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L'interdiction de la convertibilité des monnaies réglementées : une révolution étatique méconnue.

Georges Lane Publié le 25 mai 2011
6053 mots - Temps de lecture : 15 - 24 minutes
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A ma connaissance, n'est jamais soulignée la véritable révolution étatique qu’ont constitué successivement, d'abord, l’interdiction de la convertibilité intérieure des « substituts de monnaie bancaires » (billets et dépôts bancaires) en monnaie – sous-entendu "monnaie-métal or ou argent", en anglais « currency » - à partir des décennies 1920 et 1930, puis, à partir des années 1971-73, l’interdiction de leur convertibilité extérieure. On préfère, par exemple, évoquer la loi de Glass Steagall sur les banques des Etats-Unis (1933), abrogée en 1999, bien qu'elle soit étroitement liée à la loi sur l'interdiction de la convertibilité du dollar des Etats-Unis en or. Ce texte avait créé, en particulier, faut-il le rappeler, une séparation légale entre les banques de dépôts et les banques dites d’affaires ou d'investissement. D'ailleurs, beaucoup de commentateurs ont jugé ces derniers temps que l’abrogation, en 1999, de la loi Glass Steagall avait été une cause déterminante de l’ajustement financier mondial qui est devenu réalité dans la décennie 2000. Ils considèrent aussi que les situations budgétaires et d’endettement terribles des Etats des pays de la zone euro sont une conséquence directe de l'ajustement en question. Les hommes de l'Etat ont en effet mené des politiques qui n’ont pas, certes, respecté les engagements dont ils étaient convenus, mais, à les en croire, elles ont permis d’adoucir le choc. Sans les politiques menées, des situations auraient été insupportables selon leurs dires. Pourquoi, bien sûr, s'abstenir de dire tout cela si des gens le croient ! Ils critiquent ainsi la vision politique qui a motivé la réforme de 1999. Ils apprécient au contraire la vision politique qui avait motivé la réforme de 1933 aux Etats-Unis sans s'y attarder. Mais ils n’évoquent pas les autres réformes de 1933-34 aux Etats-Unis intimement liées en définitive à la réforme bancaire, par exemple, l'interdiction de la convertibilité intérieure du dollar en or et l'interdiction pour les Américains de détenir de l'or aux Etats-Unis. Pourtant, l’interdiction de la convertibilité a fait que les « substituts de monnaie bancaires », véritables formes de monnaies réglementées (les monnaies nationales), sont devenus « substituts bancaires de rien »… même si certains commentateurs les ont interprétés comme des dettes des banques – vraisemblablement parce qu’ils restaient inscrits au passif du bilan de la banque -. Mais, soit dit en passant, les capitaux propres de la banque sont aussi inscrits au passif du bilan et ceux-ci ne sont pas pris pour des dettes de la banque ! Deux poids, deux mesures ? Le fait est que la révolution étatique de l'interdiction de la convertibilité des substituts de monnaie bancaires en monnaie a été ignorée ou cachée. Une preuve en est que certains évoquent aujourd'hui le « retour à l’étalon or »… et non pas une réaction à la révolution étatique qui a emporté l'étalon-or. Je laisse de côté le débat entre partisans du retour à l'étalon or et partisans des taux de change libres qui n'est plus aujourd'hui d'actualité. On ne s’étonnera jamais assez que cette révolution étatique, en définitive feutrée, n’ait pas suscité de remous dans l’opinion en dépit des conséquences qu'on pouvait imaginer et que certains faisaient valoir alors, qu'elle a eues et ce n'est pas fini. Une chose est sûre en effet aujourd'hui : la révolution étatique en question a déjà fait beaucoup de mal ou de victimes et le mal empire d’ailleurs aujourd’hui sous nos yeux et sur notre dos. A ma connaissance, et curieusement, l’interdiction de la convertibilité des substituts de monnaie bancaires en or n'a jamais été dénommée « révolution étatique ». Pourtant, il n’y a pas d’autres mots à employer pour caractériser ce qui s'est produit. Pourquoi cette situation ? A qui le « crime » profite-t-il ? Je réserverai la réponse à la question à un billet futur pour m’intéresser dans celui-ci à ce que l’interdiction de la convertibilité en question cache. A la racine de l’interdiction, il y a a priori une alternative entre une décision des hommes de l'Etat fondée sur la science de la monnaie du moment ou une décision non fondée sur celle-ci. Et il faut reconnaître que, fin XIXème siècle début XXème siècle, la science de la monnaie était sinon dans l’enfance, au moins baignait-elle le plus souvent dans le marais de la rhétorique ou de la métaphore, quand elle ne comportait pas de piètres nénuphars, je veux dire des théories erronées et d'autres mal comprises. A l'époque, la théorie de la quantité de monnaie - dénommée par certains en français « théorie quantitative de la monnaie » - était exemplaire à cet égard. Elle n’expliquait pas la quantité de monnaie comme son nom prête à le croire…, mais le « niveau des prix » ou le « pouvoir d’achat de la monnaie », concepts qu’elle introduisait pour l’occasion. Elle expliquait aussi la variation du « niveau des prix » ou de son inverse, le « pouvoir d’achat de la monnaie », moyennant l’introduction d’un autre concept, à savoir la « vitesse de circulation de la monnaie ». Reste que le « niveau des prix » ne doit pas cacher les prix d’échange en monnaie des biens en propriété convenus plus ou moins librement par les échangistes, dont il procède après manipulation mathématique. Soit dit en passant, ce point est important car, selon Pareto, quand les prix sont libres, la monnaie est vraie, quand ils sont réglementés, la monnaie est soit fiduciaire soit fausse. Il s'ensuit donc des conséquences à ne pas négliger mais à cerner et à prendre en considération. Ce que ne faisait pas la théorie de la quantité de monnaie. Reste aussi que les prix d’échange en monnaie des biens en propriété ne sont rien d’autres que des quantités de monnaie échangées par unité des objets ou services en question – quoique passés sous silence - dans les échanges. En d’autres termes, le « niveau des prix » ou le « pouvoir d’achat de la monnaie » cache une quantité de monnaie échangée, i.e. qui a changé de mains, à l’instant « t » et, si on se place dans une période de temps "dt", il cache une quantité de monnaie qui a changé de mains à une certaine vitesse, toutes choses égales par ailleurs. Telle est l'épine dorsale de la théorie de la quantité de monnaie du début du XXème siècle à quoi on peut opposer la Théorie de la monnaie du crédit, titre du livre publié en 1912 et écrit par Ludwig von Mises, phare de l'école de pensée économique dite "autrichienne". A l’occasion de la conférence 2001 de la "Société européenne d’histoire de la pensée économique" tenue à l'Université Technique de Darmstadt, David Laidler a donné une conférence sur «L'influence de la politique sur la pensée économique» dans laquelle il apporte une réponse à la question. C’est le dernier temps intitulé "L'entre deux guerres" de son propos qui en comporte quatre. Selon Laidler, c'est le développement de la pensée économique qui a influencé la politique plutôt que le contraire. Mais surtout, il note qu'il y a eu un changement de couleur politique de la théorie de la quantité de monnaie et de la rivale qu'il lui prête et qu'est la théorie de l'"Ecole de la banque"... De "gauchiste" ou "populiste" au XIXème siècle, la théorie quantitative est devenue "droitiste" au XXème siècle, alors que l'"Ecole de la banque" a suivi le chemin opposé. J’ai traduit ce dernier temps du texte en français, le voici. L'entre-deux guerres. L'étalon-or international, dont la création au coup par coup dans la décennie 1870 avait suscité la controverse sur le bimétallisme, a survécu jusqu'au début de la Première Guerre mondiale, mais pas à cause d'une victoire intellectuelle de ses partisans. C’est plutôt la découverte du procédé de cyanuration qui l’a permis. Celui-ci a en effet donné la capacité d’exploiter avec économie les dépôts en or de l'Afrique du Sud à partir du milieu de la décennie 1890. Et, parallèlement aux découvertes d'or dans le Yukon à peu près à la même époque, cela a suffi pour que l’offre mondiale d'or monétaire croisse plus rapidement que la production réelle. Deux décennies de déflation ont pris fin, une inflation modérée qui a persisté jusqu'en 1914 a commencé et le bimétallisme a perdu sa principale raison politique. Il est aussi intéressant de noter que les économistes monétaires de premier rang de l'époque, Marshall, Fisher et Wicksell, chacun à sa façon adepte de la théorie de la quantité de monnaie ["théorie quantitative de la monnaie" dans la terminologie française de certains, faut-il le répéter], n’avaient soutenu aucune des parties de la controverse sur le bimétallisme. Tous les trois préconisaient la stabilité du niveau des prix comme objectif politique, mais tous les trois pensaient qu'il était possible d'améliorer à la fois les étalons or et bimétallique pour y parvenir.19 19. Marshall (1887) était en faveur d’un symetallisme complété par l'indexation largement volontaire des contrats des marchés du travail et des capitaux, Fisher (1911) proposait d'indexer la monnaie même par le biais de son régime du dollar compensé, tandis que Wicksell (1898) proposait une monnaie papier internationale dont la valeur serait stabilisée par les mouvements de taux d'intérêt coordonnés entre les banques centrales du monde. J'ai discuté ces questions plus en détail dans Laidler (1991). Ainsi, en dépit de l'échec de la cause bimétalliste à quoi elle a été intimement associée, la théorie de la quantité de mo...
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