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Etat de la Grèce, Etat de la France, Etats frères ?

Georges Lane Publié le 24 février 2010
5443 mots - Temps de lecture : 13 - 21 minutes
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1. "De comptabilitatibus". La vulgate économique des hommes de l’Etat veut, semble-t-il, qu’il existe aujourd’hui des comptabilités différentes mais comparables : comptabilité budgétaire, comptabilité nationale, comptabilité nationale "au sens de Maastricht", etc. Tantôt, ils utilisent l'une, tantôt une autre, tantôt une troisième… Soit dit en passant, ce qu’on dénomme "comptabilité nationale" n’a pas plus de 55 années d’existence en France ou ailleurs. Ce qu’on dénomme "comptabilité budgétaire" ou "comptabilité publique" est beaucoup plus ancien… Au nombre de ces comptabilités, il y a bien sûr la vraie comptabilité, i.e. la comptabilité commerciale en partie double. En conséquence, à leurs yeux, tout se passe comme si la comptabilité commerciale n’était qu’une comptabilité parmi d’autres, comme si les autres n’étaient pas fausses dans leurs principes et immorales dans leurs conséquences. 2. Les comptabilités fausses dans leurs principes. La comptabilité ne saurait procéder de considérations autres que celles du droit de propriété d'une personne juridique sur une chose et de l’échange libre des droits de propriété sur les choses par les personnes juridiques. La règle de la propriété, "règle de juste conduite" comme l'envisage Friedrich von Hayek, présente, entre autres, l’intérêt de réduire l’incertitude de chaque personne juridique sur les choses, voire sur l'environnement de celles-ci, et donc le coût à quoi est évaluée l’incertitude. Certes, le coût de l'incertitude n’est pas réduit à zéro, mais l’expérience montre qu’on peut espérer qu’il le sera à terme. Au lieu que le droit de propriété et l’échange contractuel de droits de propriété soient les deux points de départ des règles de ces diverses comptabilités comme elles le sont en comptabilité commerciale, ce sont des considérations autres, multiples, qui en font office. Des considérations introduites plus ou moins subrepticement font que le droit de propriété et l’échange de droit de propriété perdent de leur force et donnent lieu à des comptabilités distordues. C’est, par exemple, le cas de la fiscalité – "vol légal" selon Vilfredo Pareto – et celui de sa prétendue contrepartie, la redistribution. A l’extrême, ces considérations l'emportent et supplantent la propriété, et on entre dans la foire d’empoigne des comptabilités bureaucratiques actuelles. Il reste que des considérations nouvelles s’imposent aussi régulièrement avec le temps, un jour ou l’autre. Au départ, elles ont des effets comparables à ceux de la fiscalité et de la redistribution : c’est, par exemple, le cas de telle ou telle innovation. L’innovation prend de court les comptables qui ne savent pas comment "la prendre en compte" - au sens premier de l’expression -. Il y a le cas remarquable actuel des innovations financières… Mais à la fin, l’innovation maîtrisée, "prise en compte" et non plus "hors bilan", il s’avère qu’elle s’intègre à la propriété et à son échange et renforce l’un et l’autre et leurs effets bienfaisants. 3. Les comptabilités immorales par leurs conséquences. Les comptabilités qui résultent de considérations essentiellement non juridiques sont donc, de fait, chacune, dans le meilleur des cas, une comptabilité commerciale distordue, dans le pire, un "cheval de Troie", celui du socialo-communisme. Mais ces comptabilités ont surtout des conséquences immorales à attendre que leurs concepteurs se refusent à admettre. "Heureusement" si on peut dire…, ces conséquences deviennent patentes périodiquement et s'ajoutent à la longue liste existante, elle aussi mise de côté. L’actualité nous en fournit deux exemples, les lignes qui suivent les décrivent brièvement. 4. Comptabilités, finance et … délinquance officielle potentielle. Les hommes de l’Etat de la Grèce sont aujourd’hui, pour le moins, soupçonnés, en particulier par certains de leurs homologues de l’Union européenne, d’avoir commis, ces derniers années, deux grands méfaits : - ne pas avoir fourni des données statistiques ou comptables sur l’économie de la Grèce dignes de foi ; d’avoir donné, en "comptabilité nationale au sens de Maastricht", des chiffres discutables sur ses résultats économiques ; - avoir pratiqué des opérations financières qui ont permis de modifier les résultats de la Grèce en matière de déficit et d’endettement de l’Etat. Malgré cela, début 2010, les chiffres économiques de la Grèce ne sont pas bons. Par exemple, selon Philippe Marini, sénateur français, dans un rapport de février 2010 (le rapport en question en lien est le même que celui qui sera en lien ci-dessous pour une autre raison...) : "La situation de la Grèce appelle des commentaires particuliers. Le 15 janvier 2010, le gouvernement grec a présenté à la Commission son programme de stabilité pour la période 2010-2013, qui prévoit de ramener le déficit public de 12,7 points de PIB en 2009 à 2 points de PIB en 2013. On rappelle que le niveau très élevé du déficit public de la Grèce ne provient qu’en partie de la crise économique. En effet, en 2008 il était déjà de 7,7 points de PIB. La Grèce s’expose à la phase de la procédure pour déficit excessif immédiatement antérieure à l’imposition de sanctions : celle de la mise en demeure par le Conseil. En effet, le 2 décembre 2009, conformément à la recommandation de la Commission, le Conseil a décidé que ce pays n’avait pas pris d’"action suivie d’effet". Or, l’article 5 du règlement (EC) 1467/97 prévoit que la décision de mise en demeure doit être adoptée par le Conseil dans les deux mois suivant sa décision selon laquelle aucune action suivie d’effet n’a été prise. Le 3 février 2010, la Commission a adopté, en particulier, une recommandation invitant le Conseil à adopter une telle mise en demeure. Le Conseil doit se prononcer à ce sujet lors de sa réunion du 16 février prochain." (pp.34-35) Mais un article de Beat Balzli dans le journal allemand Der Spiegel – sur internet - du 8 février 2010 intitulé "Comment Goldman Sachs a aidé la Grèce à masquer sa vraie dette", a été, à sa façon, un pavé dans la mare des comptabilités. En voici, ma traduction : “Goldman Sachs a aidé le gouvernement grec à masquer la véritable ampleur de son déficit au moyen d’un contrat de dérivés qui contourne en toute légalité les règles de déficit de Maastricht de l'U.E. Un jour arrive où ce qu’on dénomme les swaps de monnaies viennent à échéance et gonflent le déficit déjà pléthorique du pays. Les Grecs ne sont pas bienvenus dans la rue Alphonse Weicker à Luxembourg. C'est la maison d’Eurostat, le bureau de statistique de l'Union européenne. Les mangeurs de chiffres y sont profondément agacés par Athènes. Les rapports d'enquête indiquent que des données importantes 'ne peuvent pas être confirmées' ou ont été demandées, mais 'pas obtenues'. La comptabilité créative a eu la priorité quand il s'est agi de totaliser la dette gouvernementale. Depuis 1999, les règles de Maastricht menacent de frapper de lourdes amendes les pays membres de l'euro qui dépassent la limite de déficit budgétaire de 3 % du produit intérieur brut. La dette publique totale ne doit pas dépasser 60 %. Les Grecs n'ont jamais réussi à s'en tenir à la limite de 60 % de la dette, et eux seuls ont adhéré au plafond de 3% du déficit à l'aide de cosmétiques de bilan flagrants. Une fois, des dépenses militaires gigantesques ont été écartées et une autre, l’ont été des milliards de dette des hôpitaux. Après avoir recalculé les chiffres, les experts d'Eurostat en sont arrivés constamment aux mêmes résultats : en vérité, chaque année, le déficit a été largement supérieur à la limite de 3%. En 2009, il a bondi à plus de 12% ; Désormais, cependant, il semble que, de façon éhontée, les jongleurs de chiffres grecs ont été encore plus loin que l'on pensait. 'Vers 2002, en particulier, diverses banques d'investissement ont offert des produits financiers complexes qui permettraient aux gouvernements de repousser une partie de leurs engagements dans l'avenir', a rappelé un initié, tout en ajoutant que des pays méditerranéens avaient happé de tels produits. Les gestionnaires de dette de la Grèce ont conclu un énorme accord avec des banquiers avisés de la banque d'investissement américaine Goldman Sachs au début de 2002. L’accord a porté sur ce qu’on dénomme les swaps de devises via lesquels la dette gouvernementale émise en dollars et en yens était échangée contre de la dette libellée en euros pour une certaine période – pour être rachetée en monnaies d'origine à une date...
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