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Espagne, victime des crises, de grands travaux inutiles, et de la… corruption. Nicolas Klein

Liliane Held-Khawam Publié le 05 juin 2018
4259 mots - Temps de lecture : 10 - 17 minutes
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Les grands travaux inutiles financés avec l’argent public, et qui engendrent dettes, déficits, et menaces de faillite, ont besoin de politiciens corrompus… Dans le contexte morose initié en 2008, l’Espagne était considérée (et l’est encore par beaucoup) comme un « pays à risque » au regard de la rapide dégringolade qu’elle a connue à la suite de la crise des subprimes aux États-Unis d’Amérique. Entre 2007 et 2011, le produit intérieur brut espagnol a reculé de 5 % tandis que le nombre de demandeurs d’emploi passe de 1,7 million à 4,2 millions. En parallèle, la Sécurité sociale enregistre en 2011 sa première année de déficit (600 millions d’euros de trou) et le déficit public explose jusqu’à 10 % du produit intérieur brut[1]. La dette publique, qui avait été assainie sous les deux mandats du président du gouvernement conservateur José María Aznar (1996-2004) et n’atteignait plus que 35,60 % du PIB en 2007, a explosé 100,40 % de la richesse nationale en 2014[2]. Elle est aujourd’hui stabilisée autour de 98 % à 99 % de cette même richesse[3]. Sur le front de l’emploi, la situation ne s’est pas améliorée jusqu’au premier trimestre de l’année 2013, avec un taux officiel de 26,94 % de la population active [4]. Chez les jeunes de vingt-cinq ans ou moins, le taux de chômage a battu tous les records à cette période avec 56,92 % de personnes sans emploi[5]. La chute des salaires a elle aussi été particulièrement accusé, notamment chez les movers (ceux qui ont changé d’emploi au cours de la crise ou ont accédé à un premier poste de travail à cette période), avec une perte moyenne de 4,1 % de 2008 à 2015 (contre une augmentation moyenne de 4,5 % chez les stayers, ceux qui ont conservé leur emploi dans le laps de temps considéré)[6]. En moyenne, de 2010 à 2017, le salaire annuel brut a plongé de 4,4 % en Espagne (contre 1 % en Finlande, 2,4 % au Royaume-Uni, 8,3 % au Portugal ou encore 19,1 % en Grèce), selon des données fournies l’Institut syndical européen (ETUI)[7]. L’institut européen des statistiques (Eurostat) expliquait pour sa part il y a peu que près de la moitié des travailleurs espagnols (49,4 % pour être précis) risquaient de passer sous le seuil de pauvreté de l’Union européenne (contre 38,4 % en France mais 70,8 % en Allemagne)[8]. Outre-Pyrénées, le seuil de pauvreté (umbral de pobreza) s’établissait en 2016 à 8 209 euros par personne[9] et le pourcentage d’individus qui se trouvaient en-dessous de cette ligne au mois de juin 2017 était de 27,9 % (3,2 % de plus qu’en 2009)[10]. Des données récentes sont encore plus alarmantes puisque l’Espagne serait le pays de l’Union européenne avec le plus de travailleurs pauvres – près de 15 % des foyers du pays vivant sous le seuil de pauvreté, tout du moins selon les calculs de l’Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE)[11]. Les Commissions ouvrières (l’un des deux principaux syndicats espagnols) abondent dans ce sens en affirmant que le taux de précarité (c’est-à-dire le rapport entre contrats à durée déterminée et contrats à durée indéterminée) espagnol s’établit à près du double de la moyenne de l’UE (26,1 % contre 14,2 %)[12]. De grandes tribunes déplorent d’ailleurs cette situation et appellent à un changement de politique économique de la part du gouvernement et des instances européennes[13]. Sur une base de 100 correspondant à l’année 2019, le pouvoir d’achat des Espagnols est tombé jusqu’à 93 en 2013 avant de remonter légèrement jusqu’à 94,6 en 2016[14]. Cette perte sèche a surtout touché les déciles les plus pauvres de la population (- 20,5 % pour les 10 % de travailleurs les plus pauvres, – 11,1 % pour le décile immédiatement supérieur)[15]. La dévaluation interne subie par les Espagnols suscite dans tous les cas de multiples commentaires en fonction des méthodes, des sources, des intérêts politiques, etc.[16] D’autres indicateurs ont viré au rouge entre 2009 et 2015, comme l’effondrement de l’investissement dans la pierre (l’on est ainsi passé d’une base 100 à 76,6), de l’investissement public (de 100 à 91,6) ou de la consommation des ménages (de 100 à 95,3), selon des données de la Banque d’Espagne[17]. L’on pourrait multiplier les indicateurs à l’envi et tous (ou presque) brossent un portrait sombre de notre voisin ibérique dans la tourmente. Il faut dire que cette crise économique et financière a eu de désastreux effets sociaux, sans même parler du taux de chômage[18]. En 2014, au début de la reprise économique que nous allons évoquer plus loin dans ce dossier, 700 000 familles vivaient outre-Pyrénées sans aucune ressource et 3,5 millions de chômeurs étaient sans emploi depuis plus d’un an[19]. À l’heure actuelle, 800 000 enfants vivent dans une famille sans source de revenu aucune, ainsi que l’indique l’organisation non gouvernementale Save the children[20]. Du côté des personnes expulsées de leur logement pour impayé, 48 410 cas étaient encore recensés en 2016. Ce chiffre culminait à plus de 70’000 en 2014, ce qui en dit long sur le drame humain qui s’est joué à ce niveau[21]. Il est encore très difficile pour les étudiants ou les jeunes travailleurs de devenir financièrement autonomes et, de fait, environ 40 % vivaient encore chez leurs parents à la fin de l’année 2017[22]. Au début 2018, selon un sondage de l’Union européenne, 28 % des Espagnols âgés de 20 à 34 ans, et au chômage, seraient prêts à quitter le continent pour trouver un emploi à l’étranger. Avec ce score, l’Espagne arrive en seconde place derrière la Suède (34 %)[23]. Il ne s’agit toutefois pas d’être exhaustif mais de rappeler quelques éléments importants afin de délimiter le cadre de l’économie espagnole au plus fort de la crise. Faire une liste de toutes les conséquences socio-économiques de cette dépression serait de toute manière une tâche impossible et qui n’aurait que peu d’intérêt. En revanche, les quelques données qui précèdent sont suffisamment frappantes pour que l’on soit d’accord avec Benoît Pellistrandi lorsque ce dernier parle d’une « charnière » ou d’une « inflexion » concernant la date de 2011, qui marque aussi le changement de majorité en faveur des conservateurs outre-Pyrénées[24]. Quant aux causes de ce chamboulement, elles sont aujourd’hui bien connues. Les origines de la crise sont en premier lieu à chercher à l’extérieur de l’Espagne : crise des subprimes aux États-Unis d’Amérique, krach boursier mondial à partir de 2007-2008, faillites en série d’entreprises dans de nombreux pays, dysfonctionnements intrinsèques à la zone euro[25], ralentissement de l’économie de la planète, etc. Les causes endogènes ont elles aussi été pointées très tôt par le...
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Par Liliane Held-Khawam via lilianeheldkhawam.com
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