gouvernement chinois, fondée sur une parité artificiellement maintenue fixe entre le RMB et le Dollar, ont grandement contribué à le mettre dans cet embarras, prouvant une fois de plus que la monnaie est une chose trop sérieuse pour être gérée sous la contrainte du pouvoir politique. Voyons pourquoi. Réécrivons l'histoire: Si le RMB avait flotté ? Dans un régime de monnaies à cours flottant, c'est à dire fluctuant sur un marché international de devises au gré de l'offre et de la demande de RMB, jamais la Chine n’aurait pu accumuler de tels excédents, et ce n'aurait pas été plus mal. En effet, imaginons qu’un fabricant d’ordinateurs de Shanghai vende pour 200$ de produits à un revendeur américain. Avec ces 200$, il doit payer des salaires, des amortissements d’investissement, des taxes, des intérêts de prêts, le tout libellé en RMB. Si le RMB était une devise de marché, il proposerait ses dollars (lui ou sa banque) sur ledit marché mondial, et demanderait des RMBs en échange. Or, comme la Chine exporte beaucoup plus vers les USA que l’inverse, une telle politique conduirait à un excès d’offre de dollar et de demande de RMB : le cours du RMB par rapport au dollar s’inscrirait à la hausse. La perte de compétitivité monétaire des produits chinois par rapport aux concurrents payant leurs frais en dollars serait largement compensée par, d’une part, la baisse du coût d’achat des matières premières achetées hors de Chine, libellées en dollars le plus souvent, et d’autre part par la baisse du coût des investissements nécessaires pour augmenter la productivité des salariés chinois, sous réserve que des contraintes politiques et fiscales n’obèrent pas ces investissements. Nous y reviendrons. Autrement dit, la hausse du RMB sur les marchés mondiaux des devises forcerait les entreprises chinoises à gagner en productivité pour maintenir leurs parts de marché à l’export, mais en contrepartie, permettrait aux salariés chinois d’importer plus de biens que la Chine ne peut produire elle-même, ce qui améliorerait l’offre à laquelle ils ont accès et donc leur pouvoir d’achat. Les excédents commerciaux de la Chine se seraient donc réduits, mais cela n’aurait en rien constitué un appauvrissement pour les chinois. Rappelons que contrairement à ce que suggère une vision superficielle des choses, exporter, c’est s’appauvrir, car on vend en dehors du pays le produit de son travail, généralement utile, contre de la monnaie, qui n’a d’utilité que indirecte, alors qu’importer, c’est s’enrichir, puisqu’on bénéficie du travail des autres, contre de la monnaie. Dans un monde normal de libre échange, il convient toutefois que ces dits échanges ne soient pas trop déséquilibrés, pour que les importateurs nets ne puissent trop longtemps vivre sur la sueur des exportateurs. Faire l’effort d’exporter ce que l’on sait faire le mieux est donc l’indispensable contrepartie du pouvoir de s’enrichir en important ce pour quoi les étrangers sont plus efficaces. Mais si une nation exporte plus qu’elle n’importe vis-à-vis d...
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