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L'organisation monétaire déboussolée.

Georges Lane Extrait des Archives : publié le 08 août 2013
7494 mots - Temps de lecture : 18 - 29 minutes
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Le présent billet se compose d'un texte et d'un bref addendum à ce texte. Le texte ci-dessous est paru dans le périodique de l'aleps – "association pour la liberté économique et le progrès social" -, 35 avenue Mac Mahon, Paris 17è (cf. ci-contre). Liberté économique et progrès social, n°144, juillet 2013, pp.2-22. A un moment où les gouvernements des Etats des pays de la « zone €uro » cherchent à s'entendre pour instaurer, selon eux, une « union bancaire » dans leur zone – union qui reste à définir… (1) -, il conviendrait d’être clair et de cerner la situation où on se trouve, ce qui n’est jamais fait. Ce qu’on dénomme « banque » aujourd’hui a peu changé depuis un siècle si ce n’est le respect accru qu’elles doivent à leurs tutelles respectives, à savoir la banque centrale du pays. La firme qu’est une banque est récente à l’échelle de l’histoire, reste étroitement liée à la monnaie, l’un de ces instruments, et ne saurait être envisagée sans cette dernière depuis qu’elle intervient. En revanche, ce qu'on dénomme « monnaie » aujourd'hui a peu de choses à voir avec ce qu'on dénommait ainsi il y a un siècle et auparavant. Certes, en 1913, il y avait des points communs permettant la comparaison comme, par exemple, l'existence des pièces de monnaies en métal depuis la nuit des temps, celle des coupures de billets en papier depuis le XVIIIè siècle et celle des comptes de dépôts dans certaines banques depuis le XIXè siècle. 1. Le grand bouleversement du XXè siècle Tout a basculé au XXè siècle. Par exemple, de petite monnaie, le dollar, monnaie des Etats-Unis fixée en 1900, est devenu une monnaie plus qu’apparemment déterminante. Dans le cadre national, les gouvernements des Etats ont recouru à l'interdiction définitive de la convertibilité intérieure de leurs substituts de monnaie bancaires en monnaie or à partir de la décennie 1930 (y compris celui des Etats-Unis). Dans le cadre inter étatique, il y a eu trois grands moments. Ce fut d'abord les résultats de la conférence de Gènes (1922) qui donnèrent lieu à ce que certains dénomment depuis « étalon de change or » (2). Ce fut ensuite les résultats de la conférence de Bretton Woods (1944) qui donnèrent lieu à la permanence des monnaies nationales en or à taux fixe, à la demande, et à la création d'un organisme, le Fonds monétaire international (F.M.I.), destiné à aider les pays en déséquilibre de balance des paiements à retrouver l'équilibre. Ce fut enfin la décision du président des Etats-Unis, Richard Nixon, de suspendre la convertibilité extérieure de la monnaie dollar en monnaie or (1971), puis des résultats de conférence inter étatiques (1971-73) qui conduisirent à l'abandon définitif – à ce jour - de la convertibilité des substituts de monnaies nationales en monnaie or, i.e. à la variation libre des taux de change des monnaies nationales entre elles. Un quatrième moment mérite d’être ajouté. Il ne doit pas être oublié car il est original, car il découle à sa façon de ces éléments et car il tient à son premier effet : à savoir des gouvernements d'Etats de pays de l'Europe géographique sont convenus de fusionner leurs monnaies nationales – historiques - en une monnaie régionale dénommée « €uro » et d'abandonner ainsi leurs monnaies historiques. Par exemple, le franc français, monnaie de la France, n’existe plus aujourd’hui. La maîtresse du jeu est un nouvel organisme créé pour l'occasion, à savoir la Banque centrale européenne (B.C.E.), dont le conseil d'administration a, en particulier, pour membres les gouverneurs des banques centrales nationales qui, elles, n'ont pas disparu. A ce processus réglementaire progressif de ce qu'on dénomme donc « monnaie » et « banque » aujourd'hui devraient être mises en relation, au moins, les règles de droit et le non droit qui préside à ce que nous vivons. Mais cela n’est jamais le cas. La tendance majoritaire qui a vu le jour au XXè siècle laisse de côté les règles de droit et ce qui en découle. Dans le passé, les règles de droit avaient amené les gens à chercher à diminuer le coût d’opportunité de leurs échanges quotidiens et advinrent la monnaie, puis les innovations de la banque en la matière. Dans le même passé, le non droit semble être né d’une contrefaçon qui avait été attendue avec incertitude de la monnaie, puis de la banque, et qui avait amené l’Etat – défini d’une façon ou d’une autre – à se dire garant du bien qu’elles pouvaient constituer. Au nom de la garantie à faire observer, l’Etat n’a pas hésité à (se) donner le privilège de monopole, direct ou indirect – au travers d’une banque centrale -, de la production de monnaie ou de l’émission des substituts de monnaie bancaires et à obliger chacun à accepter la monnaie et certains de ces instruments bancaires. Il n’a pas hésité non plus à se préoccuper de la couverture comptable des relations entre la banque centrale et les banques de second rang. Et il en est arrivé à interdire la convertibilité du taux de change de la monnaie nationale en monnaie or. De la sorte, l’Etat a tendu plus ou moins à faire confondre sa politique budgétaire et la monnaie et certains instruments de monnaie bancaires. Est survenu à ce dernier moment le XXè siècle où les Etats nationaux ont cherché à passer entre eux des accords monétaires et y sont parvenus. Dernier accord en date : ce qu’on dénomme « €uro » entre les Etats de différents pays de l’Europe géographique qui en arrivent aujourd’hui, au XXIè siècle, à vouloir créer une « union bancaire ». Tous ces points sont envisagés dans le texte qui suit. Dernier point évoqué : le processus réglementaire progressif de ce qu'on dénomme donc « monnaie » et « banque » aujourd'hui et qui s’est donc accéléré pendant le XXè siècle mérite attention pour autant qu’en plus d’être de « non droit », il n’a pas de doctrine économique véritable, mais une organisation en définitive déboussolée. 2. Les règles de droit de la monnaie. Il y a bien longtemps, la monnaie n'était jamais que le nom donné par les gens à des pièces de métal, au moyen d'échange qui contribuait à diminuer le coût d’opportunité des échanges de vous et moi contre d'autres biens. Inconvénient de la pièce de monnaie, elle laissait attendre pour certains avec incertitude, des contrefaçons de la part des contrefacteurs (3). Etant donné l’avenir attendu avec incertitude et ce qu'il pouvait représenter aux yeux des gens, l'Etat – à définir d’une façon ou d’une autre - a fait valoir qu'il était garant de la monnaie et qu’il avait les capacités de faire respecter la garantie. 3. La réglementation étatique de la monnaie, genre de « non droit ». Comme pour mieux asseoir la garantie, il a interdit la concurrence des pièces de monnaie et donné un privilège de production de pièces de monnaie à un organisme : en France, ce sera l' « administration des monnaies et médailles » (4). Selon Vilfredo Pareto en 1896-97: « Au Moyen-âge, les rois et les seigneurs furent très jaloux de leur privilège de battre monnaie, et ils en tiraient de bons revenus. » (Pareto, 1896-97, §379) (5) . Parallèlement, l’Etat obligea les gens à effectuer les paiements en la monnaie. Du contrefacteur privé à qui on pouvait demander des comptes, on est passé en droit au contrefacteur public à qui aucun compte ne pouvait l'être. Frappe, taille, titre du métal, aloi de l'alliage des métaux, le monopole de production n'en faisait qu'à sa tête. Bien plus, les variations de quantité de métal à quoi sa gestion donnait lieu amenèrent des « économistes » à mettre le doigt sur ce qu'on dénomma « inflation » ou « déflation ». « A notre époque [on est donc en 1896-97], dans tous les pays civilisés, le monnayage est réservé aux gouvernements. Un très petit nombre de ceux-ci use de ce droit seulement pour garantir l'intégrité de la circulation monétaire. Le plus grand nombre abuse du droit de monnayage pour émettre du papier-monnaie, et inflige, par là, de grands maux aux populations. » (ibid.) Les gens devenaient ainsi les dindons de la contrefaçon étatique ou réglementaire en matière de monnayage... Et en raison de cette contrefaçon, l'Etat vit ses recettes s'accroître. Les recettes de seigneuriage abondèrent ses recettes fiscales. N'oublions jamais que, selon Vilfredo Pareto (1896-97), à la fin du XIXè siècle: "On a une vraie monnaie lorsque les prix résultent d'échange absolument libres [...] Toutes les fois que cette conclusion n'est pas remplie, on n'a [...] [pas] une vraie monnaie. (ibid , §270) […] Toute monnaie qui n'est pas de la vraie monnaie est ou de la monnaie fiduciaire ou de la fausse monnaie. C'est de la monnaie fiduciaire si chaque individu l'accepte et la donne de plein gré [...] C'est de la fausse monnaie si elle est mise en circulation ou maintenue en circulation par la fraude ou par la violence, même légale. » (ibid , §271) [...] Entre la monnaie fiduciaire et la fausse monnaie se trouve la monnaie qui a cours légal, mais qu'on peut changer à volonté au pair contre la vraie monnaie. » (ibid. §274) [...] Le cours forcé de la monnaie fiduciaire peut s'établir de deux manières. En obligeant les créanciers à la recevoir tout en laissant libres les débiteurs de payer en monnaie métallique si cela leur convient; ou bien en obligeant les débiteurs à employer la monnaie fiduciaire et les créanciers à la recevoir ». (ibid , §498). N’oublions pas non plus la remarque de Milton Friedman dans la décennie 1960 : Pourquoi s’intéresser à la monnaie ? Parce que les prix sont en monnaie. 4. Le droit de la banque en matière de monnaie. S'il y a eu des réglementations – éléments de la législation – en relation avec les pièces de monnaie, il y a eu aussi des innovations qui n’ont pas été empêchées, au moins au départ. 4.a. Coupures de billets en papier. En matière de monnaie, le fait est qu'au XVIIIè siècle, des firmes que sont certaines banques ont eu l'idée de créer des biens susceptibles d'être substitués aux pièces de monnaie métal, à savoir les coupures de billets en papier. Le banquier faisait valoir au titulaire qu’à sa guise, il pourrait retirer de la monnaie métal contre les billets au taux de change convenu au départ (convertibilité naturelle). Et à chaque instant, le titulaire du billet pourrait connaître la couverture comptable de ce dernier. Selon Pareto : "[...] c'est la seule initiative privée [...] qui est parvenue [...] à économiser en grande partie la monnaie métallique" (ibid., §277). Mais ce type de bien n'était pas, lui non plus, une garantie. Comme la pièce de monnaie, on pouvait s'attendre avec incertitude à sa contrefaçon. Par exemple : « Les premiers billets de banque en Ecosse ont été émis en 1695 suite à la création de la Bank of Scotland. Dans un pays manquant cruellement de pièces de monnaie et vulnérable aux changements de sa valeur, ils ont connu un succès presque immédiat. Un siècle plus tard, pas moins de 21 banques, principalement privées, ont émis des billets et l'Ecosse a été inondée de papier-monnaie. Cette prolifération de papier n'aurait guère été possible sans un cadre juridique stable. En 1749, le procès de Crawfurd contre La Banque Royale a considéré, et statué, l'un des principaux problèmes juridiques: si le détenteur d'un billet de banque était libre des infirmités du titre qui affectaient ceux de qui il avait été acquis. Dans le contentieux, M. Crawfurd chercha à défendre un billet de la Bank of Scotland de 20 £ qui avait disparu de la poste et s’était retrouvé quelque temps plus tard dans les mains de la Royal Bank of Scotland. Les arguments de l'avocat, imprimés, qui ont survécu, offrent un aperçu fascinant sur une collision entre le droit de propriété orthodoxe, d'une part, et les besoins du commerce et l'avenir du système bancaire, de l'autre. Selon le premier, la victoire de M. Crawfu...
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