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L'aurore de la fin de l'arbitraire fiscal ?

Georges Lane Publié le 27 avril 2011
10356 mots - Temps de lecture : 25 - 41 minutes
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Il y a près de vingt ans, Pascal Salin a publié un livre l'Arbitraire fiscal (Robert Laffont, Coll.Liberté 2000). Le livre a été réédité en 1996 par les éditions Slatkine (Paris), avec le sous titre Comment sortir de la crise et une préface d'Alain Madelin. 1. Un résumé du livre par l’auteur. Dans le périodique Liberalia, en juillet 1988, Pascal Salin (ci-contre) a eu l’occasion de faire le résumé suivant de l'ouvrage : « Le bricolage fiscal caractérise la structure des impôts dans un pays comme la France. Les impôts résultent de décisions parcellaires, prises en fonction d'intérêts électoraux ou de conceptions superficielles. Ils ne répondent, par conséquent, à aucun critère valable de justice et donc d'efficacité. Partout dans le monde on se préoccupe de la réforme fiscale. Pour que celle-ci ait un sens, il faut qu'elle repose sur des principes moraux et des conceptions de théorie économique rigoureuse "l'Arbitraire fiscal" vise à fournir des principes de cet ordre plus précisément, il recherche comment concilier une approche individualiste de la société avec les décisions collectives qui sont à l'origine de l'impôt. L'ouvrage s'interroge donc, évidemment, sur la nature du phénomène étatique, dont la fiscalité est un instrument majeur. Il s'ouvre par un chapitre sur le rôle de l'Etat et se termine par une réflexion sur les moyens de réformer l'impôt pour qu'il réponde mieux à une vieille exigence: celle du consentement à l'impôt. Les chapitres intermédiaires abordent des problèmes plus spécifiques. Parmi les thèmes essentiels de l'ouvrage, on peut relever les suivants: - Une critique radicale de la notion de progressivité de l'impôt. Celle-ci est généralement considérée comme l'expression de la "justice fiscale". Il est montré qu'il n'en reste rien et que la progressivité est simplement la conséquence des mécanismes du "marché politique". - La surtaxation de l'épargne, qui constitue l'une des causes majeures de la "crise économique". L'impôt sur le revenu est un impôt sue l'épargne et il conviendrait donc de le remplacer par un impôt général sur la dépense ( c'est à dire un impôt déclaratif où l'épargne serait soustraite de l'assiette de l'impôt). Les implications d'une telle réforme sont étudiées en détail et permettent d'aboutir à une conception unifiée de l'impôt, au lieu du "patchwork" actuel où des impôts multiples aboutissent à des spoliations considérables et à des distorsions aussi importantes que mal connues. L'impôt sur le capital et les droits de succession font évidemment l'objet d'une attaque vigoureuse. - L'ouvrage souligne le caractère caché de beaucoup d'impôts. Ainsi, il est mythique de croire que les entreprises "paient" des impôts. Les impôts sont toujours payés par des personnes. Mais les hommes politiques ont évidemment intérêt à cacher le poids réel de l'impôt, au mépris des règles de transparence qui devraient inspirer le fonctionnement d'une démocratie. Au passage, plusieurs impôts sont examinés, par exemple la T.V.A. ou les impôts sur les plus-values, mais toujours dans le cadre d'une conception théorique et éthique unifiée. "l'Arbitraire fiscal" n'est donc pas un livre de technique fiscale, il n'est pas non plus un pamphlet contre l'impôt. Il constitue une réflexion en profondeur sur le phénomène fiscal et sur le phénomène étatique. Il fournit un cadre à toute discussion sur la réforme fiscale et il a donc d'importantes implantations pratiques. » 2. Mon « Etude et critique de l'ouvrage » Dans le même numéro du périodique Libéralia, j’ai eu l’heur de juxtaposer une « Etude et critique de l'ouvrage de Pascal Salin », accepté sans réserve par celui-ci. En voici le texte « Les ouvrages sur la fiscalité sont, dans leur leur grande majorité, de deux types : il y a - ceux dans lesquels, non initié, on hésite à pénétrer sous prétexte que, dès les premiers paragraphes, on est précipité dans les labyrinthes du "droit fiscal et - ceux qui tentent de vous faire vénérer le dogme de l'impôt juste comme pour mieux conférer à l'Etat la fonction de grand prêtre du culte. Bien évidemment, certains sont à cheval sur les deux catégories précédentes et d'une certaine façon inclassables. Si l'Arbitraire fiscal est lui aussi inclassable, c'est pour une raison différente d'un ordre autrement respectable. Ce livre a pour fondement la réalité, c'est-à-dire l'individu, la liberté de choix et d'action dont celui-ci dispose par nature et ne devrait pas être dépossédé par les hommes de l'Etat. Avec ce point de départ original, inédit, mais si peu discutable qu'on se demande pourquoi la littérature l'a ignoré pour l'instant, Pascal Salin entreprend de démystifier la fiscalité qui régit la France dans la décennie 80. Dans un premier temps, il prend soin de décrire, en termes simples et lumineux, l'impôt progressif sur le revenu, les impôts sur le patrimoine, l'impôt sur l'héritage, la T.V.A., les impôts cachés, les illusions, bref tous les ingrédients de la spoliation légale. Au passage, il montre pourquoi, tous autant les uns que les autres, ceux-ci sont arbitraires et qu'ils le resteront tant qu'ils auront pour principe la contrainte de l'individu. Plus fondamentalement, il suggère, me semble-t-il, qu'à cause de cette dernière caractéristique ils resteront même doublement destructeurs. L'idée que les techniques fiscales provoquent la destruction de richesses matérielles n'est pas nouvelle. En la rappelant, Pascal Salin témoigne une fois de plus de sa rigueur scientifique, mais aussi de son souci de rendre compte de l'étendue actuelle des dégâts. En développant l'idée que ces techniques portent atteinte à la nature même de l'homme, il fait preuve par contre de la plus extrême perspicacité. Jusqu'à présent, personne en France ne s'était rendu compte que la richesse suprême que constitue l'homme n'est pas épargnée par le fléau fiscal. L'arbitraire suscite l'arbitraire. Là où, en toute conscience, l'individu devrait destructeur, prendre des décisions qui forgent son avenir, il en arrive à cause de la fiscalité à se préoccuper du seul présent, il choisit encore mais de façon à payer aujourd'hui le moins possible d'impôts, voire affecte ses efforts de recherche à la "fraude fiscale" quand il ne se détourne pas de sa prévoyance instinctive, son épargne étant dévastée par le fisc. Ainsi éclairé, le lecteur est alors en mesure de percevoir qu'aussi importantes les destructions matérielles soient-elles, elles sont dérisoires comparées au sort que réservent les hommes de l'Etat au contribuable : la destruction inéluctable de sa conscience. Sauf s'il a démissionné et voit dans l'Etat l'étable, il ne peut qu'être d'accord avec Pascal Salin et chercher avec lui, parmi les moyens qu'il présente dans la seconde moitié de son livre, ceux qui réduiront l'arbitraire fiscal le plus efficacement. La vanité d'une réforme qui fixerait des limites à l'action fiscale de l'Etat lui saute aux yeux, l'arbitraire serait simplement déplacé. Et la solution lui apparait évidente : fonder la fiscalité sur un principe qui soit assorti à la nature humaine et ne puisse en conséquence l'altérer. Dans l'état actuel des connaissances, un tel principe n'a pas encore été découvert, s'en approche évidemment le principe du consentement de l'individu à l'impôt. Mais comme le fait remarquer Pascal Salin, l'impôt consenti" serait le principe recherché si le consentement pouvait être total, or, comme il le prouve, celui-ci sera toujours partiel. Le type de fiscalité qui en découle, certes moins pernicieux que l'impôt sur la dépense globale, autre possibilité qu'il envisage, n'en reste pas moins destructeur. Que faire dans ces conditions en attendant ? A défaut de réduire directement l'arbitraire de l'impôt consenti, Pascal Salin propose de circonscrire des dépenses étatiques et donne à cette fin plusieurs moyens disponibles. L'un d'eux me semble essentiel à souligner : il consiste à mettre en concurrence les monopoles que les hommes de l'Etat se sont peaufinés au fil du temps. Il n'existe pas de monopoles naturels malgré ce que ceux-ci prétendent pour justifier la situation. Il existe soit, en phase de progrès technique, des activités un moment en situation de monopole mais bien vite concurrencées quand la réglementation en place ne retarde pas l'évolution, soit, en période ordinaire, des activités protégées aux frais des contribuables par de véritables privilèges qui, délibérément ou non, leur confèrent un statut monopolistique le plus souvent public. Abolir ces privilèges, ne plus interdire la concurrence, ne plus empêcher la création d'entreprises privées dans un secteur aujourd'hui monopole public, provoquerait, par efficacité et informations accrues de celui-ci, la réduction des dépenses étatiques superflues. A solde budgétaire désiré constant, celle-ci entraînerait à son tour la réduction des recettes fiscales qui les couvraient (en type et en montant) et par conséquent celle de l'arbitraire fiscal. Mais surtout, simultanément, les destructions cachées que celui-ci occasionnait seraient elles aussi atténuées. En particulier, et comme elles le font par ailleurs, les personnes expérimenteraient alors leur faculté de choix entre les produits désormais concurrents, mettraient en œuvre leur liberté d'action en créant des entreprises sur les marchés concernés, tant que le degré de concurrence leur semblerait insuffisant, et, au total, retrouveraient chacun une part de la partie de nature humaine qui leur a été extorquée par les hommes de l'Etat." 3. Réduire l’arbitraire. Dans Le Figaro du 4 novembre 1985, Pascal Salin avait eu l’occasion d’insister sur un aspect de son livre, dans un article intitulé « Réduire l’arbitraire ». Voici l’article : Dans la plupart des grands pays, la décrue fiscale est amorcée et la France n'échappe pas à cet heureux mouvement, au moins dans les esprits. Pourtant, un grave danger nous guette : celui du bricolage qui conduirait seulement à rapiécer, plus ou moins bien, un système fondamentalement mauvais. Ce risque est réel parce que les hommes de l'État ont naturellement tendance à accorder des privilèges à des groupes spécifiques - dont les membres perçoivent clairement les avantages dont ils bénéficient ainsi - et à masquer le coût réel de leur intervention en rendant l'impôt incolore ou en le faisant supporter, plus particulièrement, par des groupes restreints, afin de minimiser les pertes de voix aux élections. L'accumulation de mesures parcellaires de ce type a abouti au monstrueux édifice fiscal que nous connaissons. Il est illusoire de s'imaginer qu'il sera possible de retrouver la prospérité et de rendre leurs liberté aux Français sans une profonde réforme fiscale. Celle-ci doit se déduire d'une conception cohérente du fonctionnement de la société (1). (1) C'est cette conception que nous proposons dans notre ouvrage, L'Arbitraire fiscal (Robert Laffont, 1985). Au lieu de considérer l'impôt comme un instrument de régulation macro-économique nous en recherchons la place par rapport à une conception individualiste de la société. Prenons l'exemple de l'impôt sur le revenu. Nombreux ont, maintenant, ceux qui en réclament la suppression pure et simple. Mais les arguments changés concernent en général les conséquences de cet impôt et non son principe. Or, pour porter un jugement sur cet impôt, i1 convient de distinguer deux choses : son caractère progressif, d'une part, et le fait que le revenu serve de base d'évaluation. Qu'en est-il tout d'abord de la progressivité ? On évoque souvent, en sa faveur, la nécessité d'égaliser les sacrifices entre contribuables ou les exigences d'une prétendue « justice sociale ». Mais aucun de ces arguments ne résiste à l'examen de l'analyse économique ou même de l'analyse morale. En réalité, si l'impôt progressif existe, c'est parce qu'il est toujours possible de trouver une majorité pour spolier une minorité. Mais on n'attaque pas impunément les droits naturels, parmi lesquels le droit de propriété tient une place éminente: tout le monde pâtit du freinage de la prospérité qu'impliqué cette pénalisation de l'effort et de l'épargne. C'est pourquoi la diminution profonde et rapide de la progressivité, jusqu'à sa suppression totale, constitue une priorité dont tous les citoyens profiteront. Faut-il pour autant supprimer l’impôt sur le revenu (qui. même s'il n'était que proportionnel et non progressif, serait inégalement réparti entre les contribuables) ? Le revenu constitue un concept sans grande signification théorique puisqu'il représente à la fois des valeurs qui sont consommées — et qui disparaissent donc du circuit économique — et des valeurs qui sont épargnées, c'est-à-dire accumulées pour accroître le capital et fournir des ressources futures. Prendre le revenu comme base de taxation c'est donc surtaxer l'épargne par rapport à la consommation. Et c'est pourquoi nous préconisons d'imposer non pas le revenu mais la dépense globale (c'est-à-dire le revenu moins l'épargne). Mais il nous paraît préférable de réformer ainsi l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire en supprimant son caractère progressif et en exemptant totalement l'épargne, que de le supprimer: en effet, il est nécessaire que l'impôt soit douloureux pour que le citoyen sache combien l'État lui coûte. Nous rencontrons ainsi deux exigences auxquelles devrait satisfaire une réforme fiscale : « libérer l'épargne », combattre l'illusion de la gratuité qui naît de l'impôt indolore. En ce qui concerne le premier point, tout d'abord, il faut insister sur l'extraordinaire surtaxation du capital, dans notre système fiscal. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'aller chercher ailleurs l'explication de la « crise économique » : on la prétend bien souvent inhérente au fonctionnement du système capitaliste, elle est en fait le résultat de la spoliation du capital par l'État (impôt sur le revenu, impôt sur le capital, droits de succession, etc.) Quant à l'illusion fiscale, on en trouverait de multiples exemples. Retenons-en un seul : on veut nous faire croire que les entreprises « paient des impôts ». Il n'en est rien, car les entreprises sont des t faisceaux de contrats » et seuls paient des impôts ceux qui signent les contrats, c'est-à-dire des individus, les apporteurs de capitaux, les salariés, les clients et fournisseurs. Il se peut fort bien, par exemple, que les impôts sur les bénéfices des sociétés soient payés par les salariés... Mais il est facile pour les hommes de l'État de dire « l'entreprise paiera » : celle-ci n'a pas le droit de vote et les électeurs ignorent qu'ils sont les véritables payeurs. Il est enfin une dernière exigence que l'on devrait imposer à un système fiscal, à savoir, de ne pas être une source de risques pour l'activité humaine. Il est souvent admis que la politique de stabilisation économique constitue l'une des fonctions essentielles de l'État. En réalité, l'État est devenu la source principale de l'instabilité : en modifiant sans préavis le système fiscal, il peut ôter toute rentabilité à un investissement et bouleverser les projets des hommes. C'est pourquoi la véritable réforme fiscale est d'abord une réforme institutionnelle : il est urgent de protéger le citoyen contribuable contre les spoliations arbitraires dont il est victime, d'imposer à l'État les règles de la société civile, c'est-à-dire le contrat et le respect du contrat - La réforme fiscale n'est pas seulement affaire de technique, elle concerne d'abord les principes. Pour sortir de la barbarie fiscale il n'est pas suffisant de dénoncer les méfaits de l'impôt. La solution ne sera trouvée que dans la résurgence de la philosophie politique et même de la philosophie morale. 4. L’article d’un politique prétendument ... de l’opposition du moment. Nous étions en 1985. Les ravages du socialo-communisme allaient bon train en France : François Mitterrand était président de la République et Laurent Fabius, Premier ministre. Vraisemblablement les élections législatives prochaines de 1986 seraient perdues par la majorité du même nom, en place, et une nouvelle majorité - dite "libérale" - en finirait avec les erreurs du passé. Le Figaro avait cru bon de juxtaposer à l’article précédent de Pascal Salin, en particulier un article d'Alain Juppé (ci-dess...
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